30 septembre 1999 |
L'éthique est un sujet à la mode, ramené presque quotidiennement dans la devanture des médias, qui continue de susciter son lot annuel de publications. La plus récente, intitulée Éthique et soins infirmiers, a été lancée le 23 septembre par Les Presses de l'Université de Montréal.
"Ce livre est un peu un clin d'oeil que je veux faire aux infirmières et aux infirmiers en les invitant à réfléchir ensemble sur un tas de questions que l'on se pose continuellement", raconte Danielle Blondeau, professeure à la Faculté des sciences infirmières de l'Université Laval. Celle-ci a dirigé le collectif d'une douzaine de collaborateurs et de collaboratrices qui a contribué à la rédaction du volume.
Au carrefour des bouleversements
L'ouvrage un des rares destinés aux infirmières
et aux infirmiers se veut le reflet de l'interdisciplinarité,
car on ne peut plus aborder dans leur complexité les problèmes
qui surgissent dans le domaine de la santé et dans la société
sous l'angle d'une seule discipline, juge Danielle Blondeau, qui
est aussi titulaire d'un doctorat en philosophie.
"Le besoin de l'éthique se fait peut-être sentir parce que tout bouge, tout change, parce qu'on a perdu nos repères habituels, poursuit-elle. Avant, ce n'était pas compliqué: quelqu'un rendu en fin de vie mourait. Mais aujourd'hui, on peut presque le garder, prolonger sa vie, et on se pose la question: qu'est-ce qui convient, qu'est-ce qui est bien ? Les professionnels de la santé sont au carrefour des bouleversements. Chaque geste interpelle la conscience."
On exige beaucoup de l'éthique, remarque par ailleurs l'infirmière-philosophe. On attend parfois de sa part les grandes réponses, les solutions miracles. Au lieu de ces éthiques à caractère idéologique qui pullulent de nos jours, Danielle Blondeau préfère proposer, pour sa part, une éthique plus fondamentale basée sur les valeurs universelles, sur des principes reconnus comme le respect de la personne, la dignité humaine.
"L'être humain a tellement interféré dans le processus de la vie humaine que c'est "questionnant", c'est dérangeant. C'est l'éthique, dans le fond, qui jette sa réflexion sur la pratique et sur la science également. Celle-ci cherche le vrai, mais le vrai n'est pas nécessairement le bien", souligne-t-elle.
Une image à dépoussiérer
Éthique et soins infirmiers apparaît donc sur
les tablettes des librairies dans le contexte d'une techno-science
chamboulante, d'un système de santé québécois
en transition et de l'après-grève des infirmières
et des infirmiers. Au dire de la professeure de la Faculté
des sciences infirmières, sa parution vient en quelque
sorte rappeler à la population du Québec combien
demeurent indispensables ces "chevilles ouvrières"
dans un système de santé qui ne leur rend malheureusement
pas toujours justice.
"Si l'on pouvait dépoussiérer cette image stéréotypée de l'infirmière au chevet, de l'infirmière à la piqûre, pour que les gens se rendent enfin compte que l'infirmière d'aujourd'hui possède une autonomie professionnelle, qu'elle est capable de porter un jugement clinique, que l'aspect communautaire du virage ambulatoire vient changer sa pratique, qu'il y a, au-delà de son art, toute une dimension de réflexion et de science!", de souhaiter vivement Danielle Blondeau.
Livre-phare à des lieues des "tracasseries administratives ou bureaucratiques" qui ne manquent pas de les "distraire" quotidiennement, Éthique et soins infirmiers devrait recentrer les membres de la profession sur l'essentiel, c'est-à-dire le patient, croit la professeure de l'Université Laval.
À livre ouvert
Le volume de 342 pages se divise en cinq grandes parties.
Dans "À propos de l'éthique", Danielle
Blondeau et Lucien Morin signent l'introduction où ils
abordent des notions comme l'éthique, la morale, la déontologie,
l'acte moral. Martin Hébert et Jacqueline Fortin se penchent
par la suite sur le légal et le moral et sur l'éthique
et le politique.
Thomas De Koninck entame la deuxième partie ("Éthique, valeurs et profession infirmière") en s'attardant sur la dignité et le respect de la personne humaine, plus spécifiquement sur la découverte de la dignité humaine, les droits humains, le désir de reconnaissance et l'amitié, la pertinence et la grandeurs des soins infirmiers. Danielle Blondeau jette un regard par la suite sur la vie humaine (qualité ou longévité?), l'évolution et la définition du service infirmier, les valeurs professionnelles et le code de déontologie, et l'autonomie professionnelle des infirmières.
Il est successivement question, dans la troisième partie ("Droits de bénéficiaires"), d'un projet de charte des droits de la personne mourante (Danielle Blondeau, Colette Gendron, Lucien Morin), du consentement aux soins et de l'inaptitude (Éric Gagnon et Danielle Blondeau), et de quinze histoire de cas (Danielle Blondeau, Martine Francis, Colette Gendron, Lucien Morin).
Intitulée "Approche interdisciplinaire de questions actuelles", la quatrième partie examine l'avortement selon une perspective psychosociale (Raymonde Vézina) et théologique (Pierre Gaudette). Elle fait s'exprimer Danielle Blondeau sur les conditions éthiques de la mort et Michel R. Morissette sur l'infection à VIH/sida. Lucien Morin présente, dans la dernière partie consacrée à la science et l'éthique, sur le leitmoviv " Science avec conscience", quatre entrevues d'un intérêt exceptionnel réalisées en 1986 avec Henri Atlan, Albert Jacquard, Henri Laborit et Edgard Morin.