8 octobre 1998 |
Être motivé dans ses études, c'est d'abord pouvoir leur donner un sens
Pourquoi vient-on à l'université? S'il fallait poser cette simple question à chacune des étudiantes et à chacun des étudiants de tous âges et de tous milieux qui ont envahi la cité universitaire au début de septembre, les réponses qu'ils lanceraient risqueraient, elles, de ne pas être aussi simples...
Mais soumettre la même interrogation à la psychologue Louise Turgeon et au conseiller en orientation Henri Hamel, du Service d'orientation et de counseling de l'Université Laval, risquerait par contre de simplifier grandement tout questionnement sur les multiples visages que peut prendre la motivation dans la population étudiante, et sur la pertinence que chaque individu qui la compose accorde à la formation univesitaire.
Un sens à trouver
"Si être motivé dans la vie, c'est d'abord pouvoir
trouver un sens à son action, être motivé dans ses études,
c'est également d'abord pouvoir leur donner un sens", affirment-ils.
Les deux professionnels du Service d'orientation et de counseling se sont
penchés récemment sur les raisons d'étudier et sur
les nombreuses significations attribuées aux études.
Brodant sur le canevas des croyances, des espoirs, des doutes, des habiletés et des compétences, ils en sont arrivés à établir sept grandes catégories de significations à travers le sens, les couleurs particulières que peut prendre l'Université pour ceux et celles qui la fréquentent.
Sept univers-cités
Louise Turgeon et Henri Hamel ont identifié en premier lieu l'université
"vide de sens", qui correspond à une absence de motivation.
"Ces périodes ne sont pas graves en soi; elles peuvent même
devenir des moments privilégiés de prise en charge... pourvu
qu'elles ne se prolongent pas indûment", indiquent-ils. Deux
réactions typiques: "Mais qu'est-ce que je fais ici?" ou
"Bof, faire ça ou autre chose!"
La grisaille et les affirmations du type "je n'ai pas le choix" ou "il le faut bien" sont par ailleurs le lot des tenants de l'université "mal nécessaire". "Les raisons de fréquentation sont loin de la personne, loin dans le temps et l'université constitue une espèce de passage obligé sans grande satisfaction immédiate", constatent Turgeon et Hamel.
Puis, apparaît parfois dans le décor l'université "norme personnelle", celle des personnes préoccupées avant tout de faire leurs preuves à leurs propres yeux et tirant un certain sentiment d'importance d'être à l'université. "On comprend ici que l'estime de soi est en jeu. Si tout va bien, les personnes concernées vont probablement développer une meilleure confiance en elles. Par contre, si elles vivent des échecs, c'est leur valeur personnelle qui est touchée et les échecs risquent d'être très douloureux", fait remarquer Henri Hamel.
Quand l'horizon commence à s'éclaircir, c'est alors l'université "instrument du futur" qui se profile dans une perspective mieux définie. "Choix et autodétermination sont les deux mots qui font toute la différence entre le "mal nécessaire" et "l'instrument du futur", souligne Louise Turgeon. Les études deviennent un moyen d'atteindre ses objecifs. Ici, c'est déjà beaucoup plus que le diplôme."
Nous arrivons dès à présent au beau milieu de cités universitaires plus ensoleillées. Celle, d'abord, de l'université "démarche de connaissance", où les étudiants sont mus par le plaisir d'apprendre. Celle, ensuite, de sa voisine, l'université "occasion de développement", au sein de laquelle on veut repousser ses limites, développer son potentiel, relever des défis. Celle, enfin, de l'université "sensations", avec son côté stimulant, excitant, amusant, qui fait dire: "Je me sens plus vivant, plus vivante quand je viens à l'université; j'aime la vie universitaire." Ou: "J'aime les rencontres que je fais; j'aime découvrir qu'il y a des gens qui me ressemblent."
Ces différents paysages de cités de la connaissance perçues à travers le prisme de l'expérience personnelle de chaque étudiante et de chaque étudiant, autrement dit ces "catégories de signification", ne sont pas étanches; elles peuvent s'interinfluencer, assurent la psychologue et le conseiller en orientation. On peut même passer de l'une à l'autre au cours de son expérience universitaire, et elles peuvent presque toutes habiter un individu en même temps, révèlent-ils.
Motivation en mouvance
Les observations auxquelles les deux professionnels du Service d'orientation
et de counseling de l'Université Laval ont pu s'adonner dans le milieu
recoupent d'ailleurs les données d'autres recherches qui ont porté
le même sujet. Selon eux, l'université "instrument du
futur" et l'université "mal nécessaire" sont
des significations partagées par bon nombre d'étudiants et
d'étudiantes qui arrivent à l'université. Graduellement,
cependant, avec les années, croissent le plaisir et la satisfaction
d'apprendre de nouvelles choses, faisant de plus en plus de place à
l'université "démarche de connaissance".
"Nous pensons que pour que l'Université soit une expérience satisfaisante, il y a lieu d'élargir les assises de sa motivation tout en sachant bien que l'importance de ces différentes assises va fluctuer sans cesse au cours du séjour à l'université", de conclure Louise Turgeon et Henri Hamel.