12 novembre 1998 |
Universitaire et résistant, le Cajun Barry Ancelet se bat pour la renaissance de la culure française en Louisiane
Au Québec, on se targue de vivre dans le seul îlot francophone en Amérique du Nord. En affirmant cela, on oublie que des cultures françaises résistent encore et toujours à "l'envahisseur" en Acadie et en Louisiane. Profitant de la tenue du Festival international des arts traditionnels, le CELAT (Centre d'études interdisciplinaires sur les lettres, les arts et les traditions des francophones en Amérique du Nord) a invité Barry Ancelet, de la University of French-Louisiana, à nous entretenir des similitudes entre les cultures traditionnelles du Québec, de l'Acadie et de la Louisiane. Délaissant d'entrée de jeu le sujet de sa conférence, l'Américain a plutôt retracé son parcours. Et vous ne trouverez personne pour s'en plaindre car cet universitaire est également un conteur de première!
À sa manière, Barry Ancelet est un résistant. Depuis de nombreuses années maintenant, il se consacre à la défense et à l'illustration de la culture française de la Louisiane. Comment? En faisant travailler les mémoires. Équipé d'un micro et d'un magnétophone, Barry Ancelet parcourt le pays des Cajuns dans tous les sens. Il visite les bars et les dépanneurs à la recherche de contes, de blagues et de chansons sur le point d'êtres oubliés par des vieillards qui n'ont pu les transmettre à leurs enfants, puisque ceux-ci ne parlent pas le français...
Un explorateur paresseux
L'aventure de Barry Ancelet commence véritablement à l'école
secondaire. Là, il est inscrit en français "langue étrangère".
Cependant, il est l'un de ceux pour qui cette langue n'a rien de bien étranger:
il la parle à la maison. Ignorant les recommandations du professeur,
qui lui conseille d'oublier le "mauvais français" qu'il
connait, Barry Ancelet remarque les différences entre son français
et celui qu'on tente de lui imposer. Par la suite, c'est par "pure
paresse", dit-il, qu'il a continué à explorer la langue
française.
Étonnament, c'est à Paris qu'il renoue avec ses racines. Vers la fin d'un séjour d'études, il commence à avoir le mal du pays et il assiste à un concert où la chanson française de Louisiane est à l'honneur. Ce fut un choc, pour Barry Ancelet: "J'ai réalisé que je connaissais Voltaire et Louis XIV, mais pas ma propre culture." Il se met alors à fouiller dans les bibliothèques à la recherche de livres sur la culture cajun. Il ne trouve rien. "On n'existait pas officiellement. Bien sûr, Je savais qu'on était là, mais on n'existait pas dans le format qui dit qu'on existe vraiment: le livre."
Éducation guérilla
Dès son retour en Louisiane, il traque les porteurs de la tradition
orale. Il recueille des heures et des heures de contes et constitue un véritable
fonds d'archives. Mais Barry Ancelet n'a pas enregistré toutes ces
voix pour qu'elles demeurent muettes, alignées sur des tablettes:
il veut rendre à la communauté ce qui lui appartient. Il organise
des soirées de contes, écrit des livres, met sur pied des
émissions de radio et donne des cours à l'université.
C'est ce qu'il appelle faire de "l'éducation guérilla":
faire glisser de l'information dans le système. Car c'est en "reprenant
possession du territoire qui avait menacé la tradition orale qu'on
peut redonner un certain visage à cette tradition", croient
Barry Ancelet le professeur, le résistant et le combattant.