10 septembre 1998 |
Le rêve que caresse le physicien Ermanno Borra - celui de mettre sur pied un observatoire astronomique international muni d'un télescope à miroir liquide - vient de franchir une étape importante. En effet, un organisme subventionnaire belge vient d'octroyer 400 000 $ (US) à un groupe d'astronomes dont fait partie ce professeur de la Faculté des sciences et de génie pour un projet de télescope à miroir liquide de 4 mètres qui sera construit au Chili. "Ce montant représente environ le tiers du budget total du projet, estime Ermanno Borra. Il nous manque l'argent pour la bâtisse et pour les composantes optiques mais je suis très confiant. Ça va réussir." Les sommes manquantes pourraient venir de la France, de l'Écosse et de l'Allemagne. La contribution canadienne à ce projet demeurera modeste, prévoit le chercheur, puisque le Canada investit déjà 500 000 $ dans un autre projet de miroir liquide qu'il mène avec des chercheurs de l'University of British Columbia.
"Il faut bien comprendre que le projet ne consiste pas à démontrer la faisabilité de la technologie des miroirs liquides, insiste Ermanno Borra. Cette démonstration a déjà été faite. Nous voulons maintenant utiliser la puissance de cet outil pour faire de la cosmologie."
La filière liquide
Ermanno Borra et son équipe explorent la filière
des télescopes à miroir liquide depuis plus de 15
ans. Ces télescopes ont ceci de particulier que leur miroir
primaire, celui qui capte et concentre la précieuse lumière
venue du ciel, n'est pas fait de verre poli mais bien d'un liquide
réfléchissant tel que le mercure. Placé dans
une cuvette à laquelle un moteur imprime un mouvement circulaire
constant, le liquide s'élève et s'étale en
une mince pellicule parfaitement lisse, qui épouse la forme
d'une parabole et qui peut ainsi faire office de miroir de télescope
. Pour obtenir des images de qualité optique, les imperfections
à la surface du liquide doivent être inférieures
au millième de l'épaisseur d'un cheveu. Les miroirs
liquides parviennent à produire de telles images et, avantage
non négligeable, ils coûtent beaucoup moins cher
que les miroirs de verre.
Le plus grand miroir construit par l'équipe du professeur Borra fait 3,7 mètres de diamètre, soit quelques millimètres de plus que celui de l'Observatoire Canada-France-Hawaii. Plus le miroir du télescope est grand, plus il parvient à récolter les rares rayons lumineux qui proviennent d'objets célestes très distants et qui recèlent les plus précieux secrets sur l'origine et l'évolution de l'Univers. "Le miroir de 4 mètres que nous voulons construire ne constitue pas un saut technologique très élevé, dit le chercheur. Nous ne voulons prendre aucun risque parce que le but n'est pas de tester le miroir mais de faire de la science dans un des meilleurs sites au monde."
Des images profondes
Avec son miroir de 4 mètres, l'observatoire comptera parmi
les dix plus grands télescopes terrestres. "Mais,
ce qui rend le projet vraiment exceptionnel, c'est que pendant
des années, nuit après nuit, nous allons accumuler
des données sur la même région du ciel (un
miroir liquide "regarde" toujours la même bande
de ciel défiler droit au-dessus de lui, il ne peut pas
être incliné). Nous allons ainsi additionner les
données et bâtir des images qui seront excessivement
profondes, ce qui permettra d'observer des objets dont la luminosité
est 100 millions de fois plus faible que ceux qu'on peut voir
à l'oeil nu. La quantité de données va être
phénoménale! Avec un grand télescope conventionnel,
si un chercheur obtient dix nuits par année pour observer
la même région du ciel, il peut se compter chanceux."
Ermanno Borra agit comme promoteur principal du projet international d'observatoire à miroir liquide. "Je vais aussi apporter mon expertise pour le dessin et la construction du miroir." Si la financement se concrétise, la première lumière du télescope aura lieu en l'an 2000.