11 juin 1998 |
À LA MÉMOIRE DE JEAN HAMELIN
Plus réservé que Léon Dion et Fernand Dumont, comme intellectuel engagé civiquement j'entends, Jean Hamelin n'en aura pas moins joué, au cours de sa carrière, un rôle tout aussi important que ses deux collègues sur les plans scientifique et académique. La disparition de ces trois hommes, en moins de treize mois, endeuille non seulement l'Université Laval comme institution mais tous ceux qui, de près ou de loin, ont été inspirés par les manières d'être, personnelle et professionnelle, de l'un ou l'autre de ces grands professeurs.
D'autres diront mieux que moi l'impact n'a eu Jean Hamelin sur le développement de l'histoire comme discipline au Québec et au Canada. D'autres encore, qui l'auront côtoyé ou connu comme confrère, collègue, professeur, patron de thèse, directeur de chantier de recherche et quoi encore, témoigneront de ses qualités et compétences indubitables.
Ce n'est pas sous ces chapeaux que je l'ai découvert et apprécié. Il fut longtemps une présence absente. Son nom apparaissait sur les livres que je lisais. Il était l'une des références incontournables de l'université où j'étudiais. Je ne le rencontrai personnellement qu'en 1981, peu de temps après avoir commis un article critique de son ouvrage L'Homme historien, coécrit avec Nicole Gagnon. Disons que l'article n'était pas tendre. J'avais vingt ans.
Je me rappelle cette première rencontre comme si elle avait eu lieu hier. C'était en classe. Les étudiants devaient se présenter à tour de rôle. En entendant mon nom, il esquissa un sourire. Le rebelle, l'impertinent, le jeune iconoclaste était devant lui. D'un mot, d'un regard, il aurait pu m'éconduire, me figer, m'éteindre pour toujours. Mais non. Son sourire fut bon. Comme à la fois paternel, chaleureux, réconfortant, presque complice. J'y trouvai instantanément prétexte à continuer dans ma voie.
Nombreux, je n'en doute pas, sont ceux qui, comme moi, ont été encouragés par Jean Hamelin à persévérer dans leur quête. Que cette recherche personnelle soit différente de la sienne, par ses postulats ou dans ses finalités, ne l'importunait pas. L'accomplissement des autres, leur bien-être, leur équilibre dans toutes les dimensions de leur vie étaient un désir ardent et sincère chez lui.
Jean Hamelin croyait fondamentalement en l'avenir et s'évertuait à le préparer du mieux qu'il le pouvait. Les chantiers qu'il a ouverts, les projets qu'il a lancés, les encouragements qu'il a distribués, les sourires qu'il a offerts ont été, pour lui, autant de manières d'assumer et d'exercer sa vocation de professeur d'université, un lieu d'investissement personnel qu'il refusait obstinément d'inféoder au joug de la banalité hypermoderne.
L'héritage qu'il laisse, de ce point de vue, à tous ceux qui ont eu la chance de croiser sa route, est une méditation intarissable sur le monde à bâtir, à respecter et à aimer.
LE 24 MAI, JOUR DU [NON] SOUVENIR
24 mai, Fête nationale du Fleur de lysé, drapeau du Québec. Il a désormais bel et bien cinquante ans. Comme le Refus Global, et comme la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. Cinquante ans: c'est la force de la maturité. C'est le temps qui presse. C'est celui égale-ment qui domine enfin les tergiversations. C'est le temps des grandes décisions. Celles que l'on qualifie d'irréversibles.
Avez-vous constaté toutefois combien cet événement passe complètement inaperçu ou peu s'en faut, année après année, alors que la Saint-Patrick fêtée au Québec, par exemple (et largement commémorée en anglais), constitue un véritable événement? C'est d'ailleurs tout à fait étonnant et ce par surcroît dans un État français comme le nôtre que les Irlandais fêtassent "leur jour"dans la langue du "conquérant" (l'Angleterre qui, à compter du XIIe siècle, fit violemment de l'Irlande un État du United Kingdom, pays dont elle "conserve" encore à ce jour les territoires de l'Ulster depuis lors nommés: Irlande du Nord - les événements tout récents, heureux certes, ne changent rien à l'histoire ni à l'Histoire). En gaélique au moins (ou a fortiori en français: langue de la terre d'accueil), on en saisirait toute la saveur histo-rique et la force affective... (mais il est vrai en revanche que les Québécois massivement fran-cophones de Floride ne se gênent pas pour procéder, quant à eux, à leur... Canada Fest !). L'amour des chaînes?
Nous Québécois, au calendrier des festivités annuelles, accordons une nette "suprématie" à cet événement du St-Patrick Day si on le compare, en effet, à celui qui commémore notre plus puissant symbole national... C'est à rien n'y comprendre. Au reste, même l'Halloween ou la fête de la... Reine d'Angleterre (sic et resic ) captent notre intérêt avec plus de vigueur. La reine... autre symbole de conquête guerrière celle obtenue sur la francité en Amérique, cette fois. Il n'y a pas jusqu'au 4 juillet, Independance Day des Étatsuniens, qui ne réussisse à accrocher notre mémoire plus aisément que "notre" 24 mai...
Quel peuple sommes-nous donc?
Mais sommes-nous même un peuple?
Ou un troupeau qui finira un trou dans la peau?
Il faudrait sans doute insérer un nouveau jour férié dans notre calepin: celui de la servitude volontaire. Je propose le 13 septembre. Jour où, en 1759, Montcalm s'éteignit sur le champ de bataille appelé Plaines d'Abraham. Ou sinon, pourquoi pas le 16 octobre? Nuit de 1970 lors de laquelle fut proclamée, par "le Québécois" Pierre-Elliott Trudeau, la Loi des mesures de guerre...
Oublieux comme nous sommes, nous n'oublierons certainement jamais l'oubli de soi.
T'AS DE BEAUX SEINS... ET PUIS APRÈS!
Tu as de beaux seins! Eh bien, tu n'es pas la seule! Il y a au moins 100 000 canadiennes qui ont aussi de beaux seins (Rapport Baines, 1992). Malheureusement, mère Nature avait oublié de te fournir cet attribut de la féminité, de même qu'à toutes ces femmes qui, comme toi, ne sont pas nées avec ce que l'on considère comme l'apanage de la beauté féminine. C'est plutôt le chirurgien qui est venu à la rescousse de mère Nature, là où elle n'avait pas été généreuse! Tu t'es réveillée le lendemain de l'implantation toute fière d'être enfin une femme plus acceptable par la société. Le petit problème, c'est que le chirurgien plasticien ne t'avait jamais informée que l'enveloppe de ta prothèse pouvait se fissurer et que le gel de silicone pouvait se répandre et avoir des effets nocifs importants. Les effets nocifs à court terme étaient décrits dans une brochure que le chirugien plasticien devait te remettre (Dow Corning Wright).
Par ailleurs, le chirurgien plasticien ignorait les séquelles à long terme de l'exposition au silicone. À qui la faute? À toute la communauté médicale qui a permis la mise sur le marché d'un produit dont la toxicité à long terme n'était pas suffisamment documentée.
Un recours collectif contre Dow Corning est sur le point d'être entériné. Des dédommagements, proportionnels aux effets secondaires diagnostiqués, seraient accordés aux femmes de l'Ontario et du Québec. Mais, connaissons-nous tous les effets secondaires reliés à une exposition à long terme aux silicones? Non.
Par exemple, parmi les Canadiennes porteuses d'implants, environ 25 % fument probablement la cigarette (Cook et coll., 1997). Alors, quel est l'effet cumulatif de l'exposition à la fumée de tabac et au silicone? Tu me répondras peut-être: "Pas rapport! Le silicone est dans mes seins et la fumée est dans mes poumons!" En tous cas, les scientifiques, eux, ont oublié de se poser la question. Les femmes porteuses d'implants en silicone ont un système immunitaire dysfonctionnel. Entre autres effets toxiques, le silicone entraîne une diminution de l'activité cytolytique des cellules NK (Campbell et coll., 1994). Ces cellules ont pour rôle de détruire les cellules tumorales formées dans l'organisme. Il est donc plausible, mais non démontré, que chez les femmes porteuses d'implants et fumeuses, le système immunitaire dysfonctionnel soit incapable de détruire les cellules devenues cancéreuses par la fumée de tabac et contribue ainsi à un développement plus rapide du cancer pulmonaire initié par le tabagisme.
La recherche sur la toxicité du silicone s'est heurtée à une polarisation de certains chercheurs en deux clans plus intéressés à démontrer leur option sur l'inocuité ou les effets nocifs du silicone qu'à déterminer son degré de toxicité. La polémique entourant la toxicité du silicone continue à servir des intérêts particuliers de moins en moins dissimulés. Encore trop peu de chercheurs ont exploré de façon objective les risques réels et étudié sérieusement les mécanismes d'immunotoxicité du silicone.
Tu as de beaux seins, oui, mais ne demande pas à la communauté médicale canadienne de t'en dire plus sur les conséquences possibles de ton exposition à long terme au silicone. Il est peu probable que les recherches sur le silicone progresseront au Canada. Les montants de subventions accordés sur la prévention du tabagisme ou la toxicité à long terme du silicone sont dérisoires. Pour les organismes subventionaires comme l'Institut National du Cancer (Société canadienne du cancer) ou le Conseil de Recherches Médicales du Canada, le problème de la toxicité du silicone a été résolu avec le moratoire de 1992 abolissant les implantations de prothèses contenant un gel de silicone!
Baines CJ, Arseneau J, Davis P and Smith DC (1992) Report on silicone gel-filled implants, prepared for the Department of National Health and Welfare, Canada.
Dow Corning Wright. Patient Information Booklet, breast implant.
Campbell A, Brautbar N and Vojdani A. (1994) Suppressed natural killer activity in patients with silicone breast implants: reversal upon explantation. Toxicol. Ind. Health 10: 149-154.
Cook LS, Daling JR, Voigt LF, deHart MP, Malone KE, Stanford JL, Weiss NS, Brinton LA, Gammon MD, Brogan D. Charcteristics of women with and without breast augmentation. J. Am. Medical Assoc. 277: 1612-1617, 1997