7 janvier 1999 |
Aux yeux des étudiants en médecine, un pourcentage élevé de professeurs de clinique seraient de mauvais modèles à suivre dans les relations médecin-malade.
Selon les étudiants en médecine, moins de la moitié des professeurs feraient montre des qualités humaines jugées essentielles chez un "bon" médecin. Les étudiants reprocheraient surtout à leurs maîtres leur manque apparent de sensibilité et leur manque d'intérêt pour le bien-être général des malades. Voilà les principales conclusions d'une étude menée auprès de 500 étudiants de l'Université Laval, de l'Université de Montréal et de l'Université de Sherbrooke, et rendue publique dans un récent numéro du Journal de l'Association médicale canadienne. L'enquête a été réalisée en 1994-1995 par un groupe de six chercheurs, dont le professeur Luc Côté du Département de médecine familiale de Laval.
Plus spécifiquement, les données révèlent que trois étudiants sur quatre jugent que leurs professeurs de clinique ne semblent pas se préoccuper de la façon dont les patients s'adaptent psychologiquement à leur maladie. Environ 40 % des étudiants considèrent que leurs professeurs sont peu attentifs au bien-être général des malades, qu'ils ne prennent pas suffisamment de temps pour leur expliquer leurs problèmes de santé et qu'ils ne sont pas de bons modèles pour enseigner les relations médecin-patient.
Les étudiants estiment eux-mêmes faire les frais de ce manque de sensibilité: plus de 75 % d'entre eux croient que leurs professeurs ne font pas d'efforts pour comprendre les problèmes des étudiants ou pour les encourager lorsque des difficultés surviennent au cours de leur apprentissage.
Ces résultats ne surprennent pas outre mesure Luc Côté. "Nous enseignons l'importance de la pratique axée sur le patient mais, une fois en clinique, cette approche est peu valorisée par rapport à l'expertise. Le résultat est qu'il y a une pauvreté de bons modèles de rôle pendant la formation clinique. Les médecins ne sont pas toujours conscients du rôle qu'ils jouent dans l'enseignement des relations médecin-malade."
L'acquisition et le maintien de compétences et d'attitudes humaines constituent un élément important de l'éducation médicale, rappellent les auteurs de l'étude. "Il existe un écart important entre ce que l'on souhaite que les étudiants en médecine apprennent et les connaissances qu'ils acquièrent en réalité pendant la formation. Comme un tel écart pourrait représenter un obstacle à l'acquisition de compétences jugées importantes, des recherches s'imposent de toute urgence afin de mieux comprendre les facteurs qui jouent sur les perceptions des étudiants."
Ces perceptions, ajoutent enfin les auteurs, révèlent peut-être à quel point il est difficile d'atteindre de hauts standards de soins axés sur le bien-être du patient alors que, depuis quelques années, les ressources diminuent sans cesse dans les systèmes de santé et d'éducation. "C'est sûrement un facteur mais c'est parfois une excuse facile pour ne pas prendre le temps d'avoir une approche axée sur le patient", estime Luc Côté. L'humanisme sera un des grands défis de la pratique médicale des années 2000. Un médecin ne pourra plus n'être qu'un expert médical."