25 juin 1998 |
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En 1993, Fernand Hould a pris une retraite bien méritée. Après 35 années de travail où il a successivement été pédiatre au CHUL, professeur à l'Université, vice-doyen à l'administration à la Faculté de médecine, sous-ministre adjoint à la santé et aux services sociaux et directeur des affaires professionnelles à la Régie de l'assurance-maladie, il allait pouvoir s'arrêter, prendre le temps de vivre et penser un peu à lui. Aussi, quand il a annoncé aux membres de sa famille qu'il s'inscrivait à la maîtrise en histoire, personne n'a vraiment compris. "C'est un choix bizarre mais si ça t'amuse, fais-le", lui ont dit ses enfants.
La plupart des gens qui sont à la retraite ont une grande inquiétude, explique Fernand Hould. Ils veulent rester en forme physiquement et intellectuellement, d'où la popularité du bridge et des mots croisés. Certains en veulent plus et participent à des cours organisés pour les gens du troisième âge. "Toutes ces activités sont très bonnes mais je voulais m'engager dans une filière académique plus exigeante."
Fernand Hould s'intéresse depuis toujours à l'histoire. C'est d'ailleurs par le biais de la Société québécoise d'histoire de la médecine, dont il est membre depuis des lustres, qu'il a fait la connaissance de son directeur de mémoire, le professeur Jacques Bernier. Mais on n'entre pas à la maîtrise comme dans un moulin. Après évaluation de son dossier, l'Université l'a invité à suivre un cours compensateur de premier cycle, "Histoire du Canada" avec Réal Bélanger, question de l'initier à sa nouvelle discipline. "Je me suis retrouvé dans un amphithéâtre trop petit où une partie des 240 étudiants étaient assis dans les marches des escaliers. Autour de moi, je voyais des jeunes avec leur casquette à l'envers. C'est à ce moment-là que j'ai décidé de laisser tomber la cravate pour venir au cours." L'examen final, à jamais gravé dans sa mémoire, consistait à décrire les particularités des sept constitutions canadiennes. "Mémoriser beaucoup de matière était très exigeant. J'ai finalement obtenu un "A" dans le cours mais j'étais très fatigué après l'examen."
Malgré ses antécédents, le vice-doyen à la retraite n'a bénéficié d'aucun traitement de faveur à son arrivée à l'Université. "Je me suis mis en ligne, j'ai fait la file, j'ai rempli des formulaires, j'ai fait mon chèque et j'ai trouvé que c'était dispendieux." Inscrit à la maîtrise en septembre 1995, il choisit d'étudier le rôle joué par l'Institut canadien de Québec entre 1848 et 1898, au moment où l'institution effectuait le virage de bibliothèque privée à bibliothèque publique. "Je voulais mieux cerner le véritable rôle joué par l'Institut comme agent de promotion de la vie culturelle à Québec. Mon intérêt pour la question venait en partie du fait que l'arrière grand-père de mon épouse a été excommunié pour avoir été membre de l'Institut canadien de Montréal."
Les études de maîtrise conviennent bien au rythme des personnes plus âgées, dit-il. "Il n'y a pas de cours tous les jours et on fait les lectures et les travaux à notre propre rythme. Ça nous donne aussi la chance d'échanger des idées avec les professeurs et les autres étudiants." En prime, tous ces efforts conduisent à des résultats tangibles: des publications et un diplôme. Fernand Hould signe deux articles du numéro spécial de la revue Cap-aux-Diamants (juin 1998), consacré à l'histoire de l'Institut canadien, et des pourparlers sont en cours pour la publication d'un livre. Quant au diplôme qu'il est allé cueillir des mains du recteur Tavenas lors de la collation de grades de la Faculté des lettres, il a une valeur bien spéciale pour lui. "J'ai remisé tous mes diplômes de médecine mais celui-là, je l'ai fait encadrer et je vais l'installer sur le mur de mon bureau d'études. Il y a des gars qui ont leur coupe de golf, moi j'ai mon diplôme de maîtrise en histoire. C'est la preuve que j'ai gagné mon pari." Un pari contre le temps qui passe, reconnaît-il, mais surtout contre le désoeuvrement et l'oisiveté qui guettent les personnes qui vivent sans but.
Son nouveau défi? "Eh bien, j'ai décidé de ne pas faire de doctorat, laisse-t-il tombé à demi sérieux. Pour le reste, on verra. À 70 ans, on ne planifie plus pour bien des années à l'avance. Trois mois, c'est du long terme."
JEAN HAMANN
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