29 octobre 1998 |
À LA MÉMOIRE DE CHRISTINE TOURIGNY
Le 8 octobre dernier, la Cour d'appel, sous la présidence de l'Honorable Pierre A. Michaud, juge en chef du Québec, tenait une séance extraordinaire où, tous membres confondus, la communauté juridique rendait un dernier hommage à l'Honorable juge Christine Tourigny que la maladie venait d'emporter, deux semaines auparavant.
Le vendredi 23 octobre, M. François Tavenas, recteur de l'Université Laval, et Mme Jocelyne Olivier, Présidente de l'ADUL, lui ont décerné, à titre posthume, la médaille de la Gloire de l'Escolle, soulignant ainsi le parcours exceptionnel et l'apport de cette femme remarquable, en tant qu'ancienne diplômée de la faculté de droit, à la société québécoise.
J'ai eu le grand plaisir de connaître Christine, et comme tous ceux et celles qui, de près ou de loin, l'ont côtoyée, j'ai pu apprécier les qualités qui, non seulement lui ont attiré le respect dans sa vie professionnelle mais, aussi et surtout, l'estime des autres dans les rapports interpersonnels.
Ne pouvant être présente à cette cérémonie, je voudrais aujourd'hui ajouter ma voix aux nombreux témoignages qui lui ont été et qui, sans nul doute, lui seront encore rendus.
Femme attachante, d'une grande générosité et que j'ai eu le grand privilège de pouvoir compter parmi mes amies, Christine avait un sens profond de l'altérité, et une capacité d'écoute remarquable. Peu importe les circonstances, le rang ou qualité des interlocuteurs, tous avaient droit au même respect, à partir du moment où le rapport était fondé sur la sincérité et l'authenticité : des qualités qui ont nourri une amitié qui remonte à plus de trente ans et qui a toujours été indéfectible.
Pionnière dans son domaine, elle sut forcer des portes qu'à l'époque, seul un petit nombre de femmes avaient pu franchir : celle de l'accès à la pratique du droit en cabinet privé, et celle de l'accès à la magistrature. Femme d'entraide, elle a toujours encouragé celles qu'elle estimait pour leur intelligence et leurs talents, et n'a jamais hésité non plus à leur ouvrir des portes, lorsque cela lui était possible. À ce titre, elle fut et restera pour longtemps encore, un modèle.
Femme de réflexion, mais aussi femme d'action, Christine a embrassé très tôt la cause des femmes. Et en tant que membre du gouvernement du Parti québécois, je me dois de souligner sa contribution, en tant que Secrétaire générale associée au Conseil exécutif du Gouvernement du Québec, à la reconnaissance et à la promotion des droits des femmes. À Mme Lise Payette, comme à Mme Pauline Marois, qui lui succéda comme ministre responsable de la condition féminine, Christine apporta une expertise précieuse.
Femme de rigueur et d'une grande probité, dotée d'un sens pratique peu commun chez une intellectuelle, elle était aussi de celles pour qui le sens du leadership se conjuguait avec le mot simplicité.
Femme de combat, Christine, qui n'aimait pas les faux-fuyants, a affronté la maladie avec courage et lucidité. C'est cette femme qui, jusqu'à l'extrême limite, s'est battue contre l'adversité et qui l'a affrontée avec dignité, que j'ai voulu saluer et que je veux aussi remercier pour m'avoir donné son amitié.
À L'UNIVERSITÉ D'ÉTÉ DE LA COMMUNICATION
La Faculté des lettres a donné la chance à trois étudiants de la maîtrise en communication publique de faire partie de la délégation qui représentait le Québec à la 19e Université d'été de la communication en août dernier. Ils rejoignaient ainsi près de 3000 congressistes de la francophonie pour un forum de cinq jours dans le Sud-Ouest de la France. Par le biais de son Fonds pour la recherche et l'enseignement, la Faculté des lettres nous (Marc-Brian Chamberland, Mireille Lalancette et Brigitte Massé) a octroyé une bourse couvrant les frais de transport et d'inscription. Nous nous sommes ainsi joints à la délégation du Québec formée par l'Office franco-québécois pour la jeunesse.
Hourtin est un petit village de la région d'Aquitaine sur la côte atlantique au sud de Bordeaux. Depuis 19 ans, cette région accueille des chercheurs, des professionnels et des étudiants afin de discuter des enjeux que la communication soulève pour la francophonie. Plus particulièrement, les congressistes se penchaient cette année sur les nouveaux défis de communication relatifs à la mise en place de l'Union européenne.
Plus de 150 débats, forums, tribunes, présentations et diffusions ont permis aux participants de discuter des politiques européennes, des stratégies des nouveaux acteurs et des spécificités et richesses de l'Europe. On y a aussi abordé le rôle de la communication dans la santé, l'éducation, les affaires et même l'agriculture.
Malgré la présence de l'élite communicationnelle française, le lancement de l'événement a été caractérisé par un ennui hors du commun. Claude Allègre, ministre de l'Éducation nationale, de la recherche et de la technologie, s'entretenait avec lui-même depuis 45 minutes devant une foule lasse de compter les mouches. Le supplice n'a cessé que lorsqu'il a atteint son paroxysme. Notre sauveur fut Alain Juppé, maire de Bordeaux et ancien premier ministre, qui s'est levé de la tribune des invités avec un soupir bien prononcé pour quitter la salle, suivi de plusieurs personnes semblant se dire: "Si Juppé le fait, alors pourquoi pas nous!"
Mis à part cette anecdote, certains faits nous ont frappés. Que ce soit en Amérique du Nord ou en Europe, les relationnistes se heurtent aux mêmes problématiques: la reconnaissance de leur profession, de leurs compétences et surtout de leur place au sein des organisations. Les relationnistes français ont exprimé leurs craintes à propos de l'implantation de l'"intelligence économique" dans les organisations françaises. Ce concept est en fait une approche managériale regroupant la recherche, le traitement et la distribution de l'information utile à l'activité économique de l'entreprise. Elle se différencie de la veille technologique car elle regroupe aussi les mécanismes de protection de l'information.
Après la qualité totale, l'intelligence économique devient la nouvelle religion managériale en France. Les communicateurs français y voient une opportunité de s'imposer. Ainsi, la Chambre de commerce de Bordeaux propose un cyberesp@ce d'information économique, où les membres peuvent obtenir une mine d'informations - lorsque le site fonctionne mieux qu'à son lancement puisqu'il a fallu plus d'une demi-heure pour que la présentatrice en comprenne le fonctionnement...
Pour un autre communicateur invité à une tribune, c'était un vibrant plaidoyer empreint d'un déterminisme technologique hors du commun. "Vous voulez de l'information sur le nouveau produit du concurrent américain, en 15 minutes je vous trouve 90 % de l'information disponible dans le monde grâce à internet alors qu'un consultant en recherche et développement aurait pris 6 mois et facturé 500 000 $", disait-il. Heureusement, ses collègues français lui on vite rappelé que les communicateurs pouvaient collaborer de façon réaliste à l'implantation de l'intelligence économique en aidant à mettre en place les réseaux de communication interne et en gérant les modifications imposées à la culture de l'entreprise.
Les quelques commentaires déplacés se sont fait oublier par l'allocution enflammée de Nicole Fontaine, Première Vice-Présidente du Parlement européen. Elle a affirmé avec force l'existence d'une culture européenne basée sur des expériences d'échanges et la nécessité pour l'Union européenne d'imposer sa vision aux pays qui la composent. Inutile de dire que les ministres français présents étaient plus nuancés...
C'est à Joël de Rosnay, directeur de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, que l'on doit, à la fermeture de ce colloque, une vision plus réaliste du pluralisme européen. Pour lui, l'Europe doit cesser de craindre l'innovation et bâtir ce rêve européen sur la culture, les sports, la musique et les loisirs. Mais avant tout, la France doit accepter d'entrer dans l'ère des sociétés de l'information.
À ces débats parfois houleux s'est mêlée une foire commerciale de la communication. Au centre du site, on retrouve des stands où le Parlement européen, à l'aide d'une quantité incroyable d'articles promotionnels, a tenté de nous convaincre d'aller voter aux élections européennes. Juste à côté, TV5 nous a vanté son multiculturalisme pendant qu'un représentant de France Télécom nous exhibait son dernier joujou numérique, un verre de vin à la main, offert par la Maison des Bordeaux supérieurs qui ne laisse personne passer sans s'abreuver de ses boissons, rendant les Français encore plus hystériques à propos du grand internet qui, à les croire, bouleversera leur vie entière.
Chacune des grandes compagnies présentes se sont relancées en offrant de somptueux banquets. Le gratin des communications françaises a eu le plaisir, et nous aussi, de déguster un magret de canard accompagné d'un Saint-Émilion 1988, gracieuseté d'une compagnie s'associant à ces parties de détentes clôturant chaque journée. Bref, l'hospitalité française déclasse de loin les traditionnelles sandwiches sans croûte des congrès québécois...
LE CHOC DES PHILOSOPHIES ÉCONOMIQUES
Le 22 octobre dernier, Lucien Bouchard a vraisemblablement amorcé sa campagne électorale lors de la conférence qu'il a donnée au Théâtre de la cité universitaire. Il axait son discours sur la jeunesse, l'éducation et bien sûr l'exubérant libéralisme du programme de Jean Charest. On a pu constater le souci des péquistes de conserver un État fort en pratiquant un dirigisme économique, plutôt que de se fier aveuglément à la main invisible du marché. Cette politique est complètement à l'antipode de celle de Jean Charest.
Toutefois, le modèle que propose Lucien Bouchard peut être difficile à pratiquer dans un contexte de concurrence internationale où les allégements fiscaux avantagent la croissance économique. Ce n'est pas sans espoir cependant que nous pouvons trouver une alternative au libéralisme excessif, communément appelé le néo-libéralisme. Dans les institutions internationales, nous sommes trop préoccupés par le commerce international et les conditions des investisseurs comme dans l'AMI. Il serait grand temps de déterminer les conditions du travailleur, du consommateur, de la culture, de l'environnement, de la fiscalité, des normes sociales et j'en passe. Le problème, c'est que l'économie est devenue mondiale, mais les règlements sont restés nationaux. Pour être compétitif, il faut ainsi opérer une déréglementation.
La solution à ce problème réside dans une réglementation non pas à partir de l'État, mais à partir des institutions supranationales. Il faut établir les règles du jeu de l'économie mondiale. Sur notre continent, seulement trois personnes ont, à ma connaissance, des idées semblables: Bernard Landry, Jacques Parizeau et un certain Stéphane Tremblay, jeune bloquiste qui est sorti du Parlement avec sa chaise. Trois personnes, c'est pas beaucoup. On ne change pas le monde à trois. Pourquoi n'y a-t-il aucun fédéraliste dans cette courte liste? Jean Charest pourrait ainsi laisser tomber sont projet néo-libéral.
Mais ce qui est vraiment dommage, c'est que cette idée de solution supranationale n'est jamais fréquemment diffusée. Aucune personnalité politique de premier plan, comme Lucien Bouchard ou Jean Charest, n'en souffle un mot. Pourtant, dans une conférence chez des universitaires comme celle du 22 octobre dernier, c'était une excellente occasion de la faire.
DE L'OCTOBRE À L'OPPROBRE
En cet octobre douloureux où la mort s'acoquine le gris et le rouge temps - un mois qui convie à la même table le dix-huitième, le vingtième et le trente-cinquième anniversaire de la mort de Georges Brassens, de Jacques Brel et d'Édith Piaf respectivement; un mois qui réunit Raymond Lévesque et Gilles Vigneault dans leur soixante-dixième année, alors qu'ils naissaient dans ce grand cru de 1928 en compagnie de Monique Leyrac, Gaston Miron et... Pauline -, en cet octobre douloureux, dis-je, le magazine 7 jours commet la promotion télévisée de sa dernière livraison. À la une: "Pauline Julien: ce qui l'a menée à son suicide". Puis, sur-le-champ, la même publicité enchaîne avec sept mille dollars à gagner... Commentaire: c'est à vomir!