11 juin 1998 |
Le Musée du Québec propose en exclusivité plus de 150 oeuvres du père de la sculpture moderne
Le Musée du Québec ouvre grandes ses portes à Rodin. En exclusivité nord-américaine, l'exposition Rodin à Québec constitue un événement incontournable: plus de 150 oeuvres, des sculptures mais aussi des dessins, des gravures et des photographies d'époque qui retracent la fabuleuse carrière de celui que l'on surnomme le "père de la sculpture moderne". L'exposition, à l'affiche tout l'été, réunit pour la première fois des objets prêtés par le Musée Rodin à Paris (119) et quelques oeuvres importantes (36) provenant des collections canadiennes. John R. Porter, directeur général du Musée du Québec et professeur d'histoire de l'art à l'Université Laval, a dirigé l'ambitieux projet.
Rodin à Québec est de loin la plus importante exposition internationale que le Musée du Québec n'ait jamais connue, fait valoir John Porter. Il faut remonter en 1986, lors de l'exposition sur les Impressionnistes, pour trouver un équivalent dans l'histoire du Musée du Québec. Et encore, les tableaux avaient circulé au États-Unis avant d'être finalement détournés sur Québec. Avec Rodin, le Musée du Québec participe pour la première fois à la genèse d'une exposition internationale.
Un génie multiple
L'expoisition présente la plupart des oeuvres qui ont fait la renommée
de l'artiste français: Le Baiser, Le Penseur, L'âge d'airain,
L'Éternel Printemps, des maquettes de son chef-d'oeuvre inachevé,
Les Portes de l'Enfer. Mais, elle fait aussi la part belle à des
pans méconnus de sa carrière. "Nous avons voulu présenter
Rodin dans toutes ses dimensions, explique le directeur du Musée
du Québec: il y a Rodin le sculpteur et ses bronzes; Rodin dans ses
hésitations, son processus créatif, les plâtres, les
marbres; mais il y a aussi Rodin le dessinateur, que l'on connaissait moins."
L'équipe de John Porter désirait en effet traduire la complexité
et la diversité de l'artiste et de son oeuvre en évitant les
"schémas réducteurs".
Rodin à Québec est une imposante rétrospective de ce maître français de la fin du XIXe siècle qui rend compte à la fois de l'évolution de son oeuvre et de la grande variété des matériaux et des techniques qu'il a explorés. On a pas hésité à transporter de gros morceaux, parmi lesquels les troublants personnages du célèbre Monument aux Bourgeois de Calais. Il faut s'attarder à la Tête de Pierre de Wissant - un plâtre appartenant au Musée des beaux-arts de l'Ontario -, sans doute l'élément le plus intense de la salle consacrée aux Bourgeois. Autre pièce de taille, le Monument à Victor Hugo est exposé pour la première fois en sol nord-américain.
De l'idée au projet
Le projet Rodin est né il a trois ans, à Paris. Sans trop
d'espoir, John Porter expose alors son idée au directeur du Musée
Rodin: faire connaître Rodin au Québec, présenter quelques
oeuvres et profiter de l'occasion pour entreprendre une importante recherche
au Québec et au Canada afin de découvrir du matériel
nouveau sur le sculpteur. La perspective séduit le musée
parisien, particulièrement la possibilité de faire un inventaire
des pièces acquises par des collectionneurs canadiens. "Au
départ l'exposition devait être beaucoup plus modeste, se souvient
John Porter, pas de marbres, pas de plâtres, pas de Monument à
Victor Hugo. Le projet a grandi petit à petit, à mesure que
le Musée du Québec a démontré son sérieux."
Pourquoi Auguste Rodin? "Nous avons exploré toutes les possibilités et parmi les possibles il y avait Rodin, explique John Porter. Mais il faut savoir que le Musée du Québec a toujours accordé une importance considérable à la sculpture." En effet, le musée possède une collection de sculptures québécoises anciennes et modernes. "Pour mettre en valeur notre propre patrimoine, Rodin était un cas idéal", poursuit le directeur. D'ailleurs, parallèlement à la grande exposition Rodin à Québec le musée présente des oeuvres du sculpteur québécois Alfred Laliberté, mettant en lumière sa parenté avec le maître français.
Au public maintenant
Depuis qu'il a pris les rênes du Musée du Québec en
1993, John Porter a largement renouvelé l'image et le rôle
de l'institution. Rodin à Québec marque un tournant après
une longue phase de redressement et de redéfinition, explique-t-il.
"Cette exposition correspond à peu près au type de modèle
idéal que nous voulons développer et contribuera à
renforcer la crédibilité du musée. Nous tenions absolument
à démontrer que le Musée du Québec pouvait être
un grand musée d'art. Maintenant, nous faisons le pari que les gens
de Québec vont s'approprier leur musée et qu'ils seront prêts
à l'appuyer".
Ce n'est pas un hasard que le professeur de l'Université Laval soit à la tête du projet Rodin. John Porter est, de longue date, un homme de l'action et du changement. Comme professeur, comme conservateur, et comme directeur de musée, il a participé à des dizaines de projets: le catalogue sur l'Église catholique et les arts au Québec (1984); l'exposition Nouveaux regards, nouvelles perspectives: la peinture au Québec 1820-1850; un vaste projet de recherche, Un art de vivre, le meuble de goût à l'époque victorienne au Québec; des expositions sur Pellan et Riopelle.
John R. Porter est visiblement satisfait du travail accompli pour Rodin à Québec et confiant en l'avenir. Mais ses plus grandes joies, souligne-t-il, ont pour nom Yves Lacasse et Mario Béland. Les deux hommes, aujourd'hui respectivement conservateur en chef adjoint et coordonnateur du comité d'organisation de l'exposition Rodin à Québec ont été ses étudiants; ils sont aujourd'hui ses collègues!
L'expositon est présentée jusqu'au 6 septembre. Après quoi, les magnifiques objets d'art partiront pour une tournée d'un an au Japon. Pour cet événement muséal sans précédent, le Musée attend plus de 100 000 visiteurs.