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13 mai 1999 ![]() |
HOMMAGE À FERNAND LANDRY
Décédé à sa résidence familiale le 18 avril à l'âge de 69 ans, le professeur Fernand Landry aura été l'une des figures dominantes du Département d'éducation physique, dont il a été le directeur de 1969 à 1976. À sa retraite depuis 1996, le Fernand Landry avait reçu l'année suivante le titre de professeur émérite qui convenait parfaitement à sa longue et fructueuse carrière à l'Université Laval.
Après ses études classiques (1945-1952) au Collège de Lévis et ses études universitaires de premier cycle à l'Université d'Ottawa (1954), Fernand Landry a poursuivi des études de deuxième cycle en éduca-tion physique à l'Université de l'Illinois où il a obtenu sa maîtrise en 1955 et un Ph.D. avec spécialisation en éducation physique et en physiologie humaine en 1968. De 1955 à 1967, il a été professeur à l'Uni-versité d'Ottawa où il est devenu le premier Directeur de l'École d'éducation physique en 1964 et nommé professeur titulaire en 1966. C'est au retour d'un séjour post-doctoral à l'Université de Freiburg, en RFA, qu'il est venu à l'Université Laval en 1969 pour y remplir la fonction de directeur de son Département.
Dès son entrée en fonction, le professeur Landry a su développer une stratégie dynamique de recrutement de professeurs avec lesquels il a créé une structure de recherche, le Laboratoire des sciences de l'activité physique, qui n'a pas tardé à se faire remarquer par l'importance de ses subventions et la qualité de ses publications scientifiques. Il a aussi mis en place des programmes de 2e et 3e cycles qui ont attiré des candidats de tous les coins du monde, tout en veillant à l'adaptation des programmes de premier cycle aux attentes de la population. L'importance de la contribution du profes-seur Landry à la vie universitaire québécoise et canadienne dans le domaine de l'éducation physique a été soulignée de multiples façons parmi lesquelles on peut retenir les doctorats honoris causa qu'il a reçus des Universités d'Ottawa, en 1990, et de Moncton, en 1994.
Fernand Landry a été un formateur et un chercheur de premier plan dans un vaste ensemble de domaines liés à l'éducation et à l'activité physiques, de la biologie de la personne en mouvement, notamment de l'athlète de haut niveau, aux modalités de réadaptation des personnes atteintes de mala-dies cardiovasculaires ou d'initiation aux divers aspects technico-pédagogiques des activités sportives. Ceux qui ont profité de son enseignement se rappellent sa rigueur, son appel au dépassement, son humanisme et sa grande curiosité intellectuelle. L'importance de sa contribution à l'avancement des connaissances tant dans le domaine de la physiologie de l'effort que dans celui de la cardiologie a été reconnue par trois sociétés savantes qui lui ont décerné le titre de fellow: l'American College of Sports Medicine, l'American College of Cardiology et l'American Academy of Physical Education.
Fernand Landry a joué un rôle clé dans sa profession d'éducateur physique. Il a été à l'origine de plusieurs associations professionnelles et sociétés savantes toujours actives sur le plan national et interna-tional. Fortement engagé dans la transmission du savoir et des connaissances, il a participé à la création de revues et à l'organisation de nombreuses rencontres de sociétés savantes ou de congrès nationaux et internationaux dont le plus important fut le Congrès International des sciences de l'activité physique qui s'est déroulé à Québec en 1976, à l'occasion des Jeux Olympiques de Montréal.
En dépit d'un horaire de travail fort chargé, Fernand Landry a enfin consacré une bonne partie de son temps aux aspects culturels et à la cause humanitaire de l'Olympisme. L'imposante documentation qu'il a recueillie sur le mouvement olympique lui aura permis de rédiger avec l'une de ses collègues, à la demande du Comité International Olympique, un important ouvrage intitulé: Un siècle du Comité International Olympique: l'Idée, les Présidents, l'oeuvre. Comme l'ensemble de son oeuvre, cet ou-vrage réflète le souci d'excellence qui l'a animé tout au long de sa carrière universitaire.
Nous pouvons donc saluer en Fernand Landry aussi bien un premier de cordée pour la jeunesse sportive et l'adulte physiquement actif, qu'un chef de file pour la recherche universitaire francophone et internationale en éducation physique. C'est pourquoi toute l'Université Laval lui rend hommage pour son apport à plusieurs générations de formateurs qui ont été et seront encore les multiplicateurs de sa riche contribution au mieux-être collectif de notre société. Nos plus sincères condoléances à son épouse et à sa famille, ainsi qu'à tous ceux et celles qui l'ont fréquenté, admiré et soutenu jusqu'à ses deniers moments, et qui perpétueront sa mémoire aussi bien à l'Université que dans son domaine de rayonnement.
UN DANGEREUX PRÉCÉDENT EN DROIT INTERNATIONAL
Depuis le 24 mars dernier, les pays de l'Alliance atlantique pilonnent la Serbie parce que celle-ci a refusé de signer l'accord de Rambouillet. Après plus de 40 jours de bombardements, force est de constater que les résultats sont pour le moins mitigés: détermination impitoyable du régime de Milosevic face à la coercition, aggravation de la situation des Kosovars et risque grandissant de voir le conflit se compliquer et se propager davantage en Europe. Aujourd'hui, l'ex-Yougoslavie est en train de compléter son épuration ethnique contre les Kosovars. Le nombre impressionnant de réfugiés déstabilise les pays limitrophes dont la situation économique était déjà précaire avant le début des attaques aériennes.
L'une des notes discordantes de cette action armée est que les pays de l'OTAN l'ont décidée sans le consentement au préalable de l'ONU. En effet, en vertu de l'article 53 de la Charte des Nations Unies, une intervention militaire d'une organisation multilatérale doit être cautionnée par le Conseil de Sécurité de l'ONU. Cette intervention contre l'ex-Yougoslavie, qui est illicite au sens du droit international, comporte des conséquences sur les plans juridique politique et militaire.
Tout d'abord, le fait de court-circuiter la Charte risque de la vider de son sens à toute fin pratique. Sur quel critère peut-on alors se fonder pour légitimer une intervention militaire si le droit international n'est plus considéré comme étant le cadre de référence? Jusqu'où les États (ou organisations régionales) peuvent-ils agir unilatéralement pour combattre des supposés crimes contre l'humanité chez le voisin? Pour la première fois de son histoire l'OTAN a attaqué un État, ce qui crée un dangereux précédent.
Le dirigeant serbe Slobodan Milosevic affirme haut et fort que son pays est agressé par des pays occidentaux. Politiquement parlant, l'absence de légitimité juridique dans l'intervention de l'OTAN lui procure toutes les raisons valables aux yeux de la population serbe pour poursuivre la résistance ainsi que le nettoyage ethnique, et ce en dépit des coûts énormes infligés à l'économie yougoslave déjà exsangue à la veille du début des hostilités. Dans la logique serbe, les gains politiques escomptés d'un tel conflit sont perçus plus importants que les pertes militaires. Sans un arrangement approprié dans le cadre de l'ONU il semble assez peu probable que la Serbie plie l'échine face à l'OTAN dans un avenir rapproché. L'importance historique et religieuse qu'accordent les Serbes au sanctuaire du Kosovo ne saurait être minimisée.
Enfin, l'intervention armée accomplie en dehors du droit international comme c'est le cas actuellement en Serbie risque de relancer de nouvelles courses aux armements. Si des États comme la Russie et la Chine ne sont plus en mesure de faire entendre leur voix au sein du Conseil de Sécurité, boycotté par les autres grandes puissances, ils pourront alors être tentés d'assurer leurs intérêts et leur sécurité en augmentant et en modernisant leur arsenal militaire pour faire contrepoids aux pays occidentaux.
Les possibilités de dérapage sont également bien présentes si ce conflit perdure. La situation au Kosovo est susceptible de dégénérer dans l'éventualité d'un déploiement d'une force terrestre et d'un blocus pétrolier appliqué à l'endroit de la Serbie. La Russie a déjà fait entendre qu'elle ne respecterait pas un embargo pétrolier malgré des représailles économiques appliquées contre elle. Sur la base du droit international, Moscou voudra bien poursuivre sa livraison de pétrole à Belgrade. Mais qu'arriverait-il alors si l'un des navires d'approvisionnement russes était attaqué ou arraisonné ? D'aucuns disent que la Russie ne représente plus une menace étant donné sa situation financière chaotique et diverses préoccupations internes. Mais l'histoire nous montre que les problèmes domestiques (politiques et économiques) poussent justement bien des États à la croisée de la guerre . Qui plus est, l'isolement de la Russie sur plan international (adhésion de trois ex-pays communistes à l'OTAN), la mise en veilleuse du Conseil de Sécurité et l'unilatéralisme américain sont d'autres aspects pouvant mener à des complications politiques voire militaires. Pour Moscou, la Serbie constituerait un casus belli pour reprendre son leadership international et satisfaire aux velléités nationalistes exprimées par des militaires et une partie de la population désillusionnée par l'avènement de la démocratie et de la déréglementation de l'économie. Ce serait une erreur de sous-estimer l'importance historique et géostratégique que les Russes accordent à la Serbie.
Cependant, depuis les bons offices du Révérend Jesse Jackson, une lueur d'espoir se dresse à l'horizon pour un règlement politique avec l'ex-Yougoslavie. L'actuelle intervention diplomatique de l'envoyé spécial russe Viktor Tchernomyrdine à Washington, à Belgrade et auprès du Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, est déterminante car elle pourrait replacer la crise du Kosovo dans l'optique du droit international. La réactivation du Conseil de Sécurité et le déploiement éventuel d'une force multilatérale sous ses auspices (tel que prévoient les pays du G8, réunis le 6 mai dernier à Peterberg) accorderaient à Moscou un rôle prépondérant et constructif dans le dénouement de la crise, réduisant ainsi substantiellement les risques d'escalade dans les Balkans. Un arrangement dans le cadre de l'ONU mettrait Milosevic devant un fait accompli, l'obligeant ainsi à des compromis politiques et à accepter le retour des réfugiés kosovars. En fait, c'est ce qu'il faut souhaiter.