8 avril 1999 |
par Marie-Claude Roberge
Le ciel se renverse sur ta nuque
ton ventre se remplit de sable et de laine
Tes songes se sont perdus au fond des cales
le glissement de tes doigts sur l'horizon coud et recoud tes filets
ta robe se froisse comme l'eau
tu te souviens la traversée des cendres
à l'embouchure des trous noirs
Va petite femme
fais brûler tes godasses
parfume ton corps de fenouil
ouvre tes membranes
Ne laisse pas sécher ton sang sur la plaie muette de la mer
Laisse-le rouler sur tes tempes
Éponge-le avec tes robes et marche nue
Quand l'horizon se gonfle
qu'est-ce que tu attends pour culbuter dans la barque
tu éventres des perles
le sel coule dans tes veines
tes poignets éclatent pour jaillir avec le feu
Tu es tombée dans une flaque de café
les ovaires moulus
tu penses à ces femmes ajourées
qui regardent le ciel se refermer
Tu te bricoles avec des restes
bobines nues écorces miel et glands
fourrures de lièvre duvet de plaine
Au fond des glaciers tu rencontres ton double
tes silences s'enfouissent sous tes pas
au bord des trottoirs de craie ton sang se fige sur l'écorce
Perdue au fond des corsages
tu as menotté la main du langage
tu as fendu ses yeux et ses franges se sont tressées à tes
fleuves
En retrait des villes et des vapeurs
nul chien ne s'est jeté en bas des eaux mortes
nul bouche ne s'est coincée entre l'étau et le feu
Tu as déterré ta solitude dans la fosse aux guêpes
des lambeaux de chair flottent sur les cordes à linge
tu as caché les oeufs dans la fournaise
Tu traverses la nuit à coup de lames
ton front troué comme un silence de plomb
les caravanes s'éloignent des brumes
ton sang brûle au fond des cavernes
et la pluie tambourine
Il n'y a plus de balises
ni de ressorts au bout des portes
Tu as noyé tes doutes et la neiges rappelle à l'ordre
du sang et des flammes un chaos de briques et de cierges
Toujours dans le ventre gonflé d'écumes
comme un sommeil au fond d'une malle
tu as déposé les méduses dans un souvenir
et l'horloge se glisse dans les eaux plus sombres
ta mémoire agite ses voiles et ses vents
Il ne reste que des mousses et des miettes
partout la corde s'épuise
ton regard se place entre le vide et l'acier
tu rêves aux roseaux du silence
Les murs de sang s'écroulent le soleil tombe l'égout
tes yeux se brident à l'aurore
Coquilles d'oeufs poudre d'écailles lune d'eau et de boue
ta chevelure s'allonge la terre s'ouvre
tu te nourris de racines et de lave
Va petite femme
dans le vacarme des portes tournantes
tu déchiffres les codes
dans les phrases incomplètes
les serrures disparaissent
ton coeur crépite au bout de la corde
Tes souvenirs sèchent sur la rive
ta tombe se creuse et l'horizon meurtrit ta main
La marée a laissé des marques sur ton corps incendié
dans les coupures du verre tu couves tes oeufs
tu penses aux terres arrachées de l'enfance
Peu importe les rides
ton regard construit des mosquées de sable
la soleil fond dans les crevasses et les voiles frémissent sous l'eau
Tu es vivante en amont des secousses
le naufrage de la lune sur ton ventre
a creusé des puits pour contenir le souffle
Tu émerges des terres fraîches ta robe soulevées
par le vent
Il suffit d'ouvrir le ciel
Tu démasques le sourire de la plaine
sans blessure ouverte la marée remue ses palmes
Laisse danser tes plumes dans la ronde des gitans
Écoute le silence et le neige dans tes traces