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28 octobre 1999 ![]() |
LAVAL BAIGNERA DANS LE COLA
Bien sûr les universités québécoises
traversent une crise de financement et on cherche des solutions
imaginatives.
Les grandes entreprises et les gens d'affaires sont très courtisés depuis que les caisses gouvernementales sont à sec. Faut croire que c'est de ces milieux que vont provenir des solutions à ce point originales qu'elles vont nous laisser totalement ébahis.
Les fabricants de boissons gazeuses sont des experts en publicité qui ne lésinent pas sur les moyens à prendre lorsqu'il s'agit de convaincre les consommateurs que Coke est différent de Pepsi. Ainsi à un certain moment, on avait Céline Dion du côté Coke et Claude Meunier du côté Pepsi. On se fout bien de savoir si ces deux personnes peuvent mieux que vous et moi apprécier les bulles de ces deux produits. Mais elles sont connues bien plus que vous et moi, et les gens de marketing savent bien que le médium, c'est le message.
Alors notre direction universitaire, certainement bien appuyée par un conseil d'administration où la créativité du milieu d'affaires est bien représentée, vient de proposer une solution imaginative à notre problème de sous-financement: une contribution d'une dizaine de millions de dollars (US j'espère) de la part soit de Coke ou soit de Pepsi et en contrepartie, une entente d'exclusivité d'exploitation sur le campus pendant dix ans.
Je trouve qu'on ne pousse pas l'imagination assez loin. Puisque le médium est le message, on devrait capitaliser bien davantage sur la notoriété, pour ne pas dire la célébrité, de nos dirigeants universitaires et des membres de notre conseil d'administration. Ainsi, ces gens-là pourraient s'engager à circuler exclusivement en automobiles arborant les armoiries de l'Université Laval et le logo de l'éventuel vainqueur de la compétition. Peut-être pourrions nous alors obtenir un million de plus
Et moi, comme simple professeur inspiré par ses dirigeants, je pourrais m'engager à parader aux collations de grades revêtu d'une toge rouge avec un gros bateau bleu en avant et en arrière. Je serais un Templier des temps modernes ayant troqué la croix pour la bière. Pensez-vous que la brasserie Molson pourrait alors nous fournir gratuitement la bière, à moi et à mes étudiant(e)s, pendant les dix prochaines années? Pour ma part, avec l'économie ainsi réalisée, je pourrais renouveler mon équipement informatique sans quêter mon université.
Il est de bon ton de réclamer des baisses d'impôt et des réductions de taxe. On donne ainsi aux dirigeants d'entreprises l'occasion de se transformer en mécènes.
Pendant ce temps, dans ce temple de la liberté qu'est l'université, ce qui est merveilleux si la tendance se maintient, c'est que nous pourrons dorénavant choisir nos servitudes.
ON LOBOTOMISE LES ÉTUDIANTS DE LAVAL
Pendant les querelles des bourses du millénaire, au
coeur de la campagne de lobbying fait par Pepsi et Coke auprès
des autorités universitaires et durant le temps qu'on essaie
de "patcher" les lacunes du système scolaire,
voilà qu'Anapharm étend ses tentacules sur le campus
en offrant aux étudiants de nouveaux types de bourses.
En effet, depuis quelques temps, un grand panneau publicitaire
d'Anapharm invite les étudiants à devenir les rats
de son laboratoire pour un court séjour, avec en prime
une belle compensation financière. Ainsi, en l'espace d'une
fin de semaine, l'étudiant pourra réussir à
trouver l'argent nécessaire pour boucler sa fin de mois
et ce, sans l'aide de papa et maman, tentant, non ?
Peut-être que la réaction aurait été plus vive et médiatisée si cette publicité avait été affichée dans les foyers pour personnes âgées? Mais, est-ce la faute du gouvernement qui a de la difficulté à diagnostiquer l'origine du mal lorsqu'on dit que: "le système scolaire est malade"? Peut-être que les conditions gagnantes passent par un système scolaire à crédit pour des étudiants qui se prostituent au profit des compagnies pharmaceutiques et biotechnologiques ?
Ne serait-ce pas là une entente machiavélique entre le gouvernement et Anapharm pour "lobotomiser" les étudiants et, ainsi, passer en douce l'augmentation des frais de scolarité? Ceci ferait en sorte que le gouvernement pourrait se laver les mains à l'égard d'une prochaine hausse des frais en nous disant qu'il y avait à la disposition des étudiants une quantité de programmes de financement offerts !!! Ainsi, devenus parfaitement docils à l'égard du pouvoir, à la suite de leur séjour payant (?), les étudiants pourront fièrement graduer de leurs études avec un Q.I. de pâté au saumon. Et vive la prochaine génération! Mais pas d'inquiétudes quant à l'avenir, car lors du prochain virage ambulatoire, même si cette génération givrée rate la courbe, elle sera confiée aux bons soins des fonctionnaires du bien-être social ! De là, un taux de chômage encore plus faible et un gouvernement fier de sa culture distincte, en route vers le référendum, les conditions sont là !