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26 novembre 1998 ![]() |
L'ethnologue reçoit le prix patrimonial Gérard-Morisset pour ses travaux remarquables consacrés à la mise en valeur de la tradition orale et de la culture matérielle. Le politologue accepte le prix Léon-Gérin en sciences humaines pour sa contribution exceptionnelle au développement de la recherche dans son domaine.
Deux professeurs de l'Université Laval, Jean-Claude Dupont et Vincent Lemieux, figurent parmi les dix lauréats des Prix du Québec 1998 dont les noms ont été dévoilés hier, 25 novembre, à Montréal, par la ministre de la Culture et des Communications, et responsable de la Charte de la langue française, Louise Beaudoin et François Legault, ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.
Les Prix du Québec sont constitués d'une bourse de 30 000 $. Les Prix du Québec 1998 seront officiellement remis aux lauréats à l'occasion d'une soirée de gala organisée au Centre des congrès, à Québec, le 5 décembre. Le gouvernement du Québec, en accordant sa plus haute distinction à ces 10 personnalités, veut rendre hommage au caractère exemplaire de leur contribution à l'essor et au rayonnement de la société québécoise.
Un homme de racines
Le prix Gérard-Morisset, la plus haute distinction accordée
par le gouvernement du Québec dans le domaine du patrimoine est décernée
cette année à Jean-Claude Dupont, professeur d'ethnologie
du Québec et de l'Amérique française au Département
d'histoire de l'Université Laval. Né à Saint-Antonin
de Rivière-du-Loup en 1934, Jean-Claude Dupont a voué sa carrière
universitaire à la recherche et à la reconnaissance de nos
racines. D'abord professeur à la Memorial University de Saint-Jean,
à Terre-Neuve, et à l'Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick,
Jean-Claude Dupont entre à l'Université Laval en 1968 et devient
en 1979 professeur titulaire du programme d'ethnologie. De 1976 à
1982, il a été directeur du Centre d'études sur la
langue, les arts et les traditions populaires des francophones en Amérique
du Nord. L'Institut français de Worcester au Massachusetts et les
universités de New York à Albany, de Sudbury en Ontario et
de Moncton au Nouveau-Brunswick l'ont accueilli comme professeur invité.
Ses publications sont nombreuses et variées. Elles parlent de l'Acadie et des différentes régions du Québec qu'il connaît à fond. Jean-Claude Dupont a consacré à la Beauce des ouvrages imortants: Les noms de lieux de la Beauce (1965), Le Légendaire de la Beauce (1974), connu d'abord sous le titre Le monde fantastique de la Beauce (1972), et Contes de bûcherons (1976). Il a aussi publié pas moins d'une quinzaine de recueils de légendes se rapportant à l'Amérique française, au fleuve et à la culture amérindienne qu'il met ainsi à la portée des étudiants mais aussi du grand public. Il illustre ces légendes de peintures naïves et ses tableaux ont été exposés au Québec, ailleurs en Amérique du Nord ainsi qu'en Europe. Dans Le pain d'habitant (1974), Le sucre du pays (1975) et Le fromage de l'Île d'Orléans (1977), il met en relation des techniques de fabrication et le climat social et religieux dans lequel elles s'exercent.
Outre le prix Gérard-Morisset que lui décerne aujourd'hui le gouvernement du Québec, Jean-Claude Dupont a été maintes fois honoré pour son uvre. Il est depuis 1981 membres de la Société royale du Canada (Académie des sciences humaines), a reçu les insignes de l'Ordre des Francophones d'Amérique en 1992, la médaille Marius-Barbeau de l'Association canadienne d'ethnologie et de folklore en 1993 et, en 1996, un hommage de la part du Conseil international des monuments et des sites, un organisme partenaire de l'Unesco, en reconnaissance de sa contribution à la mise en valeur du patrimoine. En 1985, les Abénaquis d'Odanak l'ont fait membre honoraire de leur communauté.
Un théoricien tous terrains
Le prix Léon-Gérin, la plus haute distinction attribuée
par le gouvernement du Québec dans le domaine des sciences humaines,
est décerné cette année au politologue Vincent Lemieux.
"Ce prix rend hommage au professeur Vincent Lemieux qui a apporté
à sa profession, à sa discipline et à la société
québécoise une contribution particulière" a déclaré
François Legault, ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science
et de la Technologie et responsable des Prix du Québec dans le domaine
scientifique.
Auteur d'une trentaine d'ouvrages et de plus de 300 articles, Vincent Lemieux tire sa formation de la rigueur intellectuelle de pionniers des sciences sociales au Québec, les Georges-Henri Lévesque, Gérard Bergeron, Charles Lemelin, Léon Dion, Guy Rocher et surtout Fernand Dumont, qui dirige ses deux mémoires de maîtrise en 1953 et en 1957. Il a mené toute sa carrière au sein de l'Université Laval, où il a dirigé le Département de science politique de 1967 à 1970. Professeur remarquable, il a dirigé 24 thèses de doctorat et 55 mémoires de maîtrise et la Faculté des sciences sociales lui a attribué son prix d'excellence en enseignement en 1995. L'Association canadienne de science politique a créé le Prix Lemieux pour honorer la meilleure thèse de doctorat en science politique.
Vincent Lemieux, un observateur rigoureux des acteurs et des enjeux sociaux, a enrichi la science politique des acquis provenant de la sociologie, de l'anthropologie et des mathématiques. "J'ai adopté comme devise, confie-t-il, le conseil du célèbre anthropologue Claude Lévi-Strauss: allier la plus grande audace théorique à l'étude la plus minutieuse des faits." Et justement, ses travaux de recherche et son enseignement se distinguent par l'audace de leur ligne de pensée (le favoritisme, les stratégies, les sondages et la structuration du pouvoir) et s'appuient sur des données recueillies sur le terrain et exploitées selon les règles et les méthodes formalistes les plus rigoureuses. C'est pourquoi ses collègues n'hésitent pas à considérer Vincent Lemieux comme le chercheur qui a le plus contribué à valoriser la dimension scientifique de la science politique.
Souvent en prise sur des situations brûlantes (les groupes de pression, l'organisation des partis politiques et les relations de pouvoir dans les lois), les travaux de Vincent Lemieux ont une portée pratique et même opérationnelle: ils tendent ainsi à offrir une contribution tangible au développement de la société québécoise. Par exemple, Vincent Lemieux a contribué à modifier le découpage de la carte électorale de manière à rendre les scrutins plus conformes à la répartition de la population. Il n'hésite pas non plus à vulgariser ses réflexions comme en témoigne son livre La fête continue (1979). En ce sens, ses études relèvent de la science politique appliquée.
Les synthèses des thèmes traités par Vincent Lemieux s'expriment avec éloquence dans les titres de ses principaux ouvrages: Les cheminements de l'influence: système, stratégies et structures du politique (1979), Réseaux et appareils: logique des systèmes et langage des graphes (1982), Systèmes partisans et partis politiques (1985), Les sondages et la démocratie (1988), La structuration du pouvoir dans les systèmes politiques (1989), Le parti libéral du Québec: alliances, rivalités et neutralités (1993), La décentralisation (1997), Les coalitions: liens, transactions et contrôles (1998).
Le prix Léon-Gérin porte le nom du premier sociologue québécois (1863-1951). Il s'adresse aux chercheurs oeuvrant dans le domaine des sciences humaines et sociales.
Les autres lauréats de 1998
Les autres prix du Québec dans le domaine scientifique ont été attribués à Ashok K. Vijh, maître de recherche à l'IREQ (prix Marie-Victorin - sciences pures et appliqués), Samuel Freedman, Centre de recherches médicales Lady Davis, Hôpital Général Juif de Montréal (prix Armand-Frappier - développement de la recherche et promotion de la science et de la technologie) et Theodore Sourkes, neurochimiste et pharmacologue de l'Université McGill (prix Wilder-Penfield - sciences biomédicales.
Dans le domaine de la culture, outre le prix accordé à Jean-Claude Dupont, le prix Georges-Émile-Lapalme (qualité de la langue française) est attribué cette année au syndicaliste Fernand Daoust. Le prix Denise-Pelletier (arts d'interprétation) honore le comédien Gilles Pelletier. Le prix Paul-Émile-Borduas (arts visuels) couronne le peintre Jean McEwen. Georges Dufaux, caméraman, directeur de la photographie et réalisateur reçoit le prix Albert-Tessier (cinéma). Le prix Athanase-David est attribué au romancier, dramaturge et journaliste André Langevin.