27 août 1998 |
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Depuis qu'elle a suivi, à l'Université Laval, son premier cours adoptant une approche féministe, Claudette Gagnon n'a pas cessé de traquer les stéréotypes sexistes partout où elle les rencontre: chez ses proches, dans la classe de 2e secondaire où elle enseigne, dans les séries télévisées. Elle a même consacré ses études supérieures à cette problématique. Dans sa thèse de doctorat intitulée Dynamique de la réussite scolaire des filles au primaire: une approche interactionniste, elle démontre que, dès le niveau primaire, il existe une culture sexiste qui nuit aux garçons et stimule les fillettes à l'apprentissage. Claudette Gagnon vient d'ailleurs de recevoir le prix en études féministes décerné conjointement par la Chaire d'étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes et l'université hôte du congrès annuel de l'ACFAS pour cette thèse en administration et politique scolaires.
Avant de retourner aux études, à 27 ans, Claudette Gagnon a brièvement gagné sa vie comme mannequin et décoratrice, deux métiers traditionnellement féminins. Elle dit y avoir ressenti avec acuité les effets pernicieux et néfastes de la ségrégation sexuelle et des stéréotypes sexistes. "Mon cheminement féministe est très simple, explique-t-elle. J'ai toujours essayé de combattre tous les stéréotypes sexistes que je rencontrais sans jamais être capable de définir ce qu'était un stéréotype ou le sexisme. Je ressentais un malaise mais j'étais incapable de l'exprimer. Je n'avais jamais entendu parler de ces notions à l'école.
"Quand j'ai suivi mes premiers cours féministes avec Pierrette Bouchard, professeure à l'Université Laval (Sciences de l'éducation), j'ai allumé!", poursuit Claudette Gagnon. "Pierrette Bouchard a été une figure marquante dans ma vie. Elle m'a permis de comprendre ce que j'avais vécu, elle m'a donné des outils pour faire de la recherche dans ce sens et elle m'a donné le goût et l'intérêt de poursuivre des recherches féministes."
Il y a cinq ans, après des études de 2e cycle couronnées de succès - son mémoire de maîtrise intitulé Le modelage du corps des femmes a été publié aux éditions du GREMF - Claudette Gagnon a entrepris sans tarder le doctorat. Elle dit avoir trouvé sa principalement source de motivation et d'inspiration chez ses quatre neveux et nièces qui commençaient l'école. Soucieuse de l'avenir de ses "enfants d'adoption", sensibilisée à l'éducation et préoccupée par les rapports de sexes, elle voulait comprendre pourquoi les filles réussissaient mieux que les garçons à l'école.
Un vide à combler
Toutes les statistiques le prouvent: dans les pays industrialisés,
les filles réussissent mieux que les garçons et obtiennent
en plus grand nombre leur diplôme. Ces écarts de réussite
scolaire (d'environ 10 points) s'observent dès le primaire. Depuis
quelques années, plusieurs chercheurs se sont penchés sur
ce phénomène indissociable du décrochage scolaire.
Mais jusqu'à présent, aucune étude n'avait tenté
de cerner le phénomène au primaire. C'est ce vide que Claudette
Gagnon a entrepris de combler. La chercheuse a observé et questionné
des élèves de 5e année, garçons et filles, issus,
à part égale, d'un milieu socio-économique favorisé
et défavorisé. "J'ai vérifié plein de choses:
la relation que les jeunes avaient avec l'école, avec les professeurs,
leur satisfaction personnelle par rapport à l'école, les relations
qu'ils avaient avec leurs amis, leur vision de l'avenir, leur perception
du sexe opposé", explique-t-elle. Elle a également effectué
des entrevues avec les parents.
Il est ressorti de cette enquête que les filles interrogées avaient de meilleures dispositions scolaires, qu'elles adoptaient des comportements et des attitudes qui favorisaient la réussite scolaire et qu'elles étaient plus motivées que les garçons. "Les filles aiment l'école, elles accordent de l'importance à la réussite scolaire et elles se valorisent par l'école, alors que les garçons se valorisent davantage dans la cour de récréation, en faisant du sport ou en faisant rigoler les amis", fait valoir Claudette Gagnon.
Selon Claudette Gagnon, les garçons évitent d'adopter un comportement similaire aux filles par crainte d'être jugés efféminés et de subir le rejet des pairs. Elle déplore cette attitude d'opposition à tout ce qui, dans l'esprit des garçons, rime avec féminité et leur interdit d'adopter des comportements de réussite scolaire. C'est pourquoi il lui apparaît fondamental de sensibiliser les jeunes, dès le primaire, aux stéréotypes sexistes afin de les sortir de ces carcans.
Aussitôt "sortie" de sa soutenance de thèse, Claudette Gagnon s'est trouvée d'autres occupations. Elle a donné plusieurs conférences, rédigé des articles, conçu un vaste projet-action de sensibilisation des jeunes aux stéréotypes sexistes et elle prépare la publication de sa thèse aux Éditions du Remue-ménage. Des projets d'avenir? Elle espère trouver un poste de professeur dans une université: "J'ai envie de transmettre ce que j'ai appris, de donner à d'autres le précieux bagage que mes études universitaires m'ont légué."