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3 décembre 1998 ![]() |
Dans la publicité sur le sida, pour capter l'attention des jeunes adultes, le bâton et la carotte seraient moins efficaces que les faits bruts
La pub sur le sida devrait viser la tête plutôt que le coeur si elle souhaite atteindre le public cible des 18 à 25 ans et les inciter à changer de comportements. En effet, il semble que lorsque la publicité télévisuelle touche des sujets sérieux comme la prévention du sida, les jeunes adultes préfèrent un discours simple et direct plutôt qu'une histoire qui cherche à faire vibrer leur fibre émotive. Voilà la conclusion à laquelle sont arrivés June Marchand, professeure au Département de marketing, et son collègue de l'UQAM Pierre Filiatrault, après avoir analysé la réaction d'un groupe de 278 étudiants universitaires à trois types de messages publicitaires portant sur la prévention du sida.
Les messages testés ont été créés tout spécialement pour les besoins de l'étude par une grande agence de publicité montréalaise. De durée égale, les trois pubs faisaient appel aux mêmes comédiens et au même texte narratif; seul le scénario différait. Le message factuel montrait un jeune homme et une jeune femme, assis sur des tabourets, livrant leur message directement à la caméra. Le message apeurant présentait une infirmière prenant le pouls d'un mourant atteint du sida pendant qu'une voix hors champ livrait le message. Enfin, dans le message valorisant, un jeune homme saisissait un condom sur une table de chevet. Sa compagne, étendue près de lui sur un lit, lui souriait en guise d'approbation pendant qu'une voix hors champ livrait le message de prévention.
L'impact des faits
Les étudiants devaient écrire les pensées spontanées
provoquées chez eux par la publicité dans les deux minutes
qui suivaient sa projection. Ils devaient ensuite exprimer leurs réactions
par rapport au sujet et par rapport au style utilisé. Le message
factuel a suscité le plus de pensées (0,73) reliées
directement aux comportements personnels des étudiants. Viennent
ensuite la pub apeurante (0,59) et, loin derrière, la pub valorisante
(0.39). "Lorsque les gens se sentent particulièrement touchés
par le message d'une publicité, ils sont plus enclins à adopter
le comportement recommandé, rappelle June Marchand. Dans le cas présent,
le message factuel semble donc plus efficace que les messages faisant appel
aux émotions."
La chercheure admet qu'au départ, elle croyait que la publicité valorisante allait être la plus appréciée des étudiants. "Le contraire s'est produit, explique-t-elle. Ils ont trouvé cette publicité démagogique et condescendante." Les agences de publicité qui doivent concevoir des campagnes de prévention du sida ne devraient pas chercher à produire LA création originale marquante qui révolutionnera le domaine, estime June Marchand. "En général dans le monde de la publicité, les créations primées lors des concours font presque toujours appel à l'émotion. Mais, lorsqu'on s'adresse à des groupes à risque, il semble que le discours rationnel soit plus efficace. On leur expose les faits et on leur dit: "La suite est entre vos mains". L'approche apeurante peut être utilisée lorsque toute la population est visée. Cependant, avec les groupes à risque, cette approche dérangeante peut conduire à un rejet du message." Et, conclut-elle, ce qui est vrai pour le sida l'est probablement pour les MTS, la vitesse ou l'alcool au volant.
Le Centre pour le marketing social de l'Université Carleton a souligné la qualité de cette recherche en décernant à June Marchand et Pierre Filiatrault, le premier prix dans la catégorie académique lors de son concours annuel.