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4 mars 1999 ![]() |
Depuis 1730, Marivaux démontre que le travestissement sert parfois admirablement les apparences
Les 5, 6 et 7 mars, la troupe de théâtre Les Treize propose une oeuvre dont le titre résume admirablement, à lui seul, l'esprit de dualité et de légèreté qui s'en dégage. Le jeu de l'amour et du hasard est sans doute la pièce la plus populaire de Marivaux et le "marivaudage" y gagne sans cesse, depuis 1730, ses plus belles lettres de noblesse. Cette comédie en trois actes a en effet traversé les siècles sans prendre une ride, continuant de faire rire et réfléchir le public qui trouve son compte dans cet exercice de haute voltige traitant essentiellement d'amour et d'engagement, deux sujets très à la mode, hier comme aujourd'hui. "C'est vrai que finalement, rien n'a changé", convient Marie-France Dubuc, interprète de Silvia. "Le temps passe mais les états d'âme demeurent. Pour cette raison,le texte de Marivaux est toujours très actuel et ne peut que toucher les gens."
L'histoire: inquiète du mariage de convenance que son père lui a arrangé avec un homme qu'elle ne connaît pas, Silvia décide de changer de rôle en empruntant le costume de sa femme de chambre Lisette, afin d'examiner en toute liberté le prétendant. Mais le prétendant en question, Dorante, a la même idée: il revêt l'habit de son valet Bourguignon, qui de son côté, le remplace. Dans ce jeu de masques, Silvia et Dorante ont bien du mal à s'identifier à leur rôle de domestique. Quand Dorante révèle sa véritable identité, Silvia continue le jeu - ce ne sera plus celui du hasard, mais celui de l'amour - et réussit à se faire offrir le mariage dans son rôle d'emprunt.
Une comédie d'amour
"Avec Marivaux, les contraintes que vivent les personnages émanent
d'eux-mêmes et seulement d'eux-mêmes, explique Denis Fortin,
metteur en scène. Ainsi, le jeu du déguisement est un obstacle
que les protagonistes ont dressé entre eux, et chacun de son plein
gré. Comparativement au théâtre de Molière, où
la figure paternelle est très autoritaire, l'obstacle ne vient pas
du père, chez Marivaux. Une grande liberté est accordée
aux personnages." Joué par Éric Lemieux, monsieur Orgon
incarne ainsi les qualités du père idéal selon le coeur
de Marivaux: il est généreux et respectueux de la liberté
d'autrui. Avec son comparse Mario (Philippe Daris), il joue le rôle
d'intermédiaire entre les comédiens et le public, créant
de cette façon une grande complicité avec la salle.
Frédéric Belzile, lui, interprète Dorante, ce jeune homme de bonne famille qui cherche avant tout à contracter un mariage d'amour plutôt qu'une union de convenance. "Bien qu'on se joue de lui dans la pièce, Dorante reste toujours vertueux, malgré son désarroi, précise Frédéric Belzile. C'est un personnage très attachant, d'une grande noblesse de caractère et d'esprit." De son côté, Silvia, par sa naissance, son éducation et son langage, répond très exactement à Dorante. Déguisée en servante afin d'étudier son prétendant plus librement, elle tente par la suite de le séduire en tablier, poussant ainsi le jeu plus loin que prévu. Finalement, l'aventure permettra à Dorante et à Silvia de se connaître, non pas tant l'un l'autre que soi-même.
"Une pièce comme Le jeu de l'amour et du hasard nécessite une fébrilité constante dans le jeu, souligne Denis Fortin. En fait, cette fébrilité doit habiter chacun des personnages, du début à la fin. Le "décrochage" n'est pas permis, d'où l'exigence pour les comédiens de maintenir le rythme jusqu'à la fin afin de conserver l'intérêt et le plaisir chez le spectateur. Avec un texte de cette trempe, tout le monde se laisse finalement prendre au jeu."
Julie Dubuc (Lisette) et Dominique Camps (Arlequin) complètent la distribution de cette pièce qui fera le bonheur des amateurs de théâtre classique et des amoureux du langage. Le jeu de l'amour et du hasard est présenté les 5, 6 et 7 mars, à 20 h, à la salle Multimédia du pavillon Alphonse-Desjardins. Billets en prévente (8 $) au Service des activités socioculturelles (SASC) ou à la porte, les soirs de spectacle (10 $).