10 juin 1999 |
Guy Gendron a commencé sa carrière d'ingénieur sur les chapeaux de roues. Après avoir obtenu un doctorat pour ses travaux en modélisation numérique des structures à la Virginia Polytechnic Institute and State University en 1991, il est entré à l'emploi de Spar Aérospatiale de Montréal où il a travaillé sur les composantes des satellites MSAT et EOS. En juin 1994, changement de cap: il devient ingénieur principal en recherche et développement chez Maya Heat Transfer Technologies, une entreprise montréalaise de haute technologie. Puis, en 1995, coup de théâtre: il quitte une carrière prometteuse dans le privé pour accepter un poste de professeur au Département de génie civil de l'Université. Quatre ans plus tard, son salaire est toujours inférieur à ce qu'il gagnait à sa dernière année dans le secteur privé (sa rémunération le place en fait dans le quartile inférieur des ingénieurs québécois) et la pression pour produire qu'il vit quotidiennement est plus forte que tout ce qu'il a vécu dans l'entreprise privée. Mais Guy Gendron est convaincu d'avoir fait le bon choix.
La découverte de la pédagogie
"J'ai toujours rêvé d'être professeur.
En fait, si mes emplois antérieurs m'avaient donné
davantage l'occasion d'expliquer des choses aux gens, je serais
probablement encore là aujourd'hui." Cette passion
pour l'enseignement n'est sûrement pas étrangère
aux succès qui ont conduit le professeur Gendron au Prix
Summa 1999, après seulement quatre années d'expérience
comme professeur. "Rien n'est plus motivant que de voir le
regard d'une personne s'illuminer parce qu'elle vient de comprendre
les explications que tu lui as données", résume-t-il
simplement pour expliquer sa passion pour la transmission du savoir.
La beauté de l'affaire est que le plaisir croît avec l'usage. "J'aime davantage enseigner aujourd'hui qu'en 1995. À mes débuts, mon approche de l'enseignement était très intuitive, reconnaît-il. Puis, j'ai suivi un cours de 45 heures en pédagogie, offert à l'intention des nouveaux professeurs. Ce cours, donné par Serge Talbot, de la Faculté des sciences de l'éducation, m'a ouvert les yeux sur la science de la pédagogie. Maintenant, je comprends mieux ce que je fais."
À la suite de cette formation, Guy Gendron a bouleversé son style d'enseignement. "J'ai commencé à faire des choses que je n'aurais jamais osé faire avant. À mes débuts, je donnais des cours magistraux pendant 50 minutes, on allait à la pause, et puis je reparlais pendant un autre 50 minutes. Maintenant, je parle deux fois moins qu'avant devant le groupe, je fais plus de place à la mise en action des étudiants, aux interactions directes avec eux, je leur donne des exercices qui les aident à faire des liens entre la théorie et la pratique, je circule parmi eux et je réponds à leurs questions. Ma classe était un endroit d'enseignement; je l'ai transformée en lieu d'apprentissage."
L'étudiante-chercheure Isabelle Gervais-Tremblay, qui a suivi deux cours de maîtrise avec le professeur Gendron, a profité de cette petite révolution dans la salle de classe. Mais elle estime tout de même que la passion de son professeur explique son succès auprès des étudiants. "Il est supermotivé et il est comme transparent. On voit en lui le désir de nous transmettre des connaissances. Il est aussi très sensible aux réactions de la classe, il sent si nous avons compris ou non. Il est aussi très disponible et, en plus, on n'a jamais l'impression de le déranger. Quand on va lui poser une question, la discussion va toujours plus loin à chaque fois." Quant à savoir si, dans l'ensemble, Isabelle Gervais-Tremblay estime qu'il est un bon maître, la réponse est claire "Mets-en! C'est le meilleur prof que j'ai eu depuis que je suis à l'Université."
Cent fois sur le métier...
Spécialiste du domaine du calcul appliqué, plus
particulièrement en mécanique des solides, Guy Gendron
mène également des travaux de recherche en modélisation
par éléments finis. "J'ai l'impression de vivre
un conflit permanent entre la recherche et l'enseignement, confesse-t-il.
Ce sont deux tâches qui n'ont jamais de fin, où tu
peux toujours investir plus de temps et d'énergie. C'est
lourd à porter et la pression pour produire est constante.
J'ai parfois l'impression de me battre contre le système
en investissant beaucoup en enseignement. Certains collègues
me disent que je me tire dans le pied, que je devrais faire plus
de recherche. En fait, tout le système universitaire dit:
fais plus de recherche. Mais, si Julie Payette n'avait pas eu
de bons professeurs, elle ne serait pas devenue astronaute. Les
étudiants méritent de bons cours et il faut prendre
les moyens de leur offrir des cours de qualité si on veut
former de bons ingénieurs pour demain."
Ses ambitions pour les années à venir vont d'ailleurs en ce sens: améliorer ses cours grâce aux commentaires que lui donneront ses étudiants. "Je souhaite simplement que l'Université me donne les moyens de continuer à exceller en enseignement."