28 mai 1998 |
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La vie de Thomas O'Connell semble marquée par le chiffre deux. Sa culture, ses études, ses intérêts, son parcours professionnel et même sa petite famille portent le sceau de la dualité.
Né dans une famille anglophone de Québec, Thomas O'Connell a suivi l'itinéraire traditionnel des jeunes anglophones de la région, St-Patrick au secondaire et St-Lawrence au cégep, avant de se tourner vers le bac en éducation physique à Laval. "J'étudiais en sciences pures au cégep mais je ne me reconnaissais pas là-dedans. Par ailleurs, j'aimais beaucoup le sport et j'avais aussi des amis en éducation physique." Autre élément non négligeable dans son choix, son père, lui-même professeur d'éducation physique, avait, dit-il, "un rythme de vie intéressant".
Pour Thomas O'Connell, le choc de la rentrée universitaire s'est doublé de celui des cultures. "Même si je parlais français, c'était la première fois de ma vie que je n'étudiais pas en anglais. Les profs donnaient leur cours en français mais je prenais mes notes en anglais. Ça me venait naturellement. Heureusement que la plupart des examens étaient des tests objectifs!" Pendant son bac, ses compétences de joueur de tennis - un sport qu'il pratique depuis l'âge de cinq ans - lui permettent de décrocher un emploi d'enseignant dans un club de la région. Mais, au fil des mois, la raquette devient de plus en plus lourde à porter. "J'étais tanné d'enseigner six heures par jour et je me suis dit qu'il n'y avait pas de raisons pour que ce soit différent comme professeur d'éducation physique dans une école. J'ai donc décidé d'oublier l'enseignement et de continuer à la maîtrise."
Comme le domaine de la performance motrice humaine l'intéressait, il va frapper à la porte de la professeure Michelle Fleury, une spécialiste du domaine, pour lui manifester son intention de faire une maîtrise sur le tennis. "Elle a accepté tout de suite de diriger mon projet, dit-il. Elle avait déjà fait des études sur le tennis et je pense qu'elle en avait gardé de bons souvenirs." Encore fallait-il savoir quel aspect du tennis il allait explorer. "Un jour, j'ai eu un flash. Grâce à des lunettes d'occlusion - des lunettes qui permettent de bloquer la vue pendant la durée de temps choisie par l'expérimentateur -, j'ai réalisé qu'il était possible de déterminer jusqu'à quel point la capacité d'anticipation différait entre des bons joueurs et des joueurs moyens."
Il a donc étudié cette dimension du jeu en invitant des joueurs réputés pour leur volée et des joueurs moyens à s'installer près du filet et à prédire le coup d'un adversaire sans voir la balle. En effet, le son provoqué par le contact entre la raquette et la balle activait instantanément les lunettes d'occlusion. En observant la préparation d'un joueur posté de l'autre côté du court, le sujet devait appuyer le plus rapidement possible sur un bouton correspondant au coup anticipé (parallèle ou croisé, court ou long, lob). "Nous avons choisi d'étudier la volée parce que c'est un coup essentiel en tennis moderne et que les joueurs disposent d'à peine un quart de seconde pour l'effectuer."
Résultat? Les joueurs réputés pour leur volée répondent plus rapidement et ils prédisent avec plus de justesse le coup de leur adversaire même sans voir la balle. "La différence n'est pas très grande mais elle est là, dit Thomas O'Connell. Souvent, ceux qui enseignent le tennis insistent beaucoup sur la technique mais ils oublient de montrer comment les informations visuelles tirées de la préparation de leur adversaire permettent d'anticiper le coup qui vient. Il serait possible de monter un programme d'enseignement qui tienne compte de cette dimension du jeu."
Thomas O'Connell est sorti enchanté de son incursion dans le monde de la recherche. "C'était un défi pour moi et je suis content de l'avoir fait". En plus, l'expérience lui a permis de partager, avec ses confrères d'études, sa deuxième passion après le tennis: la musique. "Nous avons formé un groupe sans prétention, Blue Picnic Table, qui pratiquait dans un coin du labo." Après une longue journée de travail scientifique, les étudiants expérimentaient une tout autre forme de performance motrice humaine!
Deux fois plutôt qu'une
Même si la maîtrise lui a plu, Thomas O'Connell ne veut pas
s'engager dans un doctorat qui, en bout de ligne, le ramènerait à
l'enseignement. En janvier, il a donc entrepris une deuxième maîtrise,
en administration des affaires celle-là . "Je travaille six
mois par année pour Tennis Victoria. Je fais de la gestion, de l'administration
et des relations publiques. Je sentais le besoin d'acquérir une formation
en gestion. En plus, le MBA pourrait m'ouvrir bien des portes."
La partie la plus difficile de ce premier trimestre au MBA s'est déroulée à la maison: l'étudiant est père de jumeaux de 20 mois qui réclament beaucoup de temps, de soins et d'amour. Double vie, double horaire! "Ma conjointe est aussi aux études. Je m'occupe des enfants le jour et j'étudie le soir et la nuit!" Déjà, ses deux petits bonhommes se promènent avec des raquettes de tennis dans la maison. Thomas O'Connell, qui n'a pas joué au tennis depuis au moins deux ans, se promet bien de leur enseigner son art et sa science lorsqu'il trouvera un peu de temps à lui. Tout un programme double en vue!