3 septembre 1998 |
L'AUTODESTRUCTION DE L'AUTORITÉ
Au nom du sens commun du commun des mortels, j'écris ces réflexions au sujet du concept de l'autorité tel que présenté à nos gradué(e)s par le professeur André Gounelle lors de la collation des grades au mois de juin dernier, sans aucune prétention à être - moi-même, je veux dire - une autorité dans la matière. En lisant son texte dans le Fil j'ai été quelque peu surpris d'apprendre que, selon ce théologien de la Faculté de théologie protestante de Montpellier, "l'autorité religieuse, celle de Dieu, celle de la Bible, celle des doctrines et celle de l'Église ... ne nous dicte pas ce que nous devons croire, penser et faire" ; l'autorité religieuse "ne soumet pas le croyant à une loi" mais fait de lui "un nouvel être appelé à inventer des paroles et des actions". En tant que croyant, je peux être d'accord avec le professeur Gounelle que la grâce ne fait pas de nous des esclaves mais plutôt des enfants de Dieu ; toutefois sa conception de l'autorité divine va beaucoup plus loin que cela, et revient à dire que nous ne serions soumis à aucune loi à part celle de notre propre pensée dans le domaine religieux.
Il est étonnant d'ailleurs qu'un théologien chrétien comme M. Gounelle n'ait pas cité les Saintes Écritures une seule fois dans son texte, notamment des passages comme celui de l'Évangile de Saint Jean où le Christ dit : "Si vous observez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour" (Jn 15,10) ou, quatre versets plus loin, "Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous prescris". Jésus Christ a l'air de nous dire quoi faire dans ces passages, ce qui est tout à fait cohérent avec sa déclaration que "Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre"" (Mt 28,18). Il lie même très clairement amour et respect de son autorité exprimée sous la forme de ses commandements, l'observation de ceux-ci étant présentée comme une condition pour l'amour.
Tout cela n'est pas sans raison. Aimer, c'est accepter l'autre tel qu'il est, pour ce qu'il est, et non pas pour ce qu'on peut en faire ou retirer soi-même. Lorsque l'autre c'est Dieu, cela veut dire accepter que c'est à Lui que nous devons notre existence même et qu'Il a donc le droit d'établir les règles du jeu. Dieu ne peut être ni imbécile ni injuste, sinon Il ne serait pas l'Être parfait. Ses préceptes sont par conséquent toujours pour notre bien et le fait de les suivre est une reconnaissance de la bonté et de la sagesse de notre Créateur. Loin de nous limiter ou de nous diminuer, l'observation de ses commandements nous grandit, et ici nous rejoignons monsieur Gounelle lorsqu'il fait allusion à l'étymologie des mots "autorité" et "auteur", qui comporte la notion d'accroître ou de fonder. C'est Dieu qui nous accroît en nous donnant l'occasion de faire nôtre, librement, la sagesse divine. Vouloir être l'auteur de ses propres commandements, c'est la destruction de notre vraie relation avec Dieu et de toute autorité véritable.