18 février 1999 |
Le 18e colloque des étudiants en relations industrielles interpelle l'establishment syndical
Beaucoup de choses restent à faire dans le monde syndical pour que celui-ci soit véritablement adapté aux besoins des jeunes d'aujourd'hui. C'est ce qui se dégage des débats intervenus lors du 18e Colloque des étudiants en relations industrielles qui a eu lieu le 10 février au Holiday Inn de Sainte-Foy et qui réunissait près d'une centaine de participants autour d'une question-thème bien actuelle: "Le syndicalisme est-il adapté aux nouvelles générations?". Les étudiants de Laval avaient invité à cette occasion plusieurs personnes oeuvrant ou ayant déjà oeuvré au sein de grandes centrales syndicales, de même que des jeunes intervenants actifs dans le milieu.
Henri Massé, président de la FTQ, a ouvert le débat en matinée en affirmant que les revendications des jeunes n'avaient pas beaucoup changé aux cours des dernières décennies. "Comme leurs prédécesseurs, les jeunes aspirent à prendre leur place au sein du marché du travail, à obtenir une sécurité d'emploi et des salaires décents. Alors que les baby-boomers se sont autrefois imposés par la loi du nombre, les jeunes d'aujourd'hui sont beaucoup moins nombreux que leurs aînés et il leur est plus difficile de se tailler une place et de se faire entendre".
"Mais, ce qui a surtout changé, ce sont les aspirations professionnelles des jeunes, poursuit Henri Massé. Ceux-ci veulent travailler, non pas uniquement pour gagner leur vie, mais pour se réaliser à travers leur travail et acquérir davantage d'autonomie. À cet égard, je crois que le mouvement syndical devra penser beaucoup plus en fonction d'un nouvel aménagement du travail. Il faudra également s'attarder aux nouveaux types d'emplois qui se créent. Je pense entre autres aux travailleurs autonomes. Les syndicats ont beaucoup de difficultés à intégrer ces nouveaux travailleurs au sein de leurs structures. Les jeunes devront s'impliquer et faire savoir au mouvement comment ils entrevoient l'avenir et qu'elles seraient les pistes de solutions convenables. Mais je ne crois pas que la situation des jeunes pourrait s'améliorer en enlevant aux aînés leurs acquis sociaux. Cette avenue des vases communicants n'est pas acceptable: il ne faut pas oublier que les jeunes bénéficient aujourd'hui des acquis chèrement gagnés par leurs prédécesseurs."
Et les clauses d'exclusion?
Appelé à se prononcer par les étudiants au sujet
des fameuses "clauses orphelins ", qui lèsent beaucoup
de jeunes arrivant sur le marché du travail, le président
de la FTQ fait valoir d'emblée que les syndicats ne signent jamais
de gaieté de coeur de telles clauses. Au contraire, dit-il, les syndicats
se les font imposer. Il se dit d'ailleurs conscient que, si le mouvement
syndical n'a pas bonne presse auprès des jeunes, c'est principalement
en raison de ces clauses d'exclusion. "Mais c'est difficile pour des
travailleurs, vous savez, de négocier ou de faire une grève
pour des gens qu'ils ne connaissent même pas ou pour des travailleurs
virtuels qui ne sont pas encore embauchés. Je crois que le phénomène
des clauses d'exclusion est tout de même assez marginal et nous allons
faire tout ce qui est en notre pouvoir pour le neutraliser ", ajoute-t-il.
Pierre Paquette, animateur de l'émission télévisée Droit de Parole et ancien secrétaire général de la CSN, affirme pour sa part que le syndicalisme, notamment au Québec, est aujourd'hui placé devant un défi majeur d'adaptation: "Nos structures syndicales sont établies en fonction d'entreprises de moyenne et de grande envergure. Nos services, sur le plan syndical, et je pense ici aux syndicats industriels, de même que notre Code du travail, sont pensés en fonction de ça. Avec l'éclatement des entreprises et des industries, on se retrouve face à une multiplication de petits lieux de travail et les syndicats ne sont pas capables de répondre à ces nouveaux besoins. Si les syndicats n'entreprennent pas de changements majeurs et ne trouvent pas de solutions originales, c'est tout un pan du mouvement qui peut être appelé à disparaître."
Clairandrée Cauchy, présidente du Conseil permanent de la jeunesse, croit quant à elle que les représentants syndicaux doivent à tout prix connaître la réalité des jeunes avant de les aborder au sujet de la question syndicale. " Quand un jeune voit arriver une tête grise qui n'a jamais travaillé dans un restaurant ou un commerce au détail lui parler d'une convention qu'il a signée autrefois chez Pratt & Whitney, il y a là un énorme fossé, dit-elle. Il est primordial que le milieu syndical connaisse davantage la situation dans laquelle vivent les jeunes d'aujourd'hui. "