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16 septembre 1999 ![]() |
Le respect des choix du patient compte parmi les valeurs fondamentales des infirmières. Tout comme la préservation de la vie. Que se passe-il lorsque les directives de fin de vie d'un patient provoquent une collision frontale entre ces valeurs? C'est ce qu'on voulu savoir Mireille Lavoie, Danielle Blondeau et Gaston Godin de la Faculté des sciences infirmières en conduisant une étude qui plaçait les infirmières devant ce conflit de valeurs.
Les chercheurs ont demandé à 164 infirmières travaillant dans des unités de soins intensifs de quatre hôpitaux de la région de Québec de remplir un questionnaire à partir du scénario suivant. Une patiente éprouve des problèmes cardiaques et respiratoires, fait une pneumonie et de l'oedème pulmonaire qui nécessite le recours à un appareil de ventilation mécanique. Ses chances de survie sont, au mieux, très minces. Une infirmière fictive, Marie, préconise un niveau d'intervention qui pourrait conduire à de l'acharnement thérapeutique. Les répondantes devaient indiquer si elles partageaient le choix de Marie et si leur décision serait affectée par l'existence de directives de fin de vie, rédigées par la patiente, indiquant clairement qu'elle refuse toute forme d'acharnement thérapeutique.
Les résultats de l'enquête, publiés dans un récent numéro du Journal of Applied Social Psychology , indiquent que le respect de l'autonomie du patient l'emporterait sur le désir de bienfaisance des infirmières. En effet, en absence de directives de fin de vie, 59% des infirmières préconiseraient des traitements intensifs même s'ils risquent de conduire à de l'acharnement thérapeutique. Mais, advenant l'existence d'un tel document, 31% des répondantes continueraient les traitements agressifs alors que les autres (69%) respecteraient les volontés exprimées par la patiente en ne dispensant que des soins palliatifs.
L'existence de directives de fin de vie a une forte influence sur le type de soins que préconisent les infirmières, concluent les chercheurs. Une bonne majorité d'entre elles ne prodigueraient alors que des soins visant le confort de la patiente, ce qui élimine la possibilité d'acharnement thérapeutique. Le fait que 31% des infirmières passeraient outre aux volontés de la patiente a tout de même intrigué les trois chercheurs. "C'est relativement élevé, reconnaît Danielle Blondeau, mais il ne faut pas oublier que les infirmières sont formées pour sauver des vies et qu'elles ont une propension pour agir en ce sens.".
Côté respect de l'autonomie du patient, les infirmières font mieux que les médecins, révèle une autre étude réalisée par l'équipe de Danielle Blondeau et publiée en 1998 dans le Journal of Medical Ethics. L'enquête, menée cette fois auprès de 123 patients, 167 médecins, 340 infirmières et 291 administrateurs d'hôpitaux, montrent que tous les répondants ont une attitude positive par rapport aux directives de fin de vie. Par contre, les médecins et les administrateurs accordent moins d'importance à l'autonomie du patient et aux aspects affectifs que les infirmières. En fait, les scores obtenus par les infirmières sont ceux qui se rapprochent le plus de ceux des patients. "Ce n'est pas étonnant lorsqu'on y réfléchit un peu, souligne Danielle Blondeau, parce que les infirmières sont proches des patients et qu'elles veillent aux intérêts de ceux-ci."