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27 mai 1999 ![]() |
VINGT-CINQ ANS DE SERVICE
Monsieur François Tavenas,
Recteur,
Université Laval
Monsieur,
Je vous remercie de votre invitation pour souligner mes vingt-cinq ans de service à l'Université Laval. Malheureusement, je n'ai pas le coeur à la fête et j'aime mieux ne plus penser à toutes ces années.
Il y a quelques mois, mon poste de photographe a été aboli dans le but d'améliorer la situation financière de l'Université Laval malgré la certitude que nous avions, nous, les trois photographes du service Multimédia, de pouvoir autofinancer notre secteur d'activités. Nous aimions notre travail et étions convaincus d'être utiles aux chercheurs, aux étudiants, aux professeurs et au recteur pour qui les relations publiques sont si importantes.
On m'a réaffecté à un poste de réception et d'expédition de la marchandise au pavillon Vandry...
Quand je regarde les photos qui sont publiées dans le journal Au fil des événements, je continue à photographier la vie universitaire que je me suis toujours fait un plaisir et un devoir de bien "saisir"mais c'est seulement dans ma tête que je peux le faire maintenant
Vous comprendrez donc, Monsieur Tavenas, que rendre hommage à mes années de service à l'Université Laval n'a plus vraiment de sens pour moi. La reconnaissance aurait pu se manifester bien autrement
Merci quand même,
P.S. Excusez cette modeste lettre, un tantinet émotive et sûrement pas à portée internationale
c.c. Le Fil des événements
LE CENTRE MUSÉOGRAPHIQUE, LE MUSÉE DES ORIGINES EN VOIE DE DISPARITION!?
Le verdict est tombé. Le Centre muséographique de l'Université Laval fermera ses portes le 1er juillet 1999. D'après la direction de l'Université, il faut couper quelque part !
La somme économisée : 140 000 $
Les pertes encourues :
1.. La fermeture du seul musée de sciences de tout l'Est
du Québec.
2.. La disparition d'un outil de sensibilisation et de découverte
de notre monde et de ses origines.
3.. 17 000 étudiants et autres visiteurs ne viendront plus
chaque année apprendre " AUTREMENT " :
a.. par l'observation d'objets uniques témoins de notre
histoire ;
b.. par la stimulation visuelle ;
c.. par l'échange de connaissances.
Questions à se poser :
1.. Où est la vision à long terme ?
2.. Pourquoi une décision prise si brusquement ?
3.. Pourquoi n'avoir pas laissé le temps au Centre de devenir
" autonome ", i. e. le temps de trouver du financement
?
4.. Pourquoi laisser tomber un organisme florissant après
avoir investi pendant 25 ans :
a.. en conception,
b.. en réalisation,
c.. en compétence,
d.. en millions de dollars.
1.. Mais où sont donc les priorités ?
L'Université Laval ferme son musée sans bruit. Par
cette lettre, nous espérons faire un peu de bruit !
UN DANGEREUX PRÉCÉDENT EN DROIT INTERNATIONAL
Depuis le 24 mars dernier, les pays de l'Alliance atlantique
pilonnent la Serbie parce que celle-ci a refusé de signer
l'accord de Rambouillet. Après plus de 40 jours de bombardements,
force est de constater que les résultats sont pour le moins
mitigés: détermination impitoyable du régime
de Milosevic face à la coercition, aggravation de la situation
des Kosovars et risque grandissant de voir le conflit se compliquer
et se propager davantage en Europe. Aujourd'hui, l'ex-Yougoslavie
est en train de compléter son épuration ethnique
contre les Kosovars. Le nombre impressionnant de réfugiés
déstabilise les pays limitrophes dont la situation économique
était déjà précaire avant le début
des attaques aériennes.
L'une des notes discordantes de cette action armée est que les pays de l'OTAN l'ont décidée sans le consentement au préalable de l'ONU. En effet, en vertu de l'article 53 de la Charte des Nations Unies, une intervention militaire d'une organisation multilatérale doit être cautionnée par le Conseil de Sécurité de l'ONU. Cette intervention contre l'ex-Yougoslavie, qui est illicite au sens du droit international, comporte des conséquences sur les plans juridique politique et militaire.
Tout d'abord, le fait de court-circuiter la Charte risque de la vider de son sens à toute fin pratique. Sur quel critère peut-on alors se fonder pour légitimer une intervention militaire si le droit international n'est plus considéré comme étant le cadre de référence? Jusqu'où les États (ou organisations régionales) peuvent-ils agir unilatéralement pour combattre des supposés crimes contre l'humanité chez le voisin? Pour la première fois de son histoire l'OTAN a attaqué un État, ce qui crée un dangereux précédent.
Le dirigeant serbe Slobodan Milosevic affirme haut et fort que son pays est agressé par des pays occidentaux. Politiquement parlant, l'absence de légitimité juridique dans l'intervention de l'OTAN lui procure toutes les raisons valables aux yeux de la population serbe pour poursuivre la résistance ainsi que le nettoyage ethnique, et ce en dépit des coûts énormes infligés à l'économie yougoslave déjà exsangue à la veille du début des hostilités. Dans la logique serbe, les gains politiques escomptés d'un tel conflit sont perçus plus importants que les pertes militaires. Sans un arrangement approprié dans le cadre de l'ONU il semble assez peu probable que la Serbie plie l'échine face à l'OTAN dans un avenir rapproché. L'importance historique et religieuse qu'accordent les Serbes au sanctuaire du Kosovo ne saurait être minimisée.
Enfin, l'intervention armée accomplie en dehors du droit international comme c'est le cas actuellement en Serbie risque de relancer de nouvelles courses aux armements. Si des États comme la Russie et la Chine ne sont plus en mesure de faire entendre leur voix au sein du Conseil de Sécurité, boycotté par les autres grandes puissances, ils pourront alors être tentés d'assurer leurs intérêts et leur sécurité en augmentant et en modernisant leur arsenal militaire pour faire contrepoids aux pays occidentaux.
Les possibilités de dérapage sont également bien présentes si ce conflit perdure. La situation au Kosovo est susceptible de dégénérer dans l'éventualité d'un déploiement d'une force terrestre et d'un blocus pétrolier appliqué à l'endroit de la Serbie. La Russie a déjà fait entendre qu'elle ne respecterait pas un embargo pétrolier malgré des représailles économiques appliquées contre elle. Sur la base du droit international, Moscou voudra bien poursuivre sa livraison de pétrole à Belgrade. Mais qu'arriverait-il alors si l'un des navires d'approvisionnement russes était attaqué ou arraisonné ? D'aucuns disent que la Russie ne représente plus une menace étant donné sa situation financière chaotique et diverses préoccupations internes. Mais l'histoire nous montre que les problèmes domestiques (politiques et économiques) poussent justement bien des États à la croisée de la guerre . Qui plus est, l'isolement de la Russie sur plan international (adhésion de trois ex-pays communistes à l'OTAN), la mise en veilleuse du Conseil de Sécurité et l'unilatéralisme américain sont d'autres aspects pouvant mener à des complications politiques voire militaires. Pour Moscou, la Serbie constituerait un casus belli pour reprendre son leadership international et satisfaire aux velléités nationalistes exprimées par des militaires et une partie de la population désillusionnée par l'avènement de la démocratie et de la déréglementation de l'économie. Ce serait une erreur de sous-estimer l'importance historique et géostratégique que les Russes accordent à la Serbie.
Cependant, depuis les bons offices du Révérend Jesse Jackson, une lueur d'espoir se dresse à l'horizon pour un règlement politique avec l'ex-Yougoslavie. L'actuelle intervention diplomatique de l'envoyé spécial russe Viktor Tchernomyrdine à Washington, à Belgrade et auprès du Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, est déterminante car elle pourrait replacer la crise du Kosovo dans l'optique du droit international. La réactivation du Conseil de Sécurité et le déploiement éventuel d'une force multilatérale sous ses auspices (tel que prévoient les pays du G8, réunis le 6 mai dernier à Peterberg) accorderaient à Moscou un rôle prépondérant et constructif dans le dénouement de la crise, réduisant ainsi substantiellement les risques d'escalade dans les Balkans. Un arrangement dans le cadre de l'ONU mettrait Milosevic devant un fait accompli, l'obligeant ainsi à des compromis politiques et à accepter le retour des réfugiés kosovars. En fait, c'est ce qu'il faut souhaiter.