![]() |
27 mai 1999 ![]() |
Dans le pays natal de Sergio Jimenez-Marquez, les producteurs de lait et de fromage sont légion. Le Mexique compte en effet le plus grand nombre de vaches par habitant au monde! Est-il possible que cette omniprésence de vaches, donc de lait et de fromage, ait inspiré cet étudiant en sciences et technologies des aliments qui s'apprête aujourd'hui à déposer sa thèse de doctorat sur les réseaux de neurones appliqués au contrôle des procédés... fromagers?
"Oui, certainement. Je crois que, tout jeune, je me suis beaucoup identifié à cela, explique Sergio Jimenez-Marquez. Cela faisait partie à la fois de l'économie de notre pays et de notre vie courante. Après avoir terminé mon baccalauréat en génie chimique, au Mexique, et travaillé quelque temps en recherche sur les procédés de fabrication de poudres à laver aux États-Unis, j'ai décidé de changer d'air... et de domaine. La recherche en biotechnologie me plaisait et je m'étais découvert un penchant pour les technologies des aliments. C'est donc comme ça que le fromage et le lait ont fait leur réapparition dans ma vie."
Quand, dans l'industrie fromagère, on dit contrôle du taux d'humidité, on dit nécessairement contrôle de la qualité, augmentation de la production et, par conséquent, meilleurs prix de vente et meilleurs profits. C'est au contrôle de ce taux d'humidité que Sergio Jimenez-Marquez s'est intéressé dans le cadre de ses travaux de recherches de maîtrise et de doctorat, effectués en codirection avec les professeurs Jules Thibault, du Département de génie chimique, et Christophe Lacroix, du Département des sciences et technologies des aliments.
Des mathématiques au lactosérum
Les variables qui entrent en ligne de compte dans la fabrication
du fromage (à commencer par la composition du lait lui-même,
le lactosérum, le ferment, le temps de traitement, le matériel
utilisé, etc.) et qui contribuent à modifier son
taux d'humidité sont extrêmement nombreuses. Dès
qu'une variable change, elle fait subir un changement à
une autre, puis celle-ci à une autre, et ainsi de suite,
comme un effet de dominos. Au terme de ses travaux, Sergio Jimenez-Marquez
est parvenu à développer des réseaux de neurones,
des modèles mathématiques imitant le fonctionnement
du cerveau humain en fait, qui permettent d'établir des
modèles de procédés de fabrication qui pourront
tenir compte de l'impact de chacune de ces variables.
"D'une production de fromage à l'autre, il y a toujours une variabilité dans le taux d'humidité, et lorsque celui-ci est hors normes, c'est-à-dire trop élevé ou trop bas, ceci constitue une grande perte pour un producteur puisque le fromage ne répond plus à certains critères de qualité. C'est donc cette variabilité que l'on doit tenter de réduire", explique le chercheur. Ainsi, grâce à l'utilisation d'un réseau de neurones, un fromager pourra savoir, avant même que sa production ne débute, quel sera le taux d'humidité de son fromage. Il pourra donc modifier les variables de production en conséquence afin d'atteindre le taux désiré. Une légère augmentation ou diminution de l'humidité a également une influence importante sur le rendement. "Si l'on prend, par exemple, un cheddar à 37 % d'humidité, un changement de 0,1 % du taux d'humidité aurait un impact de 0,18 % sur le rendement, pour une même quantité de lait utilisée. Ainsi, pour une production annuelle de 10 000 tonnes de ce type de fromage, on perd ou l'on gagne18 tonnes par année, selon que l'on diminue ou que l'on augmente de 0,1 % le taux d'humidité. D'où, encore une fois, l'importance de ramener le taux le plus près de sa cible. Et ce qui fait l'intérêt de cette approche, c'est qu'elle pourra être adaptable à d'autres procédés fromagers et, de façon ultime, à d'autres procédés de l'industrie alimentaire."
L'utile à l'agréable
En plus d'être un étudiant passionné pour
la recherche, il faut également dire que Sergio Jimenez-Marquez
voue un amour sans bornes pour les langues. C'est donc à
l'Université Laval, choisie parce qu'on y retrouve le seul
centre de recherche sur le lait au Canada et, évidemment,
parce qu'on y parle le français, qu'il décide, en
1994, de poursuivre ses études. "En plus de parler
l'espagnol et l'anglais, je m'étais mis en tête d'apprendre
aussi le français, explique Sergio Jimenez-Marquez. Mais,
pour moi, l'apprentissage d'une langue doit se faire dans un pays
où cette langue est parlée. J'ai besoin de savoir
que ma langue aura des racines. Aujourd'hui, mon français
prend les siennes au Québec, avec l'accent et les expressions
qui viennent avec. Après plus de quatre ans passés
ici, je m'amuse à dire que j'ai choisi le cours de langue
le plus long et le plus dispendieux qui puisse exister, mais aussi
le plus efficace!"
Sergio Jimenez-Marquez demeurera certainement encore pour quelque temps dans le domaine du lait. Sitôt sa thèse de doctorat déposée, il s'envolera en effet pour le Minnesota, aux États-Unis, pour travailler, entre autres, sur les procédés de fabrication du yogourt, pour la compagnie General Mills. "Mais avant, je prendrai une pause d'un mois, au Japon, pour aller parfaire mes connaissances du japonais." Et à quelle langue compte-t-il s'attaquer ensuite? "Le chinois, probablement."