28 janvier 1999 |
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Comment, dans la complexité de la situation qu'ils vivent, les enseignants du primaire arrivent-ils à présenter un contenu d'enseignement cohérent par rapport aux programmes, aux besoins des élèves et aux savoirs qu'ils détiennent? C'est la grande question que pose Annie Malo dans son mémoire de maîtrise en psychopédagogie, dont la qualité lui a d'ailleurs valu de recevoir le prix d'excellence pour le meilleur mémoire de maîtrise décerné par la Faculté des sciences de l'éducation pour l'année 1997-1998.
"Au départ, le postulat semble bien simple, constate Annie Malo. Pour enseigner, il faut connaître sa matière. Bien que cette affirmation populaire ne soit pas dénuée de sens, on ne saurait actuellement réduire l'enseignement à cette seule connaissance et surtout, à en limiter le savoir des enseignants. Car pour bien enseigner une matière, il faut pouvoir la transformer dans le contexte de la pratique. Essentiellement, l'acte d'enseigner constitue ainsi un processus dynamique."
Afin d'en savoir davantage sur la notion de transformation, Annie Malo a réalisé une enquête, au printemps 1995, auprès de quatre enseignants du primaire travaillant dans autant d'écoles de la région de Québec. En moyenne, ces enseignants (trois femmes et un homme) possédaient 22 ans d'expérience. Parmi les résultats observés, Annie Malo a noté l'importance de la planification d'étape (organisation des contenus ou des objectifs d'enseignement par période de temps de cinq ou sept jours), opération permettant à l'enseignant de se sentir prêt et compétent dans sa classe. Pour rendre la matière plus cohérente et son apprentissage plus logique, les enseignants n'hésiteront pas non plus à réorganiser la séquence des contenus proposée dans les programmes du ministère de l'Éducation.
"Comme l'a fait remarquer l'un des enseignants, cette réorganisation est possible parce que les programmes indiquent quoi faire et non pas comment le faire, souligne Annie Malo. Par conséquent, les enseignants estiment qu'il leur incombe de décider du comment et de la manière d'enseigner." En outre, ceux qui enseignent à deux degrés dans la même classe en l'occurrence, deux des participants à l'étude choisissent souvent d'enseigner le même contenu aux deux degrés, même si ce contenu ne figure pas au programme du degré inférieur. De cette façon, l'enseignant sauve du temps, gère du même coup les deux groupes, en plus d'initier les plus jeunes au contenu de l'année suivante.
À l'inverse, note Annie Malo, l'enseignant déborde souvent du programme pour enrichir son enseignement et favoriser l'apprentissage de ses élèves, et ce, dans une volonté de leur apprendre à ne pas se limiter au minimum. Selon que l'élève intègre facilement ou non la matière, il ralentit ou accélère les activités d'enseignement, tentant de s'adapter aux besoins et aux différences de chacun. "Je trouve que les professeurs font preuve d'une grande flexibilité dans leur travail. En fait, les exigences qu'on leur pose sont énormes: transmettre des connaissances dans une période de temps donnée, tout en gardant à l'esprit l'épanouissement des élèves, le respect de certaines valeurs, etc. Chose certaine, les enseignants que j'ai interrogés avaient tous à coeur le bien-être des élèves et le souci de faire de l'école un milieu de vie."
Elle-même titulaire d'un baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire (1993), Annie Malo estime qu'un bon enseignant est avant tout une personne sachant s'adapter au contexte et n'ayant pas peur d'être contestée. S'intéressant davantage à la recherche sur la formation des enseignants qu'à l'enseignement en tant que tel, Anne Malo effectue présentement son doctorat dont le sujet est "l'émergence du savoir professionnel". Cette fois-ci, la question au programme est: comment les enseignants apprennent-ils en enseignant?