3 septembre 1998 |
La recherche pourrait servir de stimulant pour cette plante très prisée des Asiatiques à cause de ses vertus tonifiantes et aphrodisiaques
Des travaux menés par des chercheurs du Département de phytologie pourraient favoriser l'essor de la culture du ginseng et même requinquer les populations sauvages de cette espèce en déclin au Québec. En effet, depuis quelques années, Alain Olivier et son équipe effectuent des essais de culture du ginseng, non pas dans des champs, mais bien en milieu naturel, dans des érablières.
Le ginseng à cinq folioles est une plante indigène au Québec qui possède des vertus tonifiantes et revigorantes semblables à celles du ginseng oriental. Selon les Chinois, le ginseng augmente l'énergie et permet de traiter les syndromes de déficiences et de "vides intérieurs". C'est un tonique de l'énergie vitale (Qi), un tonique du Yang, un tonique du Yin et un tonique du sang. Bref, rien que du bon.
Au XVIIe siècle, le ginseng était si abondant qu'il venait tout de suite après les fourrures dans l'économie de la Nouvelle-France. Mais la cueillette commerciale et les pertes d'habitats ont fait péricliter les populations sauvages. Au Québec, l'espèce ne compte plus que quelques dizaines de colonies naturelles qui totalisent tout au plus 10 000 individus. L'exportation du ginseng est maintenant contrôlée en vertu de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages en danger«Il est interdit de cueillir du ginseng sauvage pou la vente mais il existerait cependant un marché noir», signale Alain Olivier.
De la forêt à la forêt
Pour approvisionner les marchés asiatiques, des provinces comme l'Ontario
et la Colombie Britannique cultivent maintenant le ginseng dans des champs.
Comme il s'agit d'une plante de sous-bois qui exige de 70 % à 80
% d'ombre, sa culture au champ nécessite l'installation d'ombrières
en polythène ou en lattes de bois. Afin de rentabiliser ces coûteuses
installations, les producteurs maintiennent une densité élevée
de semis, ce qui favorise les maladies. "Pour protéger leurs
investissements, les producteurs utilisent beaucoup de fongicides et d'insecticides,
dit Alain Olivier. Le résultat est que le ginseng, recherché
pour ses vertus médicinales, est bourré de produits chimiques.
Devant cette situation, on s'est demandé s'il n'y avait pas une meilleure
façon de cultiver le ginseng qui serait originale au Québec."
La culture en forêt exige beaucoup moins d'infrastructures que la culture dans les champs, fait valoir Alain Olivier. Comme les arbres procurent toute l'ombre voulue à la plante, les investissements requis pour se lancer dans la culture forestière du ginseng sont à la portée de la plupart des propriétaires d'érablières, ajoute le chercheur.
La ruée vers l'or
Le cours de la racine de ginseng est sujet aux fluctuations des marchés
mais il peut atteindre 300 $ le kilo, ce qui en fait l'une des cultures
(légales!) les plus lucratives. L'âge, l'apparence et la texture
de la racine influencent le prix et tous ces paramètres sont déterminés
par les conditions de culture. Un kilo de graines génère
environ huit kilos de racines séchées mais il faut compter
de huit à dix ans de croissance avant que la racine n'atteigne une
taille adéquate pour la récolte.
Pour évaluer la faisabilité de la culture forestière du ginseng, le groupe d'Alain Olivier a effectué des tests dans un boisé de la ferme Joseph-Rhéaume à Sainte-Croix, sur l'Ile d'Orléans ainsi que dans les Bois-Francs. Même si, dans les conditions naturelles, l'espèce pousse dans des érablières situées beaucoup plus au sud, les plants de ginseng ont démontré un bon taux de croissance lorsque l'acidité du sol était bien contrôlée, ont révélé les travaux de l'étudiante-chercheure Isabelle Nadeau.
De tels renseignements sont indispensables pour que la ruée vers le ginseng, qui a frappé certaines régions du Québec, ne finisse en queue de poisson. L'année dernière, plus de 450 kilos de semences, vendus 130 $ le kilo, ont trouvé preneur chez les acériculteurs du Québec.
Isabelle Nadeau, qui a terminé sa maîtrise au printemps, a été aussitôt embauchée par le Centre local de développement de l'érable, à Plessisville, où elle met son expertise au service des acériculteurs tout en poursuivant un projet conjoint que l'Université Laval a entrepris avec le Centre.
Un coup de pouce à la nature
Parallèlement aux efforts de développement de l'agro-foresterie
québécoise, Alain Olivier et ses collègues Andrée
Nault, du Biodôme de Montréal et Sylvie Laliberté, de
l'UQAM, tentent de mettre au point un procédé de production
in vitro du ginseng. En milieu naturel, la reproduction du ginseng paraît
à ce point inefficace qu'on en vient à se demander comment
cette plante a pu devenir un symbole de vitalité. Moins de 1 % des
graines produites par un plant germent pour donner un rejeton.
Si on arrive à multiplier le ginseng in vitro, on pourra produire des plantules grâce auxquelles on repeuplera les colonies sauvages de ginseng. On espère ainsi contribuer à la sauvegarde de l'espèce sur le territoire québécois.