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11 février 1999 ![]() |
Sous-financement des universités québécoises:
DÉCLARATION DU RECTEUR FRANÇOIS TAVENAS
J'ai pris connaissance du communiqué de la CADEUL du 3 février intitulé: " Les étudiants de l'Université Laval sur le sentier de la guerre! ". J'ai également lu dans Impact-Campus l'opinion d'un étudiant voulant qu'avant de manifester au niveau provincial, " ...il faut mettre de la pression sur Tavenas ". D'entrée de jeu, je partage les préoccupations et je comprends la réaction des étudiants et des étudiantes qui, individuellement comme par l'intermédiaire de leurs associations représentatives, crient leur ras-le-bol de la situation plus que difficile créée dans les universités québécoises en général et à l'Université Laval en particulier par le sous-financement inflexible des quatre ou cinq dernières années.
En ce début de 1999, la CADEUL, la FEUQ et les étudiants réclament la fin de ces coupures, un réinvestissement urgent en enseignement supérieur et une entente intergouvernementales sur les bourses du millénaire. J'appuie ces demandes qui concordent pleinement avec celles que mes collègues de la CRÉPUQ et moi-même avons soumises au ministre de l'Éducation lors de notre première rencontre avec lui. J'accueille donc avec intérêt la volonté de mobilisation des étudiants qui ont mis de l'avant une initiative fort intéressante, à savoir l'utilisation d'un ruban orange comme outil de sensibilisation de l'ensemble de la communauté universitaire au sérieux de la situation, sous réserve qu'il s'agisse d'une mobilisation constructive dans la continuité des actions posées par le mouvement étudiant provincial à l'initiative de la FEUQ (Table des partenaires qui a organisé le Forum universitaire de mars 1998 à l'Université Laval).
Une réclamation maintenant partagée
Ma compréhension de la réaction étudiante et mon
absence de surprise proviennent du fait qu'au nom de l'Université
Laval et en solidarité avec mes collègues recteurs d'autres
universités québécoises, je réclame à
tous vents et auprès de tous mes interlocuteurs gouvernementaux ce
nécessaire refinancement de l'enseignement supérieur et ce,
depuis mon élection au poste de recteur au printemps de 1997, comme
je le faisais dans mes fonctions antérieures à McGill. Comme
les étudiants, je suis convaincu de l'urgence d'un refinancement
sans lequel les universités ne pourront plus " livrer la marchandise
" que la société québécoise espère
d'elles en termes de compétences. Je me réjouis donc que nous
soyons maintenant plus nombreux à réclamer ensemble "
sous une même couleur " ce financement accru de nos universités.
Je crois utile de rappeler que dans Au fil des Événements du 12 novembre dernier, j'écrivais aux chefs politiques que " à l'ère des économies fondées sur le savoir, laisser faire une telle évolution (le sous-financement universitaire) est tout simplement mortel pour l'avenir du Québec. Il est de mon devoir de vous inviter à y réfléchir sérieusement et à décider, dans les meilleurs délais, de réinvestir massivement dans l'enseignement supérieur québécois, outil privilégié de notre développement économique et donc de notre avenir social, culturel et politique ".
De plus, choqué du silence des partis politiques durant la campagne électorale sur cet enjeu majeur qu'est l'enseignement supérieur, j'écrivais quelques jours plus tard au premier ministre Lucien Bouchard une lettre, où j'affirmais que " pour un gouvernement qui aspire à affirmer la place du Québec dans un monde de plus en plus dominé par l'économie du savoir, il ne peut y avoir de plus grande priorité que de donner à sa population la meilleure formation possible. Investir dans l'enseignement supérieur doit être, aujourd'hui encore plus qu'à l'époque de la Révolution tranquille, la priorité des priorités. Et cet investissement se traduit par une rentabilité assurée, comme en font foi les progrès réalisés par le Québec depuis le début des années 60 ". Cette lettre a été publiée intégralement dans Au fil des Événements du 19 novembre dernier, et acheminée à plusieurs centaines de décideurs sociaux, politiques et économiques de la grande région du Québec, de même qu'aux médias. Je m'étais d'ailleurs longuement entretenu de la question du sous-financement de l'Université avec le premier ministre lui-même, lors de sa visite à mon bureau à son passage à l'Université Laval le 22 octobre dernier. Enfin, je me dois de rappeler le texte que j'ai signé en compagnie de mes collègues de l'Université de Montréal et McGill sur cette question du sous-financement des universités québécoises, et de l'effet de cette situation sur leur compétitivité.
Action concertée = résultats!
Les nombreux gestes que j'ai posés depuis deux ans en faveur
du refinancement de l'Université québécoise m'ont appris
que les gestes isolés ou locaux pour dénoncer la sous-financement
et ses conséquences dans le quotidien n'ont pas l'effet escompté,
surtout - comme c'est le cas ici - lorsque la cause de la situation est
collective. S'il y a une chose que la dernière campagne électorale
a démontrée, c'est le faible poids politique de chacun des
acteurs de l'enseignement supérieur pris séparément.
Les professeurs, seuls, les recteurs, seuls, les étudiants, seuls,
les universités, une à une, n'arriveront jamais à faire
renverser la vapeur au sein d'un gouvernement qui ne peut que se réjouir
de l'absence de concertation dans notre action, d'unité dans notre
message.
Sur la question du sous-financement, le progrès ne peut venir " de Tavenas " seul, quelle que soit par ailleurs la pression que l'on cherchera à mettre sur le recteur de l'Université Laval. Ce progrès ne peut venir non plus de la seule CADEUL ou de la seule AELIES, ou encore de la seule CRÉPUQ, ou du seul SPUL, non plus que de l'action isolée des associations ou syndicats provinciaux. Le progrès viendra d'une action concertée au niveau québécois de la part de tous les groupes et de toutes les instances qui oeuvrent en enseignement universitaire. Or, une concertation provinciale s'est développée depuis plusieurs mois à l'initiative de la FEUQ avec la CRÉPUQ, la FQPPU et les autres associations syndicales. Cette concertation a déjà produit des résultats: il nous faut la soutenir et la renforcer.
Quant aux bourses du millénaire, nous devons tous réaliser qu'il y a là une réelle marge de manoeuvre dont l'enseignement supérieur québécois a un urgent besoin. Je rappelle que tous les intervenants de l'enseignement supérieur québécois ont appuyé fermement la position du Gouvernement du Québec lorsque ce projet a été mis de l'avant par le Gouvernement fédéral. Mais maintenant que la Fondation des bourses du millénaire est en marche, nous devons réaliser que la Loi qui constitue cette Fondation lui donne tous les pouvoirs pour en venir à une entente avec le Gouvernement du Québec dans le respect des termes de la résolution de l'Assemblée nationale du Québec à ce sujet, et dans le respect du programme québécois de prêts et bourses. Là encore, si nous décidons ensemble de faire une action concertée pour forcer cette nécessaire entente, nous arriverons à des résultats.
Et le Plan d'assainissement de l'Université Laval dans tout
cela ?
Je constate aussi que certains semblent vouloir interpréter le
plan d'assainissement de la situation financière de l'Université
Laval adopté par le Conseil d'administration en janvier comme une
stricte mesure budgétaire. Je pense utile de rappeler que les mesures
de ce plan visent dans les faits à la réalisation des recommandations
de la Commission d'orientation, Commission dont le rapport a fait l'objet
d'un large consensus l'an dernier dans la communauté, et qui doit
guider notre organisation au cours des prochaines années.
La Commission recommandait de travailler au décloisonnement des programmes et à une meilleure formation générale; le plan d'assainissement financier contient des mesures à cet effet. La Commission recommandait un accroissement des étudiants à la maîtrise et au doctorat; le plan contient des mesures à cet effet. La Commission proposait une intégration et une intensification des activités de la Formation continue, une simplification des structures administratives et des économies à ce chapitre; le Plan d'assainissement avance des mesures dans ces directions. En fait, nous ne nous trouvons pas devant une alternative entre notre Plan d'assainissement financier et un éventuel refinancement de l'enseignement supérieur. Nous devons mettre en oeuvre les recommandations de notre Commission d'orientation et assainir notre situation financière afin de bien nous placer pour reprendre notre développement lorsque le sous-financement prendra fin. Parce que je crois que le gouvernement a compris notre message, et qu'il l'a compris parce que de plus en plus, les universités, leurs étudiants, leurs professeurs, leurs employés, leurs associations et syndicats parlent d'une seule voix, et clament le même message.
Je souhaite, pour les prochaines semaines, que nous sachions créer et maintenir cette concertation dans l'action, cette unité dans le message qui sont, je le répète, les seuls moyens d'obtenir les résultats recherchés. J'incite tous les intervenants intéressés à se faire entendre de façon coordonnée à propos du sous-financement dramatique de l'université québécoise, à rechercher la concertation dans l'action et l'unité dans le message.
Le recteur
François Tavenas