7 octobre 1999 |
Le doyen de la Faculté des lettres, l'historien Jacques
Mathieu, était invité à prononcer une conférence
publique à l'auditorium de la Grande galerie de l'évolution
au Musée d'histoire naturelle à Paris, le 8 octobre,
devant les membres de l'Académie des sciences de l'Institut
de France. C'est le premier Québécois provenant
des milieux de la culture à recevoir une telle invitation
de cette institution.
L'événement visait à rappeler le troisième centenaire de la nomination de Michel Sarrazin (1659-1734), médecin du roi en Nouvelle-France, comme membre correspondant de l'Académie, en 1699. Il a été organisé grâce à la Commission franco-québécoise des lieux de mémoire communs et a profité de la collaboration du Musée de l'Amérique française et de la CEFAN (Chaire pour le développement de la culture française en Amérique du Nord).
L'Académie royale des sciences de Paris a été fondée par Colbert en 1666. À l'origine, elle comptait une vingtaine de savants répartis en six disciplines: anatomie, chimie, botanique, géométrie, astronomie et mécanique. En 1699, Louis XIV lui donna un statut officiel et l'ouvrit à des membres correspondants et étrangers. C'est ainsi que Michel Sarrazin devint membre correspondant de l'Académie, en même temps qu'Isaac Newton fut nommé membre étranger. L'Académie procéda à une nouvelle ouverture en 1976. Depuis, elle compte 130 titulaires, 80 associés étrangers et 160 correspondants dans huit disciplines de sciences exactes.
La célébration de la nomination de Michel Sarrazin à l'Académie des sciences traduit et réaffirme la volonté d'ouverture et de collaboration des hommes de science dans le contexte de la mondialisation. En effet, la vie et la carrière de Michel Sarrazin témoignent de l'apport de la science à l'évolution de l'humanité. Sarrazin doit sa notoriété à sa pratique médicale. Il a guéri le gouverneur d'une pleurésie et sauvé de la mort une religieuse, soeur Marie Barbier de la Congrégation Notre-Dame, en l'opérant au sein en mai 1700. Mais Sarrazin est également anatomiste, botaniste, zoologiste et minéralogiste. Il a produit un imposant catalogue de plantes du Canada, faisant découvrir une trentaine d'espèces jusque-là inconnues. Son nom s'est perpétué dans la nomenclature des plantes mais surtout par la création des maisons Michel-Sarrazin dont la mission est d'accompagner les personnes dans les derniers jours de leur vie.
Jacques Mathieu doit cette invitation à ses nombreux travaux en histoire de la Nouvelle-France et sur la mémoire collective. Il a dirigé la recherche relative à l'exposition Mémoires au Musée de la civilisation de Québec. Récemment, il a publié, aux Presses de l'Université Laval, un ouvrage sur Le premier livre de plantes du Canada. Il est aussi membre de l'Académie des lettres et des sciences humaines de la Société Royale du Canada.
La conférence de Jacques Mathieu s'intitulait Michel Sarrazin 1659-1734 et les orphelins de la mémoire. L'auteur range, dans le groupe des orphelins, les hommes de science, la francophonie nord-américaine et les Amérindiens. Face aux innovations qui touchent le monde scientifique, comme les nouvelles technologies, la communication et l'accumulation incommensurable du savoir, il prône un rapprochement entre les gens de science et ceux de la culture. Il établit des ponts entre la commémoration et les sciences. Il montre que le vouloir de science au profit de l'humanité passe par un vouloir de mémoire.