23 juin 1999 |
Paul Lavallée, 77 ans bien sonnés, aurait bien aimé assister à la collation des grades du 12 juin afin d'y recevoir son diplôme des mains du recteur. Son dos le faisant souffrir et la cérémonie obligeant les finissants et finissantes à de longues heures d'attente assis ou debout, l'homme a dû abandonner l'idée de se retrouver avec ses pairs, une petite mort dans l'âme. Mais qu'à cela ne tienne, Paul Lavallée est heureux comme un pape, ayant bel et bien terminé des études de doctorat en théologie, commencées à l'âge vénérable de 72 ans. "L'expérience m'a donné une seconde jeunesse", dit simplement cet homme dont le regard lumineux et le sourire resplendissant réchauffent le coeur. "Mais je ne cache pas que j'ai trouvé certains moments plus difficiles, particulièrement les étapes de recherche et de lecture précédant la rédaction."
Résultat de cinq années d'efforts: une thèse de 410 pages portant sur la Règle de saint Benoît, réalisée sous la supervision de Jean-Guy Pagé, de la Faculté de théologie et de sciences religieuses. Dans cette recherche, Paul Lavallée montre que la Règle des moines de saint Benoît constitue une source inestimable de vie et de progrès spirituel pour des laïcs en quête de Dieu. "J'ai toujours été fasciné par la vie bénédictine. Toute ma vie, elle a été un stimulant pour ma vie intérieure, et ce, malgré les hauts et les bas de ma ferveur spirituelle. Pourtant l'idée de franchir la clôture ne m'est jamais venue."
La cause des enfants
Marié et père de deux enfants, Paul Lavallée
a vécu une vie remplie et heureuse, selon ses propres dires.
Avec en poche son baccalauréat en sciences sociales de
l'Université Laval (1950), il a d'abord oeuvré comme
travailleur social dans le domaine de l'adoption, à cette
époque pas si lointaine où les religieuses et les
prêtres s'occupaient eux-mêmes de trouver des familles
aux enfants abandonnés et aux orphelins. Au fil des années,
il a mis sur pied des services sociaux pour les jeunes délinquants,
au sein de différents organismes gouvernementaux. Assumant
de plus en plus un rôle de gestionnaire dans des "écoles
de protection", les ancêtres des centres-jeunesse d'aujourd'hui,
Paul Lavallée n'a jamais perdu jamais de vue qu'il travaillait
d'abord et avant tout pour les enfants. "Au milieu des années
1970, j'ai fait en sorte que les diplômes des jeunes délinquants
qui étudiaient dans ces écoles soient reconnus par
le ministère de l'Éducation. Je travaillais alors
au ministère des Affaires sociales."
À 62 ans, en 1984, Paul Lavallée décide de prendre une retraite bien méritée. Désireux de parfaire sa culture religieuse, il suit un cours sur la Bible offert par le Service de pastorale de l'Université, une expérience qui l'emballe tant et si bien qu'il s'inscrit au baccalauréat en théologie - comme étudiant libre d'abord - puis comme étudiant régulier, bien décidé à jouer le jeu jusqu'au bout. Passant à la maîtrise en théologie en septembre 1988, il effectue son mémoire sur le grand maître spirituel belge Dom Marmion, à la lumière de la correspondance de ce moine bénédictin, comptant, en l'occurrence, 1 400 lettres. "Il m'est arrivé de ressentir un énorme sentiment de découragement face à l'ampleur de la tâche, confie le nouveau docteur en théologie. Mais j'étais vraiment décidé à persévérer. En outre, je devais également me familiariser avec l'ordinateur - un autre nouveauté pour moi - sans lequel mon travail n'aurait pas pu aboutir."
Blancs comme neige
De la maîtrise au doctorat il y a un grand pas que Paul
Lavallée est heureux d'avoir franchi, bien qu'il ait trouvé
les débuts un peu "tough", selon sa propre expression.
"Avec le recul, je me rends compte que j'ai beaucoup trop
lu, pour les besoins de la cause ", conclut-il à la
blague. D'autre part, les contacts avec les autres étudiantes
et étudiants se sont bien déroulés, une fois
la surprise passée de voir ce nouvel étudiant aux
cheveux blancs comme neige s'asseoir sur les bancs d'école.
"Un jour, une jeune fille m'a même demandé si
j'étais le doyen de la Faculté de théologie.
J'ai trouvé cela plutôt amusant! D'autres étudiants
m'ont parfois téléphoné à la maison,
pour avoir des conseils ou des explications sur la matière.
C'était très enrichissant."
Au terme de cette aventure, Paul Lavallée n'hésite pas à dire que la plus belle décision de sa vie a été de retourner à l'Université, à l'âge de 62 ans. Aux futurs retraités, il rappelle un vieil adage latin: "Ce que ceux-là et celles-là ont accompli, pourquoi ne le ferais-je pas?"