28 octobre 1999 |
La guerre que se livrent les multinationales Coca Cola et Pepsi Cola, depuis quelque temps, sur le terrain des établissements scolaires, collégiaux et universitaires du Canada et du Québec, s'est transportée dans la Cité universitaire. On sait que la direction de l'Université Laval a fait connaître récemment son intention de signer une entente d'exclusivité avec l'un ou l'autre de ces embouteilleurs "grand format" en retour d'une rétribution annuelle d'un million de dollars pendant dix ans.
Il y a peut-être encore loin du goulot aux lèvres, toutefois, car des groupes d'étudiants entendent se mêler à ce "jeu de la bouteille" et mener eux aussi une bataille rangée, non pas sur le champ de l'étiquette, mais plutôt dans l'arène de l'éthique. C'est du moins l'impression qui s'est nettement dégagée du débat public organisé par le Forum lavallois, le jeudi 14 octobre, à l'agora du pavillon Alphonse-Desjardins.
Appel à la participation étudiante
La foule d'une centaine de personnes -visiblement défavorables
- n'a pas manqué de montrer son désaccord vis-à-vis
de la démarche de l'Université tout au long des
échanges, applaudissant les attaques massives et restant
muette après les rares incursions sympathiques à
la cause du financement par le cola. Une bonne délégation
d'étudiants et d'étudiantes de la Faculté
des sciences sociales a fait sentir sa présence lors des
interventions. Le rassemblement a d'ailleurs permis la réapparition
de quelques rubans orange de la Coalition orange, qui a mené
un combat acharné contre les coupures à la Bibliothèque,
il y a quelques mois.
Du million de dollars par an provenant de Coca Cola ou de Pepsi Cola, 30 % serait versé aux associations étudiantes, 30 % servirait au soutien et au développement de la Bibliothèque et 40 % serait investi dans des programmes de bourses et de dépannage pour les étudiants.
"L'entente recherchée est une opération strictement commerciale, a lancé d'entrée de jeu Marc J. Trudel, vice-recteur au développement. C'est pratique courante aux États-Unis et également au Canada. D'ailleurs, les université du Québec ont déjà signé; c'est maintenant au tour de l'Université Laval de faire de même." La démarche de l'Université diffère quelque peu de celle adoptée par les autres établissements du réseau universitaire pancanadien. "Nous avons voulu faire appel aux étudiants pour qu'ils participent à l'élaboration du protocle d'entente avec l'une ou l'autre multinationale", a fait remarquer le vice-recteur Trudel.
Du million de dollars par an provenant de Coca Cola ou de Pepsi Cola, 30 % serait versé aux associations étudiantes, 30 % servirait au soutien et au développement de la Bibliothèque et 40 % serait investi dans des programmes de bourses et de dépannage pour les étudiants, a précisé Marc J. Trudel.
Selon la volonté des étudiants
Le flot d'opinions s'est ensuite mis à déferler
par vagues successives, causant parfois quelques embouteillages
ou des bouchons autour des micros. En tout, une trentaine d'interventions,
dictées quasi unanimement par le refus global de toute
compromission, de toute "commercialisation des étudiants",
comme on l'a fait valoir, se sont fait entendre une heure trente
durant.
"C'est la liberté d'expression qui est mise en cause", s'est indignée une étudiante. "L'Université Laval nous définit comme un marché captif: voulons-nous que ce marché soit vendu à des compagnies?", s'est demandée une autre. "L'Université veut-elle faire un lieu de futurs employés ou un lieu de savoir où l'on est libre?", s'est interrogée la suivante. "Quand on se prostitue au profit des multinationales, on est déjà en train de s'en rapprocher", a prétendu un étudiant. "Le manque d'argent vaut-il la peine que l'on fasse n'importe quoi?", de s'inquiéter un confrère. "Si l'on avoue que c'est là le seul moyen de freiner les coupures, on accepte alors comme normale notre dépendance vis-à-vis du secteur privé", a renchéri une étudiante. "Comment peut-on séparer l'économique du social? Quel est le rôle éthique de l'Université?", de s'enquérir un autre étudiant.
"Pourquoi n'irait-on pas de l'avant? Allons voir ce qu'ils
nous proposent", ont par ailleurs suggéré deux
des trois seuls étudiants présents qui se sont montrés
réceptifs au projet de la direction l'Université.
"Si tout le monde est contre, il est certain que le Conseil
d'administration n'ira pas à l'encontre de la volonté
des étudiants", devait déclarer le vice-recteur
Marc J. Trudel au cours de ce premier Forum lavallois .