29 avril 1999 |
Confiné injustement à son seul mais célèbre
Canon, le talent créateur de Johann Pachelbel (1653-1706)
a pourtant couché sur partitions un ensemble important
d'oeuvres pour orgue qui mériteraient qu'on les ressorte
plus souvent du grenier de l'oubli.
Certains grands organistes comme Helmut Walcha et Marie-Claire Alain ont bien dépoussiéré quelque peu ce pan méconnu du maître de Nüremberg en proposant des anthologies dans les années 1970, mais le répertoire discographique consacré à ce précurseur de Johann Sebastian Bach a souffert jusqu'à tout récemment d'une déplorable maigreur.
Justice sera rendue toutefois. Antoine Bouchard, professeur fraîchement retraité de la Faculté de musique, a en effet empoigné dernièrement le bâton du pèlerin pour parcourir dans son intégralité l'héritage "organistique" qu'a laissé à la postérité ce représentant de l'Allemagne italianisée. Le "gros oeuvre" comportera 255 titres (arias avec variations, chaconnes, préludes de choral, chorals avec variations, fantaisies, fugues isolées, fugues pour le Magnificat, préludes, toccates et autres) et occupera dix disques compacts.
La maison américaine Dorian a d'ailleurs procédé, le 20 avril au Palais Montcalm, au lancement simultané des deux premiers volumes (DOR-93173 et DOR-93174) de l'intégrale Pachelbel par Antoine Bouchard et du plus récent enregistrement des Violons du Roy reprenant des concerti pour cordes de Vivaldi.
Sans atteindre à la fulgurance d'expression ou aux forts contrastes de ton d'un Bach, le verbe de Johann Pachelbel n'en traduit pas moins le souffle ardent qui transporte le chant liturgique dans sa simplicité harmonique: parfois oraison jubilatoire, celui-ci est plus souvent exultation retenue, douceur radieuse, encens de reposoir, effluve mystique, sobriété extatique, contemplation séraphique. La sublime Chaconne en fa mineur, qui donne son envol à l'imposante entreprise d'exhumation du corpus d'orgue de Pachelbel, soulignons-le, vaut à elle seule le prix du premier DC.
Humble pèlerin devant l'Éternel, Antoine Bouchard officie à la console du superbe instrument (un Casavant de 1964) serti dans l'écrin sonore de l'église de Saint-Pascal de Kamouraska. "Un orgue qui m'émeut", avouera-t-il lors du lancement. L'offrande musicale de l'organiste, merveilleusement rendue dans tous ses états d'âme par une prise de son superlative, méritait assurément ces claviers touchés avec grâce... et par la grâce.