11 mars 1999 |
- François Tavenas
Le ministre des finances, Bernard Landry, a annoncé, lors du dépôt du budget du Québec 1999-2000 à l'Assemblée nationale, le mardi 9 mars, que le gouvernement du Parti québécois allait consacrer 600 millions de dollars à l'éducation et à la jeunesse au cours des deux prochaines années.
De cette enveloppe budgétaire, 170 millions seront affectés d'ici à mars 2000 au redressement de la situation financière des universités. Le gouvernement allouera par ailleurs 342 millions de dollars aux établissements universitaires, aux cégeps et aux commissions scolaires pour accroître, selon Bernard Landry, la qualité de l'enseignement et des services aux étudiants. Ce montant, a toutefois admis le ministre des Finances, inclut les offres d'augmentations salariales des employés du secteur de l'éducation qui ont été déposées mercredi par le président du Conseil du Trésor.
Correction partielle
"Le budget Landry est, pour nous, une première bouffée
d'air après quatre ans de coupures, mais il ne permet pas de véritable
réinvestissement dans l'enseignement supérieur", a déclaré
au Fil François Tavenas, le lendemain du discours du budget. Selon
le recteur de l'Université Laval, les 170 millions de dollars promis
aux universités, dont certaines ont dû "investir",
au cours des dernièrres années, d'importantes sommes d'argent
- quelque 145 millions de dollars - dans des programmes de départs
volontaires ou de mise à la retraite hâtive, ne feront que
corriger partiellement les déficits accumulés, lesquels devraient
s'élever à 370 millions environ, au 31 mai prochain.
Le recteur Tavenas parle davantage de "prise en charge par le gouvernement d'une partie du coût inhérent de fonctionnement" que de "réinvestissement". "Une partie des 342 millions de dollars qui sont annoncés pour l'an prochain, c'est-à-dire quelque 50 millions, devrait être remise aux universités. Cette somme correspond grosso modo aux coûts du système (inflation, vieillissement des masses salariales, etc.) que nous avons dû absorber nous-mêmes depuis quelques années. Cette fois-ci, ils sont financés de façon spécifique. De ce point de vue, c'est très positif. C'est un pas dans la bonne direction, mais il reste encore un grand bout de chemin à faire...", de commenter le recteur de l'Université Laval.
Le déficit de l'ensemble des universités québécoises, pour l'année en cours, devrait se chiffrer à près de 70 millions de dollars. Le coup d'éponge de 50 millions du ministre des Finances ne fera, au dire de François Tavenas, que "ralentir la vitesse à laquelle le trou se creuse", même si, d'un autre côté, il rendra "un peu plus facile la mise en oeuvre des plans de redressement financier des établissements universitaires". Le fonctionnement de base de l'Université Laval ne sera amélioré que de façon très minime l'an prochain, estime le recteur. "Nous espérons trouver notre second souffle dans le prochain budget du ministre Landry", espère-t-il.
Soutien à la recherche universitaire
D'un autre côté, le recteur François Tavenas se
réjouit que le gouvernement du Québec consente de nouveaux
investissements dans l'économie du savoir et qu'il mette de l'avant
deux initiatives majeures qui miseront sur les partenariats avec le secteur
privé et la commercialisation des fruits de la recherche universitaire:
l'organisme Valorisation-Recherche Québec et le fonds Innovation
Québec, dont sera responsable le ministre de la Recherche, de la
Science et de la Technologie, Jean Rochon.
Précisons que Valorisation-Recherche Québec sera dotée d'un budget de 100 millions de dollars. Cet organisme indépendant financera la commercialisation des résultats de la recherche universitaire et appuiera des projets d'équipes de recherche, multidisciplinaires et multisectorielles, issues tant des universités, du gouvernement et des organisations parapubliques que des entreprises privées.
Le fonds Innovation Québec se verra accorder, pour sa part, un budget de 75,2 millions sur deux ans afin de développer et maintenir dans la province une base de recherche scientifique de calibre international et de contribuer à la formation de la main-d'oeuvre scientifique que requièrent les entreprises, les universités et les centres de recherche. La promotion des partenariats entre les universités et les secteurs public et privé fait également partie du mandat du fonds.
Bataille de rue, le 24 mars
Le contenu du discours du budget en matière d'éducation
ne contribuera certainement pas à ralentir l'élan de revendication
qui anime le mouvement étudiant dans les collèges et les
universités du Québec depuis quelques mois.
Qu'elles proviennent des instances provinciales ou locales, les réactions des représentants des étudiants et des étudiantes laissent résonner un son de cloche identique, teinté de déception, voire de colère.
"La qualité de la formation ne sera pas aidée avec ce budget-là. Somme toute, il faudra attendre pour le réinvestissement. Nous, les étudiants, nous allons continuer à nous battre dans la rue", lance Nikolas Ducharme, président de la Fédération étudiante universitaire (FEUQ).
"Le budget Landry nous donne toutes les raisons de sortir le 24 mars", renchérit Simon-Pierre Pouliot, de la Confédération des associations d'étudiants et d'étudiantes de l'Université Laval, évoquant les manifestations étudiantes qui se tiendront principalement à Québec et à Montréal cette journée-là.
Pour le président de la CADEUL, la formation à l'Université Laval demeure en péril. Le gouvernement devra, selon lui, réajuster son tir pour "aller chercher les enseignants et les outils informatiques (et les livres) dont les étudiants de l'Université ont un urgent besoin". "Ça n'a pas de sens d'agir de la sorte. Nous sommes très effrayés. Nous espérons que, dans un avenir rapproché, le gouvernement va s'asseoir avec les étudiants pour trouver des solutions", d'insister Simon-Pierre Pouliot.
L'Association des étudiantes et des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures (ÆLIÉS) n'est pas en reste. "Contrairement aux propos qu'a tenus récemment le premier ministre Lucien Bouchard, lesquels nous laissaient entrevoir des jours meilleurs, les chiffres du budget Landry démontrent à l'évidence, quant eux, que l'éducation ne semble pas une si grande priorité pour le Québec, lorsqu'on la compare au secteur de la santé", tranche Stéphan Jacques, son président.
Les étudiants et les étudiantes des 2e et 3e cycles de l'Université Laval grossiront eux aussi les rangs des manifestants qui marcheront dans les rues de Québec, et ce jusqu'aux portes du parlement, le 24 mars, pour demander au gouvernement du Québec de réinvestir massivement dans l'éducation postsecondaire et le système d'aide financière québécois.