3 septembre 1998 |
Profil
Professeur au Département de génie civil, André Picard devient le second récipiendaire du Prix d'excellence en enseignement de l'Université Laval
Le Prix d'excellence en enseignement de l'Université Laval 1998-1999 a été remis hier au professeur André Picard du Département de génie civil. Créé à l'initiative du Réseau de valorisation de l'enseignement, ce prix, doté d'une bourse de 10 000 $, vise à récompenser la stabilité et la fidélité de l'engagement d'André Picard envers l'excellence en enseignement aux trois cycles de la formation universitaire. "Ce prix est important à mes yeux parce qu'il représente l'accomplissement de 27 années de travail, dit-il. J'ai déjà reçu un prix d'envergure québécoise mais c'est bon de voir ses mérites reconnus à l'Université-même. Je suis reconnaissant à l'endroit du Réseau de valorisation de l'enseignement sans qui ce prix n'aurait probablement jamais existé."
Le comité de sélection du prix, formé du vice-recteur aux affaires académiques et étudiantes, de quatre professeurs reconnus pour leur excellence en enseignement, d'un représentant des étudiants du 1er cycle et d'un représentant des étudiants des 2e et 3e cycles, a retenu la candidature d'André Picard parmi tous les dossiers reçus. L'Université Laval a institué ce prix l'année dernière dans le but de reconnaître l'excellence en enseignement et de promouvoir chez les professeurs le souci de l'excellence en enseignement. Souci qui transparaît dans toute l'oeuvre de pédagogue d'André Picard.
De Londres à Québec
Lorsqu'André Picard était étudiant dans les années
1960, il s'était promis que s'il devenait un jour professeur d'université,
il écrirait un livre de génie en français: "Je
jugeais la difficulté de la matière assez considérable
comme ça sans y ajouter l'obstacle de la langue", se souvient-il.
Le professeur du Département de génie civil a tenu promesse,
cinq fois plutôt qu'une. Et depuis, ses cinq ouvrages en ingénierie
des structures ont accompagné les longues soirées de labeur
de plusieurs milliers d'étudiants.
André Picard célèbre cette année ses 27 années d'enseignement à l'Université. Il aura cependant fallu 22 ans avant que ses mérites de professeur soient reconnus par quelqu'un d'autre que ses étudiants. En effet, en 1993, il obtenait le prix Summa de l'enseignement à la Faculté des sciences et de génie. À l'automne 1996, l'Association des professeurs de sciences du Québec lui décernait le prix Raymond-Gervais pour sa contribution exceptionnelle à l'enseignement des sciences au Québec. Il devenait ainsi le premier professeur universitaire à recevoir cette distinction depuis la création du prix en 1978. "En comparaison avec la recherche, il y a bien peu de prix qui valorisent l'enseignement", souligne André Picard.
Même si l'idée de devenir professeur ne s'est ancrée en lui qu'au cours de son doctorat à l'Imperial College of Science, Technology and Medicine de Londres - "J'avais toujours cru que c'était hors de ma portée" - André Picard a toujours aimé expliquer des choses. On imagine cependant avec un brin d'appréhension à quoi peut ressembler un cours de trois heures, donné par cet homme calme et posé, sur des matières aussi arides que les structures, les charpentes métalliques, la résistance des constructions ou le béton précontraint. "Dans la vie de tous les jours, c'est un homme plutôt réservé mais devant une classe, il explose, dit sa collègue et ancienne étudiante Josée Bastien. Il parle fort, il interpelle sans arrêt les étudiants, il transmet son énergie au groupe. Il y met beaucoup de passion et réussit à aller chercher la motivation des étudiants."
Son collègue et ex-étudiant Mario Fafard juge que ses deux grandes forces résident dans la clarté de ses explications et dans la passion pour sa matière qu'il réussit à communiquer aux étudiants. "C'est le meilleur professeur que j'ai jamais eu", résume-t-il.
Sur le qui-vive
André Picard a la dérangeante habitude de démarrer
ses cours par une question. "Je dis aux étudiants que tant que
quelqu'un ne se risquera pas, on n'ira pas plus loin. Même si la réponse
est à côté de la coche, les étudiants voient
que je les respecte." L'étudiant-chercheur Steve Gauthier, qui
a suivi deux cours avec André Picard pendant son bac, confirme: "On
sent qu'il n'est pas prétentieux, qu'il ne se pense pas supérieur
à ses étudiants. Et je ne dis pas ça parce qu'il dirige
mon mémoire de maîtrise."
Si, spontanément, André Picard aime expliquer les choses, il a cependant dû apprendre à les enseigner. "En janvier 1972, se souvient-il, à peine revenu de Londres, je me suis retrouvé devant une classe de 40 étudiants à présenter une matière autre que celle sur laquelle portait mon doctorat. Je me sentais plutôt insécure parce qu'à l'époque, les nouveaux professeurs ne recevaient aucune formation sur la manière de donner des cours. Pour compenser, j'ai beaucoup lu par la suite dans le domaine de la pédagogie."
Ses 27 années d'enseignement lui ont appris une leçon simple mais fondamentale: pour donner de bons cours, il faut bien les préparer. À long terme d'abord, en réunissant du matériel bien fait, et à court terme ensuite, en révisant avant chaque cours la matière à couvrir. "On dirait que chaque fois qu'il a la responsabilité d'un nouveau cours, il revoit de fond en comble la matière et il en fait un bouquin, dit Josée Bastien. Ça lui permet de s'approprier la matière et ça paraît dans son enseignement." De son côté, Mario Fafard lui reconnaît le flair d'avoir toujours su changer de cours avant que l'intérêt de le donner ne s'émousse. "Ça explique peut-être comment, après toutes ces années, il continue à enseigner avec autant de passion."
Savoir s'adapter
Au fil des ans, André Picard a appris l'importance de demeurer à
l'écoute de sa classe. "En tant que professeurs-chercheurs,
nous nous concentrons continuellement sur un même sujet et on oublie
parfois que ce n'est pas le cas des étudiants qui ont bien d'autres
matières à voir. Il faut sentir quand la classe décroche,
ne pas hésiter à revenir en arrière et éviter
de vouloir faire monter le niveau trop rapidement."
André Picard ne compte pas parmi ceux qui jugent les étudiants d'aujourd'hui moins bons que leurs prédécesseurs, mais il identifie toutefois quelques différences. "Règle générale, ils sont beaucoup plus visuels. Comme ils apprennent mieux par l'image, j'essaie de présenter beaucoup de matière avec des schémas, des diagrammes et, lorsque la situation s'y prête, des vidéos." Autre changement important, il sent les étudiants beaucoup plus inquiets par rapport à leur avenir. "C'est malheureux parce que ça mine une partie de leur énergie et de leur motivation."
Tous lui reconnaissent unanimement une caractéristique, qualité ou défaut selon le cas: il est exigeant. "Quand tu prends un cours avec André Picard, tu sais que ce ne seront pas des crédits donnés, dit Josée Bastien. Les étudiants paient pour apprendre quelque chose et ils en ont pour leur argent avec lui." Steve Gauthier compte au nombre des consommateurs bien servis. "Il demande beaucoup à ses étudiants et plus on avance dans nos études, plus il nous fait travailler. Ça pourrait aller sauf que le nombre de crédits qu'on va chercher pour ses cours n'augmente pas. Je lui en ai d'ailleurs déjà parlé parce que je sais qu'il est toujours ouvert à la critique."
Professeur mais aussi chercheur
Le premier étudiant-chercheur d'André Picard, Denis Beaulieu,
coauteur de deux des cinq ouvrages et aujourd'hui collègue de travail
au Département de génie civil, classe son confrère
parmi les professeurs de l'Université qui ont le mieux réussi
à équilibrer enseignement et recherche. "La qualité
de ses cours est presque légendaire à la Faculté mais
c'est aussi un excellent chercheur, fiable, compétent, très
rigoureux et extrêmement discipliné. Nous avons fait de la
recherche ensemble depuis 1978 et, sans être des stars, on formait
une des bonnes équipes au Canada dans le domaine des charpentes métalliques."
Aujourd'hui professeurs et chercheurs actifs, Mario Fafard et Josée Bastien mesurent mieux les compromis qu'André Picard a dû faire pour maintenir une grande disponibilité pour ses étudiants tout en poursuivant des travaux de recherche. "Certains professeurs se foutaient de nous, dit Mario Fafard, mais pas lui. Il nous recevait toujours comme si nous étions des gens importants." "Comme directeur de thèse, dit Josée Bastien, il était toujours prêt à m'écouter et il a toujours fait preuve d'honnêteté et de franchise. Il n'y avait jamais d'ambiguïté avec lui. Sous tous ces aspects, c'est un professeur exemplaire et un modèle à atteindre. Je ne suis d'ailleurs pas certaine de pouvoir y parvenir un jour."