24 septembre 1998 |
Une étude démontre les multiples avantages de cette technique pour les bébés prématurés et leurs parents
La méthode Kangourou, qui consiste à porter un enfant prématuré sur le ventre 24 heures sur 24, peau contre peau, plutôt que de le laisser à l'hôpital dans une couveuse, semble influencer positivement la croissance du nouveau-né, le sentiment de compétence de la mère et le développement du lien mère-enfant. C'est ce que révèle une étude que vient de publier une équipe de chercheurs, dirigée par le professeur de l'École de psychologie Réjean Tessier, dans la revue scientifique Pediatrics . Les chercheurs ont testé cette méthode à Bogota, en Colombie, auprès de 400 mères qui avaient donné naissance à un enfant sept semaines avant terme.
Les chercheurs ont comparé un groupe mères-enfants qui utilisait la méthode Kangourou à un groupe témoin où les prématurés étaient gardés à l'hôpital. Les mères kangourou, avec l'assistance de leur conjoint, devaient assurer un contact peau à peau permanent avec leur enfant afin de maintenir sa température corporelle. La durée moyenne du recours à la méthode Kangourou variait de deux à trois semaines.
Au début de l'expérience (35e semaine d'âge gestationnel), les enfants Kangourou accusaient un écart de poids de 74 grammes. Six semaines plus tard, l'écart entre les deux groupes avait disparu. De leur côté, les mères Kangourou se sentaient plus compétentes, plus confiantes et davantage à l'écoute de leur enfant que les mères du groupe témoin. Le seul aspect négatif noté par les chercheurs est l'isolement social qu'éprouvent les mères kangourou pendant les premières semaines. Ce sentiment s'estompe cependant après quelques mois.
Par ailleurs, il n'y a pas plus de mortalité dans le groupe kangourou que dans le groupe témoin. En plus, les enfants kangourou seraient moins sujets aux maladies nocosomiales (infections contractées à l'hôpital) parce que leur séjour dans les maternités bondées est plus court. Le corollaire de ce départ rapide, qui n'aura pas échappé à tout gestionnaire à l'affût d'économies, est l'allégement des coûts d'hospitalisation des prématurés.
Pères porteurs
Réjean Tessier note enfin un dernier avantage non négligeable
qui plaide en faveur de la méthode Kangourou. "En général,
dans la société colombienne, les pères s'occupent peu
des bébés. La méthode Kangourou favorise leur implication
parce que les mères ne peuvent porter l'enfant continuellement. Ceci
donne la chance aux hommes de jouer un rôle de premier plan auprès
de leur enfant." Les chercheurs en ont eu la preuve convaincante. Lors
du suivi médical des enfants, environ 40 % des pères du groupe
Kangourou les accompagnaient à l'hôpital. Du côté
du groupe témoin, aucun père ne s'est présenté....
À la lumière de ces résultats, Réjean Tessier estime que la méthode Kangourou pourrait être implantée dans des pays comme le Canada. "On pourrait pousser plus loin l'humanisation des soins et impliquer davantage les parents en utilisant la méthode Kangourou, à l'intérieur ou à l'extérieur des murs de l'hôpital, mais toujours sous surveillance médicale étroite." Des projets-pilote sont d'ailleurs en cours à l'Hôpital Sainte-Justine de Montréal ainsi qu'à l'Hôpital Général d'Ottawa. Réjean Tessier travaille à l'élaboration d'un projet international plus vaste auquel participeraient plusieurs hôpitaux canadiens, dont l'un est situé à Québec.