11 mars 1999 |
L'APPARTENANCE TIENT À LA GRATUITÉ
L'administration de l'Université se soucie du sentiment d'appartenance; la Commission des affaires étudiantes se penche sur la question. En est-il encore temps? Les anciens - j'en suis - éprouvaient ce sentiment et il reste fort. J'appartiens à l'Université Laval et, de quelque manière, elle m'appartient. Ce qui s'y passe me touche, me réjouis parfois, m'irrite souvent. Je m'y intéresse et non pas seulement quand mon intérêt personnel est en jeu. Je m'y intéresse par solidarité avec mes étudiants, mes collaborateurs, mes collègues. À travers eux, je suis attaché aux lieux et aux structures. Je m'en sens responsable.
Je fréquente aussi Place Sainte-Foy. J'en ai suivi les transformations. J'en connais les boutiques et les restaurants. Je m'y rends par plaisir ou par besoin. Mais ne m'en sens ni solidaire, ni responsable. J'en suis simplement client. Il n'y a pas de sentiment d'appartenance commune entre le client et le marchand, même si les relations peuvent être durables et cordiales. Pas plus qu'entre le patron et l'employé. Si l'Université n'avait été que mon employeur, j'y aurais rempli mes obligations d'employé, consciencieusement, par un échange d'ordre économique honnête tout comme le marchand de Place Sainte-Foy fait avec moi. Or, j'en ai fait bien plus, j'ai investi un surcroît d'énergie, d'attention, bien au delà de tâches qui m'étaient imparties. Non par altruisme ou par masochisme, mais par plaisir et enthousiasme.
L'investissement personnel, moral et social, contribue à développer le sentiment d'appartenance. On s'attache d'autant plus à une institution qu'on s'y est investi. L'appartenance tient à la gratuité. Elle ne se mesure pas au rapport économique. Elle est liée à la solidarité et à la responsabilité. La solidarité résulte du sentiment de participer à une oeuvre commune. La responsabilité, du sentiment de participer à l'orientation de cette oeuvre.
Ceci est possible quand l'institution fonctionne comme une communauté. Mais si l'institution fonctionne comme une entreprise, ceci n'a plus de sens. Cependant, certaines entreprises évaluent que le sentiment d'appartenance est un facteur de rentabilité et elles essaient alors d'en susciter l'apparence, dans un esprit de bonne gestion.
Sous le mandat du précédent recteur, l'administration de l'Université Laval a fini d'échapper à la communauté. Elle est devenue formellement une entreprise gérée par des administrateurs externes. L'intention était de réduire le pouvoir des professeurs et, surtout, des étudiants. On réduisait ainsi leur responsabilité et leur solidarité envers l'institution et, partant, ce qui restait de sentiment d'appartenance. Voudrait-on faire marche arrière, qu'il faudrait d'abord reconstituer la communauté et lui restituer son autonomie.
Mais ce n'est pas exclusivement une affaire d'instances décisionnelles, c'est même bien plus une orientation de la gestion. Avant même que le pouvoir décisionnel ait été transféré et la communauté officiellement dissoute de ce fait, celle-ci s'était gravement effritée. Le personnel , y compris les professeurs, étaient de plus en plus traités comme "ressources" d'entreprise et non pas comme membres d'une communauté. Et, de fait, beaucoup d'entre eux agissaient en mercenaires, protégeant d'abord leur carrière, c'est à dire, le plus souvent, leurs recherches personnelles, et limitant leur attachement aux corporations professionnelles dont ils sont membres, voir à leurs entreprises externes.
Et tandis que le personnel pédagogique devenait "ressources", les étudiants devenaient "clientèle". Il est inévitable que les cégépiens arrivent à l'université en consommateurs. Ils y achètent une formation, voire simplement un diplôme. Mais attelés en commun à des tâches intellectuelles, motivés par la recherche d'un savoir, investissant leur énergie intellectuelle au delà des exigences d'une note ou d'un diplôme, des étudiants devenaient des universitaires. Ils développaient la conscience de participer avec les professeurs et toute l'université à une mission sociale commune. Ainsi, dès le deuxième cycle ou avant même le terme du premier cycle, des étudiants se percevaient solidaires et responsables. Ils ressentaient un sentiment d'appartenance.
Cette évolution est devenue tout à fait exceptionnelle. Il y a environ cinq ans, le thème d'un séminaire d'études supérieures m'avait amené à poser la question aux étudiants. Se percevaient-ils comme les membres d'une communauté universitaire? Ils s'étonnèrent unanimement que la question pût se poser. Cela leur paraissait aussi étrange qu'un imparfait du subjonctif. À force de traiter les étudiants comme des clients dans une pure logique d'entreprise, on les a réduit à l'état de purs consommateurs. Ils achètent leur droit d'accès au marché du travail et à ses précarités. Ils entretiennent avec l'Université Laval un rapport exclusivement économique. Pourquoi voudrait-on qu'ils se sentent responsables et solidaires de celle-ci?
Ressusciter le sentiment d'appartenance suppose une véritable révolution institutionnelle et culturelle. Une révolution ou - certains le pensent sûrement - une régression. La nostalgie d'une communauté universitaire, qui n'a d'ailleurs jamais été idéale, même à ses meilleurs moments, est-elle bonne conseillère? N'est-il pas trop tard?
Mais, au moins, si on veut rebâtir à l'Université un sentiment d'appartenance commune, qu'on y pense dans le cadre des enjeux réels et non pas dans les cadres d'un jeu d'images pour fin de gestion et de promotion.
MADAME MAROIS, À QUAND LE TOUR DES INFIRMIÈRES?
Madame la Ministre, les infirmières du Québec ont exprimé récemment leur insatisfaction et leur épuisement en rappelant pour une énième fois les conditions intenables dans lesquelles elles travaillent. Elles demandent essentiellement, non pas une augmentation de revenu personnel sous la menace de démission, comme d'autres professionnels de la santé l'ont fait avec succès, mais simplement le droit d'accomplir des journées normales de travail. Or, Madame la Ministre, les restrictions financières dans les hôpitaux et les CLSC entraînent le manque de ressources humaines et obligent les infirmières en poste à cumuler les tâches, à accepter des heures de travail supplémentaires et à mettre ainsi en danger leur santé, leur vie personnelle et la qualité des services. Qui donc peut accepter une telle situation?
Le Groupe de recherche multidisciplinaire féministe de l'Université Laval (GREMF) estime, Madame la Ministre, que les revendications des infirmières sont fondées, et il demande à votre ministère de trouver une solution rapide et durable aux problèmes de ces professionnelles (dans ce texte il est question principalement des infirmières puisque la majorité du personnel est composée de femmes, mais aussi parce que notre propos concerne au premier chef les sujets femmes dans la profession. Nos propos n'excluent cependant pas les infirmiers et l'amélioration de leurs conditions de travail). Les infirmières ont toujours joué un rôle capital dans les services de santé au Québec. Il nous paraît inacceptable qu'elles continuent de faire les frais de compressions budgétaires aveugles et de programmes de retraite improvisés qui avaient - on le constate aujourd'hui - pour seul objectif de réaliser des économies à court terme.
Ce n'est pas la première fois que les infirmières avisent le ministère des problèmes multiples qu'elles rencontrent dans l'exercice de leurs fonctions depuis la réforme de la santé. Leurs associations syndicales et professionnelles ont identifié et expliqué maintes fois la nature de ces problèmes et proposé des solutions concrètes. Mais le ministère de la Santé et des Services sociaux tarde encore à prendre au sérieux leurs analyses et leurs revendications. Dans les faits, il semble que le Gouvernement du Québec se comporte comme s'il considérait que le personnel infirmier est une ressource inépuisable, dans tous les sens du terme, et qu'il est normal et naturel qu'une infirmière ou un infirmier cumule le travail de deux personnes, fasse régulièrement des heures supplémentaires et compromette sa santé. Le GREMF estime qu'il n'est ni légitime ni équitable de demander à un groupe professionnel de porter à bout de bras le système de santé, dans le but de permettre à l'État d'éliminer un déficit.
La Fédération des infirmières et des infirmiers du Québec (FIIQ) et l'Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec (OIIQ) ont prévu depuis longtemps que le système de santé du Québec se dirigeait vers une pénurie d'infirmières, mais on a fait la sourde oreille à leurs avis, mettant sur le compte d'intérêts corporatistes ce qui relevait plutôt d'une attitude responsable et d'une connaissance profonde du système des soins au Québec. Aujourd'hui, si certaines directions d'hôpitaux se disent incapables de recruter des infirmières faute de moyens financiers, d'autres échouent faute de personnel infirmier disponible, comme les médias nous l'ont appris récemment. Des chirurgies urgentes sont reportées; de nombreuses personnes passent des jours dans les corridors de l'urgence des hôpitaux; les listes d'attente pour des examens et des consultations s'allongent.
Dans une intervention publique (Le Devoir, 12 février 1999, p.1, 10), le Comité Jeunesse de l'OIIQ a précisé que les jeunes infirmières ne demandent pas mieux que de travailler à plein temps, mais on ne leur offre que des postes à temps partiel et la possibilité d'inscrire leur nom sur une liste d'appel. Le ministère n'autorise pas l'augmentation de postes à temps plein, et cela pendant que des hôpitaux et des CLSC manquent d'infirmières. De telles conditions ne permettent pas à ces jeunes de développer leur expertise ni de maintenir leur enthousiasme envers leur profession. Il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce que de jeunes infirmières, qui ne travaillent que quelques jours par semaine, et en faisant la rotation d'un poste à l'autre, développent des compétences en tous domaines équivalentes à celles de leurs aînées. De telles conditions risquent d'en décourager plusieurs. Le Québec a-t-il les moyens de gaspiller ainsi des ressources humaines compétentes, dont il a un besoin criant ?
Le GREMF n'est pas sans remarquer également que c'est principalement à des groupes composés en majorité de femmes que des choix gouvernementaux discutables, dans le domaine de la santé comme dans d'autres domaines d'ailleurs, font porter un lourd fardeau. La majorité du personnel des services de santé en milieu hospitalier et dans les CLSC se compose de femmes (infirmières, infirmières auxiliaires, préposées aux malades). Ce sont elles qui dispensent les services directs à la population et c'est d'elles surtout qu'on exige des efforts accrus. Malgré des promesses formelles, les économies qui devaient résulter de la fermeture d'hôpitaux n'ayant pas été réinvesties dans les soins à domicile dispensés par les CLSC, il s'ensuit que les infirmières de ce secteur ont vu elles aussi s'accroître leurs tâches. Les ressources humaines et financières manquant, les services à domicile sont nettement insuffisants et déficients. Qui supplée aux lacunes de l'État? Encore une fois, des femmes, dont certaines abandonnent leur emploi pour prendre soin d'un conjoint, d'un enfant ou d'un parent âgé. Ces femmes assument plus que leur part des responsabilités qui incombent à l'ensemble de la collectivité. En tant que féministes, les membres du GREMF voient dans cette situation un recul inacceptable dans l'exercice pratique des droits à l'autonomie et à l'égalité. Le GREMF constate, avec déception, que le Gouvernement québécois a tendance à exiger davantage des personnes et des groupes qui détiennent le moins de pouvoir, et qui, comme par hasard (!), comptent presque toujours une majorité de femmes. Serait-ce que ces choix gouvernementaux, suggèrent que les femmes sont corvéables à souhait et qu'on peut abuser de leur dévouement pour autrui?
Le GREMF remarque par ailleurs que le Gouvernement du Québec a réagit rapidement lorsque des médecins ont brandi des menaces de départ. Les infirmières devraient-elles, elles aussi, menacer de quitter le Québec? Avant que la situation des services infirmiers et médicaux ne soit irréversible, le GREMF demande au Gouvernement du Québec de réviser ses priorités en faisant preuve de plus de discernement et d'équité. Nous comptons, Madame la Ministre Marois, sur votre leadership dans ce dossier. Il y a urgence!
POUR UNE VÉRITABLE ÉQUIPE PROFESSIONNELLE DE... HOCKEY À QUÉBEC
La venue éventuelle d'une équipe professionnelle de hockey devrait réjouir les amateurs de Québec. Pourtant, les déboires de la défunte équipe de la Ligue internationale, les Rafales, laissent présager quelques embûches pour le groupe Tanguay. Pour obtenir et, surtout, conserver la cote d'amour du public, les futurs dirigeants devront être attentifs aux éléments qui suivent : 1) Vendre aux amateurs de hockey du... hockey ! Pas des pré-adolescentes en jupettes. Pas des concours quétaines entre les périodes. Pas des batailleurs de fond de ruelle inaptes à jouer en séries. Du hockey! 2) Ne pas offrir une avalanche (quel jeu de mots!) de billets gratuits qui viennent ensuite diminuer la qualité du produit. 3) Faire en sorte que les joueurs acquièrent un relatif (ne rêvons pas en couleur) sentiment d'appartenance pour qu'ils puissent le communiquer aux partisans (en fait, c'est précisément là que tout va se jouer). Pour ce faire, il faudra avoir une représentation significative de joueurs francophones et les payer au même titre que les autres joueurs. Cela semble aller de soi, mais souvenez-vous que les ex-dirigeants des Rafales avaient adopté ce genre de politique: un joueur francophone, en raison du privilège qu'il avait de jouer à Québec, était moins bien payé que ceux de l'extérieur. L'équipe a alors vu partir Jesse Bélanger de même que d'autres joueurs et, conséquemment, disparaître l'amorce de tout véritable sentiment d'appartenance, chez les joueurs comme chez les partisans. 4)L'équipe de la Ligue américaine ne devra pas qu'être une succursale du grand club. Les dirigeants des grands clubs semblent parfois être totalement indifférents aux intérêts de leurs filiales. On a souvenir encore du rappel, il y a quelques années, de Ron Tugnutt par les Nordiques (les temps changent!) en fin de saison alors qu'il évoluait pour l'Express de Fredericton. L'Express était, cette année-là, un sérieux aspirant à la coupe Calder alors que les Nordiques n'avaient aucune chance de remporter quoi que ce soit. Quand on connaît l'importance du poste de gardien de but au hockey, on saisit rapidement que les dirigeants des Nordiques venaient, ni plus ni moins, de signer l'arrêt de mort de leur club-école. Curieusement, les partisans de l'Express n'avaient pas tellement apprécié le geste...
Bien sûr, d'autres facteurs doivent être pris en considération, comme le nom de la future formation, la publicité touchant le produit, un bail pour la location du Colisée qui satisfasse à la fois la ville et l'équipe, et une organisation qui ne soit pas constamment en train d'improviser. Tout cela demeure néanmoins conditionnel à un sentiment d'appartenance de la part des amateurs qui ne pourra que passer par l'identification à des joueurs de haut calibre. Quant aux autres difficultés touchant la séduction du public, soit une fibre francophone plutôt tiède du côté de Sénateurs d'Ottawa et la perception d'anciens rivaux du côté des Canadiens de Montréal, messieurs Tanguay et Boily n'ont pas à s'en faire outre mesure. Si les autres conditions sont remplies, les gens vont oublier. Les gens oublient vite. Québec, club-école. Comme ça sonne bien, vous ne trouvez pas ?
PUBLICITÉ DÉPLORABLE
Savez-vous que Statistique Canada a recensé 17 100 décès par cancer du poumon l'an dernier et que 80 % de ces cas sont directement causés par le tabagisme? Il semble que non. Malgré les protestations émises par vos lecteurs et publiées dans la section "Courrier" de l'édition du 4 mars 1999, on retrouve une pleine page de publicité pour la companie du Maurier, dans cette même parution. Déplorable.
NON À LA PUB DE TABAC DANS LE "FIL"
On trouve dans le numéro 20 du journal Au fil des événements une publicité d'une compagnie de tabac. En tant que professeur au Département de médecine sociale et préventive, je tiens à vous faire savoir que je proteste contre la diffusion de la publicité sur le tabac dans le journal de l'UniversitéLaval.
PROSTITUTION JOURNALISTIQUE
C'est la deuxième semaine que je remarque que les messages adressés à la communauté universataire sont remplacés, à l'endos du Fil, par une immense publicité de cigarettes. Est-ce qu'il n'y a pas de conflit avec la publicité de l'Université pour un campus sans fumée? On n'en est pas à une contradiction près, me direz-vous. Ça s'appelle ne pas avoir de conscience ou faire la p... On se demande d'ailleurs quel est le rôle de ce Fil des événements dont le contenu s'appauvrit comme une peau de chagrin. N'est-ce pas de plus en plus un véhicule publicitaire? Et dire que ça se retrouve automatiquement dans nos casiers à courrier...