24 septembre 1998 |
Des étudiants québécois et d'outre-atlantique recréent les débats du Parlement européen au Salon bleu de l'Assemblée nationale
Pour mieux se familiariser avec les subtilités du fonctionnement des institutions européennes, il faut sans aucun doute les pratiquer. Le Regroupement étudiant de la maîtrise en relations internationales de l'Université Laval a donc pris les grands moyens et fournit cette semaine, à 110 participants, le cadre d'un exercice grandeur nature. Il s'agit ni plus ni moins que de récréer les travaux du Parlement européen à Québec, et de discuter au sein des commissions ou des partis de thèmes aussi concrets que la création d'une armée européenne, la réduction du temps de travail ou d'un possible accord commercial entre les pays du Mercosur et de l'Union Européenne. Les séances plénières du cette simulation parlementaire, qui se déroule jusqu'au 25 septembre, ont lieu dans le Salon bleu de l'Assemblée nationale, un décor qu'on espère inspirant pour les apprentis eurocrates.
Avant de plonger tête baissée dans les arcanes de la cuisine parlementaire, les participants ont pris des nouvelles de l'Union Européenne grâce à des spécialistes qui déambulent fréquemment dans les couloirs de cette institution, à Bruxelles ou à Strasbourg. Une institution qui se porte d'ailleurs de mieux en mieux à en croire François Massoulié, délégué de la Commission européenne au Canada. "L'adoption de l'Euro, une monnaie en vigueur le 1er janvier 1999, confère aux 15 pays de l'Union une stabilité économique remarquable, surtout dans un monde où sévit une crise financière très importante comme actuellement en Russie et en Asie," indique-t-il.
Une maison commune avec toujours plus d'habitants
Au fil des ans, l'Union Européenne s'est donc imposée
comme un partenaire économique majeur, au point de devenir la première
puissance commerciale du monde. Mais cette hydre à 15 têtes
connaît d'avantage de difficultés à faire reconnaître
son rôle politique. Il faut dire que cette institution vit de profonds
tiraillements car elle doit en même temps s'ouvrir à de nouveaux
pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est, tout en maintenant une unité.
Chaque nation tient également à conserver son identité
et sa culture au sein de cette maison commune, une caractéristique
qui rapproche finalement l'Union Européenne de la complexe fédération
canadienne, selon François Massoulié, qui qualifie ces deux
entités de "drôles d'animaux politiques".
Même si plusieurs accords jalonnent l'histoire commune de l'UE et du Canada, les premières relations formelles remontant à 1958, ce n'est que tout récemment que les liens semblent se resserrer avec l'adoption, en 1996, d'un plan d'action, devenu une pièce maîtresse des relations avec les instances canadiennes. Comme le fait remarquer Yves Brodeur, conseiller politique au Ministère des affaires extérieures, les frictions commerciales dans des secteurs sensibles comme celui de la pêche ont parfois eu tendance dans le passé à rejaillir sur l'ensemble des autres dossiers. Mais il constate aussi une collaboration accrue aujourd'hui, notamment en matière de coopération scientifique et technique ou lors d'échanges sur la politique d'immigration et la criminalité sur Internet.
Des échanges déficitaires pour le Canada
Si les relations entre dirigeants semblent donc aller bon train, il
convient par contre de convaincre les gens d'affaires canadiens de l'importance
économique de l'Union Européenne. Même si l'Europe constitue
le deuxième partenaire commercial du Canada après les Etats-Unis,
le volume d'échanges vers les pays d'outre-atlantique diminue depuis
quelques années. Au point que le Canada et le Québec accusent
un déficit de leur balance commerciale avec les pays de l'Union.
"Avec les accords de libre-échange, le développement
des relations avec les États-Unis a progressé à pas
de géant, souligne Michel Gagné, du Ministère des relations
internationales. Peu d'efforts ont été investis vers l'Europe,
d'autant plus que certains produits, particulièrement dans l'agroalimentaire,
subissaient de plein fouet la concurrence des producteurs européens."
Le représentant de la direction générale Europe au MRI remarque que l'avenir semble plutôt résider dans le développement d'échanges concernant la technologie de pointe. Il cite ainsi des accords de coopération qui lient, par exemple, des centres de recherche en télédétection de chaque côté de l'Atlantique ou des chercheurs québécois et français spécialisés dans ces cartes à puce qui enrichiront un jour nos dossiers médicaux. Une chose est sûre, il faut absolument cultiver les relations entre l'Europe et le Canada, car ces partenaires ont peut-être trop eu tendance, par les années passées, à les prendre pour acquises.
L'initiative du Regroupement des étudiants à la maîtrise, qui a mené à bien ce projet de simulation parlementaire, contribuera sans doute à ce rapprochement, puisque des étudiants venus de cinq pays européens y participent. "Nous sommes agréablement surpris de l'intérêt des étudiants québécois pour l'Europe et de leur connaissance du fonctionnement des institutions européennes," souligne Giovanna Secchi, étudiante de l'Université italienne de Cagliari en Sardaigne. Le projet met en pratique, selon elle, ce désir de l'Europe de s'ouvrir vers l'extérieur. Pour d'autres étudiants, il permet aussi de discuter avec des jeunes d'autres pays de la direction politique que doit prendre l'Union Européenne dans l'avenir. À cet effet, certains orateurs n'hésitent pas à revendiquer lors des discussions au sein des commissions ou en séances plénières une ouverture accrue de l'Union Européenne vers les citoyens afin que cette institution s'intéresse d'avantage aux problèmes de chômage et de formation.