![]() |
5 novembre 1998 ![]() |
Même si les faibles tarifs d'électricité en vigueur dans le secteur résidentiel au Québec limitent sans doute les appétits des investisseurs potentiels, la question de la déréglementation des monopoles énergétiques se pose néanmoins régulièrement. Plusieurs conférenciers ont abordé ce thème, lors du Colloque international sur l'économie pétrolière qui se déroulait les 29 et 30 octobre au Château Frontenac. Organisée par le Groupe de recherche en économie de l'énergie et des ressources naturelles de l'Université Laval (GREEN), cette rencontre a notamment permis à l'assistance d'en apprendre d'avantage sur les situations en vigueur en Nouvelle-Angleterre et en France.
Si vous rêvez d'acquérir une centrale nucléaire dans le Maine ou dans l'État de New-York, voilà certainement le moment de mettre vos fantasmes à exécution. À en croire Robert Tessier, président et chef de la direction de Gaz Métropolitain, ce type d'installation se vend parfois à seulement 5 % de sa valeur à neuf actuellement. Cet exemple un peu surréaliste illustre bien, selon lui, le chaos qui prévaut actuellement en Nouvelle-Angleterre depuis qu'une commission fédérale de régulation de l'énergie a décidé de déréglementer le secteur. Pour parvenir à baisser les prix de vente qui atteignaient des sommets importants dans certaines régions, l'organisme a en effet obligé les grandes entreprises à choisir une branche d'activité, comme la production, le transport, ou la distribution d'énergie, mettant ainsi fin à une tradition d'intégration en vigueur depuis plusieurs années.
Des vaches à lait maltraitées
Du coup, près de 3 milliards de dollars ont changé de
mains en peu de temps dans le secteur du gaz, car d'anciens géants
ne pouvaient survivre à la baisse des prix qui a suivi. Lorsque les
propriétaires d'oligopoles ont investi avant la déréglementation
dans certains équipements coûteux, ils anticipaient en effet
des chiffres d'affaires relativement précis pendant trente ou quarante
ans. Aujourd'hui, beaucoup d'entrepreneurs se trouvent donc acculés
à la faillite, mais Robert Tessier observe que leur situation pourrait
bientôt s'améliorer. Certaines centrales productrices d'électricité
pourtant vétustes se vendent en effet très cher, comme si
les investisseurs envisageaient de reconstituer prochainement des oligopoles,
ce qui entraînerait une hausse des prix pour les consommateurs.
Une déréglementation complète du secteur électrique ou gazier ne met donc pas l'acheteur de gaz ou d'électricité totalement à l'abri des appétits de ses fournisseurs, contrairement à ce qu'avancent certains détracteurs de l'intervention étatique dans ce domaine. Les adversaires des entreprises publiques d'énergie soulignent en effet que le gouvernement a parfois tendance à les utiliser comme vaches à lait. Une situation que reconnaît volontiers le président d'honneur d'Électricité de France (ÉDF). Dans son allocution, Pierre Delaporte a remarqué ainsi que l'État "n'attend même pas que l'encre soit sèch" pour trahir les contrats qu'il passe avec l'entreprise publique d'électricité ou de gaz, la laissant aux prises avec des bilans financiers lamentables.
Place aux utilisateurs et à la concurrence
Le conférencier prône pour sa part une participation accrue
des utilisateurs au capital de ce genre d'entreprise afin de freiner les
appétits du gouvernement. Les clients, détenteurs d'action,
peuvent selon lui freiner de tout leur poids lorsque l'État tente
de prendre des décisions qui pourraient nuire à la santé
financière de la compagnie de gaz ou d'électricité.
Par ailleurs, la récente ouverture du marché français
aux fournisseurs d'électricité européens semble fonctionner
selon lui, puisque l'entreprise nationale française annonce déjà
une baisse de 14 % de ses tarifs pour les quatre prochaines années.
Nul ne sait encore si les clients d'Hydro-Québec bénéficieront d'effets semblables avec la mise en place au Québec d'une Régie de l'énergie, il y a un peu plus d'un an, mais on peut sérieusement en douter. Les consommateurs québécois ont déjà accès à des tarifs très concurrentiels, mais ils vont peut-être obtenir en revanche le droit d'interroger d'avantage les décisions d'Hydro grâce à ce nouvel organisme régulateur. Comme l'a expliqué son directeur Jean Guérin, la Régie fixe désormais les tarifs appliqués par Hydro-Québec, ce qui répondrait aux désirs du public qui déplorait jusqu'alors le manque de transparence de la commission parlementaire chargée de cette tâche, ainsi qu'à ceux des entreprises distributrices de gaz. La présence de ce nouvel acteur au financement autonome du gouvernement permettra peut-être au marché québécois de trouver un équilibre entre privatisation pure et dure et étatisation mur à mur.