21 janvier 1999 |
Un emploi stressant aurait davantage de répercussions sur la pression sanguine des travailleuses détenant un diplôme universitaire que chez leurs consoeurs moins scolarisées. Voilà le surprenant résultat obtenu par des chercheurs des facultés de Médecine et de Pharmacie au terme d'une étude portant sur l'effet des contraintes psychosociales au travail sur la pression sanguine. Les 210 femmes qui ont participé à l'étude occupaient des postes de col blanc (secrétaires, commis de bureau, techniciennes, professionnelles, cadres intermédiaires ou supérieures) dans des entreprises de la région de Québec.
Les chercheurs Nathalie Laflamme, Chantal Brisson, Jocelyne Moisan, Alain Milot, Benoît Mâsse et Michel Vézina ont évalué les contraintes psychosociales au travail, communément appelées stress, en mesurant la demande psychologique (travailler fort, contraintes de temps, concentration intense, demandes contradictoires, etc.) et la latitude décisionnelle qui caractérisaient les postes des participantes. La pression sanguine a été mesurée à l'aide d'un appareil portatif installé sur chaque sujette pendant une période de 24 heures. L'appareil enregistrait les données à toutes les 15 minutes pendant la journée et à toutes les 30 minutes pendant la nuit.
Les résultats, publiés dans le plus récent numéro du Scandinavian Journal of Work, Environment and Health (volume 24, numéro 5), indiquent que le stress au travail n'a pas d'effet sur la pression sanguine des femmes sans diplôme universitaire, aussi bien le jour que le soir. Par contre, chez les femmes qui détiennent un diplôme universitaire, le niveau de stress au bureau influence la pression sanguine: les femmes qui ont un emploi peu stressant ont une pression moyenne de 113 alors que, chez les femmes qui occupent un poste très stressant, la pression grimpe à 121. Cette différence entre les deux groupes de diplômées subsiste même après les heures de travail; pendant la soirée, leur pression sanguine atteint respectivement 115 et 122. Une différence persistante de cet ordre peut avoir des répercussions sur la santé, signalent les chercheurs. En effet, une augmentation de 5 unités de la pression sanguine accroît les risques de crise cardiaque de 34 % et les risques de maladies coronariennes de 21 %.
Les chercheurs avancent deux hypothèses pour expliquer leurs résultats. D'une part, il se peut que la différence reflète les attentes plus grandes des femmes diplômées par rapport au travail, proposent-ils. "Lorsque confrontées à des demandes psychologiques élevées et à une faible latitude décisionnelle, les diplômées universitaires peuvent ressentir plus de désappointement et de frustration que les femmes moins scolarisées dont les attentes vis-à-vis le travail sont moins élevées. Cette frustration induirait des contraintes psychosociales plus grandes qui influenceraient à la hausse la pression sanguine. Il se pourrait aussi que les femmes diplômées, en raison des responsabilités liées à leur emploi, vivent plus de conflits entre leur travail et leur famille". La seconde hypothèse reposerait sur un biais d'échantillonnage qui aurait pour effet d'entraîner une sous-représentation des femmes sans diplôme universitaire occupant des postes très stressants. Les chercheurs entreprendront bientôt une vaste étude de suivi qui leur permettra de tirer la question au clair.