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13 mai 1999 ![]() |
L'Université Laval a déposé lundi auprès du Syndicat des professeurs et professeures de l'Université Laval un projet de lettre d'entente modifiant la convention collective, et prévoyant une négociation générale à l'automne suivant le voeu du SPUL. Le texte qui suit est un texte de réflexion qui permet de comprendre les enjeux de cette négociation du point de vue de l'Université Laval.
Le présent document décrit sommairement le projet global que nous proposons au SPUL et à la communauté universitaire afin de faire comprendre les enjeux de la situation financière difficile dans laquelle nous nous trouvons et de présenter les orientations à prendre pour redresser cette situation et protéger notre capacité concurrentielle face aux autres institutions universitaires québécoises et canadiennes. Le défi à relever exige une approche structurelle qui ne peut pas être à courte vue. Dans nos rapports avec le SPUL, et notamment en regard des modalités de notre organisation et de notre fonctionnement qui intéressent les professeurs et professeures au premier chef, notre approche doit être beaucoup plus large qu'un simple congé de cotisation, comme l'année dernière, et ne peut se limiter à la recherche de solutions temporaires au plan budgétaire ou financier.
Chacun sait que, malgré des compressions qui ont paru considérables, le déficit des opérations annuelles n'a fait que s'accroître au cours des trois dernières années: pour l'année en cours, il est en voie de dépasser les 25 millions, si bien que le déficit accumulé pourrait bientôt atteindre 100 millions. Il est temps que ça s'arrête, sinon tout le bénéfice des améliorations futures du financement universitaire devra être consacré aux intérêts de la dette accumulée et à la résorption de celle-ci.
Vu l'ampleur du problème et les risques d'une détérioration qui deviendrait vite insurmontable, la direction de l'Université est convaincue de l'urgence d'agir et, compte tenu de l'importance de la convention collective du SPUL sur notre utilisation des ressources, réitère sa volonté d'associer le SPUL à la recherche des solutions les plus appropriées. Nous souhaitons donc amorcer une discussion en profondeur afin de mettre en place le plus rapidement possible les conditions structurelles qui permettront à l'Université Laval d'amorcer un nouveau départ et de concentrer ses énergies sur son développement. Dans le texte qui suit, la révision proposée de certaines dispositions de la convention collective a d'abord le sens d'un examen en vue d'en simplifier l'application et de faciliter la mise en place d'une gestion véritablement décentralisée des unités.
La proposition qui est présentée ici doit être analysée en lien avec les orientations et paramètres budgétaires 1999-2000. Le budget 1999-2000 ouvre une nouvelle ère en établissant un budget de base des unités qui attribuera à celle-ci la plus grande part des ressources disponibles et leur permettra de mieux planifier à long terme en étant en mesure de prendre les décisions qui s'imposent pour atteindre leurs objectifs. Ce faisant, nous respectons davantage la diversité des situations dans lesquelles les unités évoluent et leur offrons les moyens de demeurer concurrentiels.
Le constat que fait la direction montre l'urgence de s'attaquer au fond des problèmes :
- La croissance du déficit d'opérations et l'ampleur du déficit accumulé ne permet plus de différer.
- Du fait des compressions, l'Université Laval est menacée dans beaucoup de secteurs de perdre sa place parmi les grandes universités de recherche au Canada.
- À moins d'un redressement en profondeur, les bénéfices d'un financement gouvernemental amélioré devront être affectés au paiement de la dette. Tout délai prolonge un recul d'où il sera encore plus difficile de sortir.
- Les coupures horizontales ont fait le plein; pourtant, et malgré qu'elles aient fait mal en beaucoup d'endroits, elles n'ont même pas empêché l'augmentation du déficit.
- La situation financière actuelle ne découle pas seulement des coupures gouverne-mentales; pour une part, elle est aussi la résultante d'une diminution de la clientèle, et met ainsi en lumière les défauts d'un appareil inadapté à cette décroissance.
- Pour la première fois dans l'histoire de nos relations avec le SPUL, les négociations à mener s'inscrivent dans un contexte de décroissance; il faut privilégier la voie du redéploiement, seule voie de développement.
Pour sortir de l'impasse financière, il faut dépasser le cadre financier et aborder l'ensemble du contexte dans lequel ce cadre s'inscrit. Or, la convention du SPUL en est un élément déterminant.
Se donner les moyens d'être ce que nous sommes
Conserver notre place comme université de recherche, rester
fidèles à une orientation historique qui fait que
nous sommes une université où les professeurs sont
au coeur des activités d'enseignement et de recherche, et
continuer à servir la société en offrant
un large éventail de programmes de formation, cela est
légitime et doit être défendu, à condition
de ne pas ignorer les difficultés de la période
que nous traversons.
Ces balises acceptées, le défi n'est pas tant de rajuster nos objectifs que de repenser la manière de les atteindre, avec moins de ressources et sans affecter la qualité. Sur ce point, l'expérience enseigne que le mur à mur est à proscrire et que la centralisation alourdit tous les systèmes. D'où l'idée d'une gestion budgétaire décentralisée et des marges de manoeuvre au niveau local qui permettent de véritables choix inspirés des besoins de l'unité.
Le projet que nous entendons soumettre au SPUL s'articule autour de trois grands pôles :
A- L'optimisation de nos façons de faire en fonction de nos moyens
Étant donné le bilan que l'on peut dresser des coupures horizontales et puisque des efforts de rationalisation doivent encore être réalisés, il devient essentiel de procéder de façon décentralisée. Toutefois, il ne peut s'agir de simplement décentraliser les décisions difficiles, il faut donner aux unités les moyens de gérer adéquatement les choix qu'elles seront appelées à faire.
Nous proposons en effet que les unités puissent gérer une enveloppe budgétaire globale, en ayant la possibilité de faire les choix localement quant à la manière d'utiliser ces ressources pour assumer au mieux leurs responsabilités. La rationalisation du fardeau collectif devient alors une décision facultaire, ou départementale, selon le cas. Il va de soi que cette orientation donne le sens des adaptations qu'il faut apporter à la convention du SPUL.
Les dispositions conventionnelles susceptibles de devoir faire l'objet d'un réexamen dans le cadre de ce premier pôle sont les suivantes :
- le plancher d'emploi dans sa forme actuelle;
- les plans de compensation et la clause relative à la
protection du niveau de l'Annexe A, sans perdre de vue la nécessité
d'une garantie de ressources minimales aux unités en regard
de leurs responsabilités;
- le chapitre sur le personnel enseignant associé.
Ces éléments constituent l'armature du dispositif de la convention actuelle touchant la protection des ressources. Dans un système de gestion décentralisée dans lequel les unités souhaitent disposer des instruments de gestion budgétaire, ces dispositions, normalisatrices par nature, doivent être aménagées pour permettre aux unités d'exercer leurs choix.
B- La valorisation des fonctions professorales que sont l'enseignement aux trois cycles, le développement des connaissances et la participation
Le prestige d'une université tient pour beaucoup à la qualité des personnes et des équipes qu'elle rassemble. À Laval, c'est principalement avec des professeurs, c'est-à-dire des personnes mandatées pour mettre en uvre la mission institutionnelle en exerçant l'ensemble des fonctions professorales fondamentales, que nous estimons que doit se poursuivre notre développement. Ces professeurs doivent en outre pouvoir compter sur un soutien adéquat en sorte qu'ils puissent se consacrer entièrement aux tâches découlant des fonctions professorales.
Par ailleurs, le réseau universitaire s'est vu sollicité de prendre en charge la formation professionnelle de haut niveau dans de nombreux domaines. Celle-ci prend une place de plus en plus grande, qu'il s'agisse de formation de base, de formation continue, ou de perfectionnement professionnel. Or, pour dispenser une formation adéquate dans cette perspective, il est apparu dans beaucoup de secteurs que le profil traditionnel du professeur d'université (PhD et formation en vue de faire de la recherche fondamentale) n'est pas toujours approprié. D'ailleurs, on observe souvent une certaine réticence des professeurs à s'engager dans cette voie à laquelle ils ne sont pas préparés. Selon leurs orientations et en fonction des besoins de formation qu'elles doivent assumer, certaines unités devraient donc avoir la possibilité d'offrir à des professionnels de haut calibre des perspectives de carrière universitaire.
Réaffirmer que nous voulons avoir recours, en priorité, à des professeurs de carrière pour accomplir des tâches qui font appel d'une manière indissociable aux fonctions de développement (recherche) et de transmission des connaissances (enseignement) n'est pas une façon de dévaloriser les autres catégories de personnel enseignant. Au contraire, cette orientation peut permettre de mieux rationaliser l'utilisation des différentes catégories d'enseignants, en fonction des particularités des secteurs professionnels et disciplinaires. Cependant, il s'agit là d'une décision locale qui ne peut être prise adéquatement que si elle se fonde sur une gestion participative efficace, d'une part, et dans la mesure où les unités ont une véritable marge de manoeuvre, d'autre part.
Dans ce pôle de notre projet, les dispositions conventionnelles qui pourront être discutées sont les suivantes :
- une adaptation du profil professoral aux besoins des divers
secteurs d'activités;
- le recours aux autres catégories de personnel enseignant
associé et auxiliaire;
- la place des professeurs subventionnels et leur cheminement
de carrière;
- les activités professionnelles externes et la non concurrence;
- le fonds de soutien aux activités académiques;
- les conditions de préservation de l'année sabbatique
comme moyen privilégié de ressourcement.
C- Maintenir notre compétitivité : recrutement, rétention et renouvellement du corps professoral
Dans la perspective de ce qui précède, il est essentiel de pouvoir attirer et retenir à notre emploi les meilleurs professeurs. Dans un contexte de concurrence croissante entre les universités, force est de constater que nous ne disposons pas nécessairement de tous les atouts pour réagir tantôt aux pressions du marché, tantôt à la dynamique interne des unités aux prises avec des niveaux de performance inégaux.
Dans la situation financière que nous connaissons, il ne sert à rien de rêver en couleur et d'envisager tout à la fois l'amélioration des conditions salariales générales, de la retraite, et la protection des ressources professorales à même les budgets dont dispose présentement l'Université. En attendant un redressement structurel de la situation financière, il est essentiel de dégager des marges de manoeuvre ponctuelles qui permettront d'optimiser l'utilisation de nos ressources, d'assurer le renouvellement du corps professoral, d'améliorer la rémunération de ceux qui sont susceptibles de subir le plus les pressions du marché, et enfin d'améliorer les conditions de retraite de ceux qui sont en fin de carrière. Jointe à l'obligation de réduire substantiellement les engagements et les coûts de fonctionnement, la réalisation de ces objectifs devient une opération complexe. À ce stade, il convient d'en présenter l'esprit général et les articulations maîtresses:
- Dans toute la mesure, les marges de manoeuvre qui seront dégagées
seront affectées prioritairement au renouvellement du corps
professoral;
- Pour accélérer le renouvellement, nous proposons
une amélioration des conditions de retraite qui ne crée
pas de problèmes inter-générationnels;
- Conformément aux engagements pris antérieurement,
nous proposons d'affecter la part des surplus actuariels qui revient
aux retraités à l'indexation des rentes en service;
- Pour faciliter la gestion décentralisée, nous
proposons de laisser dans les unités un pourcentage du
salaire des personnes qui quittent et que les unités pourraient
utiliser selon leurs besoins tout en favorisant le décloisonnement
des budgets;
- Tout en préservant les principes d'une rémunération
équitable, nous proposons d'améliorer prioritairement
la rémunération de ceux qui sont susceptibles de
subir le plus les pressions du marché;
- Selon les marges de manoeuvre dégagées, nous proposons
d'améliorer ensuite les conditions salariales de l'ensemble
du corps professoral.
Pour réaliser ces transformations et atteindre nos objectifs, il est nécessaire :
- D'obtenir un congé de cotisation patronale au régime
de retraite de plusieurs années;
- De réduire les coûts associés à la
convention collective;
- De revoir les dispositions de la convention collective pour
favoriser une gestion décentralisée des ressources
globales.
Synthèse
En substance, le plan d'action proposé par la direction
de l'Université consiste à demander aux professeurs,
et donc au SPUL, d'investir une partie des surplus actuariels
du régime de retraite dans la création de postes
et le renouvellement du corps professoral, d'accepter une restructuration
salariale propre à faciliter le recrutement et la rétention
d'une relève prometteuse, d'assumer les exigences d'une
crédibilité publique, gage d'une valorisation accrue
de l'Université Laval et de son corps professoral, de manière
à renforcer notre position concurrentielle et à
mieux utiliser nos ressources en fonction des besoins. Par ailleurs,
ce plan s'inscrit dans une perspective de gestion budgétaire
décentralisée permettant d'ajuster, avec souplesse
et en fonction des besoins des unités, la taille de l'Université
aux moyens dont elle dispose, de façon à assurer
l'assainissement de sa situation financière. Le plan présenté
ici traduit une vision de ce qu'il nous semble nécessaire
de faire pour demeurer une grande université. Cette vision
est sans doute discutable dans la mesure où elle doit être
partagée par la communauté pour pouvoir être
mise en application.
Mai 1999