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13 mai 1999 ![]() |
Le Québec fait actuellement face à un besoin
criant d'ingénieurs, de techniciens spécialisés
en métallurgie, électronique, informatique, aéronautique,
aérospatial, géomatique, optique, chimie, biochimie,
biologie, biogénétique, agro-alimentaire. La pénurie
de main-d'oeuvre qualifiée dans ces secteurs en pleine
expansion - et donc moteurs de développement économique
- n'affecte pas uniquement les activités de pointe, mais
aussi des activités considérées comme plus
traditionnelles tels le textile, le vêtement, l'industrie
du bois d'oeuvre et même la construction, et ce, dans la
mesure où beaucoup d'entreprises relevant des secteurs
de pointe ont elles aussi recours à des matériaux
nouveaux et à des techniques et des technologies nouvelles.
Tel est l'un des constats qu'ont livrés Roch Laflamme, Bernard Solasse et Jean Sexton, professeurs au Département des relations industrielles, lors du 54e Congrès des relations industrielles de l'Université Laval qui a eu lieu les 3 et 4 mai à l'Hôtel Loews Le Concorde, sous le thème "La formation de la main-d'oeuvre au Québec, au service des compétences?"
Adapter l'enseignement aux besoins
Face à la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée,
plusieurs organisations ont demandé au gouvernerment québécois
d'augmenter le financement des universités et des cégeps,
ce à quoi le récent Budget Landry n'a pas répondu,
ont rappelé ces trois conférenciers. Par ailleurs,
en matière de perfectionnement et de formation continue
à l'université, les programmes offerts aux adultes,
lesquels étudient majoritairement le soir, reprennent plus
souvent qu'autrement - en termes de contenu et de crédits
- les programmes offerts aux étudiants réguliers,
dits "de jour". Pourtant, certains des étudiants
"adultes" ne visent pas nécessairement à
décrocher un baccalauréat mais souhaitent plutôt
accroître leurs connaissances et leurs compétences
dans leur champ d'études, d'où l'importance d'un
enseignement adaptée aux besoins.
Si les universités disposent d'une certaine latitude face aux décisions du ministère de l'Éducation (par rapport à l'enseignement primaire, secondaire et collégial), certaines problèmes demeurent à régler à l'intérieur même des institutions, ont expliqué les conférenciers. Par exemple, à l'Université Laval, la sociologie du travail est enseignée au Département des relations industrielles ainsi qu'au Département de sociologie, alors que la gestion des ressources humaines est enseignée à la fois à la Faculté des sciences de l'administration et au Département des relations industrielles. Par conséquent, les enseignantes et enseignants dans ces matières n'ont pas vraiment l'occasion de communiquer entre eux, ce qui n'améliore guère la situation.
Former la relève
Professeure au Département des relations industrielles,
Colette Bernier a soulevé la nécessité de
revoir les liens entre l'école et l'entreprise en termes
de "cheminements multiples". "Pour cela, il faudra
que l'école reconnaisse les compétences acquises
par le travail et adapte ses méthodes pédagogiques
aux clientèles adultes. En même temps, l'entreprise
devra accepter le principe d'alternance entre le travail et les
études. Il lui faudra accepter sa responsabilité
non seulement dans la formation de sa main-d'oeuvre mais aussi
dans celle de la relève." Selon Colette Bernier, les
syndicats ont un rôle pressant à jouer pour faire
avancer l'idée du droit à la formation, et non pas
celle d'une obligation, plus souvent qu'autrement ressentie comme
telle par les salariés.
De son côté, le président de Rolls-Royce Canada, Jean Guilbault, a souligné que la formation de la main-d'oeuvre constituait un facteur déterminant dans la survie des entreprises. À son avis, le pourcentage de 1 % prélevé dans la masse salariale pour la formation du personnel, tel que stipulé dans la Loi favorisant le développement de la main-d'oeuvre, n'est pas suffisant pour combler les besoins en formation d'un employé. "En fait, ce pourcentage correspond à un ou deux jours de formation par année et par individu. Deux jours pour composer avec les changements technologiques, la connaissance du produit, les rapports avec les clients et les fournisseurs, le développement du potentiel des gens et la gestion efficace des ressources, est-ce suffisant? Or, une culture de formation ne se développe pas du jour au lendemain, elle évolue graduellement et devient éventuellement un avantage compétitif important, pour les entreprises qui l'ont développée."