1er octobre 1998 |
"Je suis l'homme du Oui, pas du Non ou du Peut-être", rappelle Jacques Parizeau.
Jacques Parizeau aime jouer au chat et à la souris avec son auditoire, et il l'a prouvé une fois de plus alors qu'il prononçait un discours mercredi dernier à l'invitation des jeunes du Parti Québécois de l'Université Laval, dans une agora du pavillon Alphonse-Desjardins bourrée à craquer. L'ancien premier ministre possède en effet le don de faire déplacer les foules et de mobiliser l'ensemble des journalistes traitant de politique. Ces derniers savent pertinemment que chaque apparition de "Monsieur", comme on le surnomme affectueusement, crée des vagues dans le train-train de la vie politique au Québec. Mais il a fallu tout de même attendre les cinq dernières minutes d'un discours de plus d'une demi-heure pour que Jacques Parizeau commente sévèrement les résolutions votées lors du dernier Conseil national du Parti Québécois concernant les conditions gagnantes d'un prochain référendum.
"Je suis l'homme du Oui, pas du Non ou du peut-être", proclame l'ancien chef du Parti Québécois après s'en être violemment pris à la stratégie développée par le premier ministre Lucien Bouchard pour reprendre en main les rênes du Parti Québécois. Dans son discours, Jacques Parizeau a fait part à son auditoire des inquiétudes que lui inspire cette fameuse résolution de son parti de coeur où on mentionne la nécessité de réunir des conditions gagnantes avant de déclencher un référendum et le fait que la promotion de la souveraineté incombe au Parti Québécois. "Je n'aime pas ça, déclare tout de go le trouble-fête, un gouvernement souverainiste, on s'attend à ce qu'il fasse la promotion de la souveraineté () Si on donne l'impression d'avoir peur, c'est pas le public qui va nous donner le courage qui nous manque."
Un ange passe sur l'agora
Avant d'indiquer aux péquistes la voie royale pour accéder
un jour à la souveraineté, l'ancien premier ministre a jonglé
avec plusieurs idées qui auraient pu donner lieu à des dérapages
hautement médiatisés. Lorsqu'il a démarré son
discours, par exemple, en évoquant le déficit de 52 000 voix
qui avaient manqué pour transformer le référendum de
1995 en victoire du Oui, la salle a retenu son souffle pendant que l'ombre
du "vote ethnique" planait sur l'agora. Mais non, le politicien
a préféré souhaiter bonne chance à la Commission
parlementaire qui se penche sur la réforme de la liste électorale
pour retrouver la trace de ses 100 000 électeurs qui ont voté
lors du scrutin de 1995 alors qu'ils ne bénéficient pas aujourd'hui
de la carte d'assurance-maladie.
Cette introduction lui a d'ailleurs permis ensuite de souligner l'importance qu'accordent nos voisins européens aux référendums et de tirer un coup de chapeau aux Danois, qui parviennent à imposer leur point de vue à la puissante Union européenne même s'ils constituent un peuple de seulement quelques millions d'habitants. "Grâce à l'Europe, on constate depuis la seconde moitié du siècle que des petits pays peuvent prospérer s'ils appartiennent à de grands ensembles économiques", indique l'ancien professeur d'économie en mettant en lumière du même coup les efforts investis par le Québec pour que soit finalement signé l'accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique.
Se portant ensuite à la défense du français au Québec et de la nécessité de se doter de lois pour protéger cette langue, Jacques Parizeau a ensuite évoqué un thème qui déclenche régulièrement des tempêtes dans la province, celui du racisme. Quand il a mentionné le nom du chanoine Lionel Groulx, le public a pu se demander si ce fils de partisans des républicains espagnols allait citer ce mémoire de maîtrise en science politique très controversé portant sur les liens entre le IIIe Reich et le projet national du Québec. Mais au contraire, l'ancien premier ministre a préféré se tourner vers la tradition de tolérance des Québécois qui, au début du XIXe siècle, ont élu un député juif à Trois-Rivières alors que les institutions britanniques n'acceptaient pas à cette époque la candidature de juifs.