17 septembre 1998 |
La fin de l'apartheid a mis la table à une alimentation typiquement occidentale. Pour le meilleur et pour le pire...
En 1984, les enfants noirs des grandes villes d'Afrique du Sud avaient une alimentation riche en hydrates de carbone et pauvre en matières grasses (moins de 30 %). En 1995, une révolution sociale plus tard, les enfants du même groupe d'âge avaient un régime composé de 41 % de matières grasses qui s'apparentait à celui des enfants des pays occidentaux. Voilà l'un des constats qui se dégagent d'une étude effectuée par Huguette Turgeon-O'Brien, professeure au Département des sciences des aliments et de nutrition, et par ses collègues sud-africains Jennifer M. MacKeown, Peter E. Cleaton-Jones et A. W. Edwards.
Cette recherche, menée auprès de 1 500 enfants noirs de cinq ans habitant Soweto et Johannesburg, visait à mesurer l'ampleur des changements alimentaires survenus dans la foulée d'une décennie de bouleversements sociaux sans précédent en Afrique du Sud. La période 1984-1995 a été marquée par la fin de l'apartheid, les premières élections multiraciales et l'accession au pouvoir de l'ANC en 1994. Parallèlement à ces événements, la disponibilité de la nourriture augmentait, la situation socio-économique s'améliorait et les communautés noires des grandes villes adoptaient un mode de vie plus occidental, jusque dans leur assiette, semble-t-il. En effet, les chercheurs ont observé, pendant cette période, une augmentation de 35 % dans la consommation de calories qui est passée de 1 560 à 2 096 kcal par jour. La norme pour les enfants de ce groupe d'âge se situe à 1 800 kcal. En onze années, la consommation de gras a augmenté de 83 % et celle du sucre et des protéines de 20 %.
La consommation moyenne de la plupart des éléments nutritifs connaissait également une hausse sauf dans le cas de la vitamine A (-36 %), de la vitamine C (-17 %), du cuivre (-10 %) et du fer (-6 %). Malgré cette hausse générale des micronutrients, les rations quotidiennes de calcium, de zinc, de niacine, de vitamine D et de biotine se situaient encore sous le seuil quotidien recommandé.
Les changements sociaux, politiques, économiques et environnementaux ont été partiellement responsables des changements alimentaires survenus entre 1984 et 1995, estiment les auteurs de l'étude. "La composition de certains plats a changé et de nouveaux aliments ont trouvé leur place sur la table des Sud-Africains, avancent les chercheurs dans l'article qu'ils publient récemment sur le sujet dans Paediatric and Perinatal Epidemiology. À la lumière de cette étude, les chercheurs concluent qu'il importe maintenant de réévaluer les besoins de santé présents et futurs de la population d'Afrique du Sud.
Huguette Turgeon-O'Brien, qui a passé quatre semaines à Johannesburg en 1996 pour la préparation de cette étude, continue de collaborer avec l'équipe sud-africaine en codirigeant les recherches de l'étudiante-chercheure Jennifer M. MacKeown.