28 mai 1998 |
La réforme des soins de santé provoquerait à la fois détresse psychologique et découverte d'un travail plus valorisant chez les infirmières de la région de Québec
La détresse psychologique serait à la hausse chez les infirmières de la région de Québec et la réforme des soins de santé ne serait peut-être pas étrangère à ce phénomène. Voilà ce que semble indiquer une étude menée auprès de 2 000 infirmières et infirmiers par trois chercheures de l'Université, Renée Bourbonnais (Réadaptation), Chantal Viens (Sciences infirmières), Chantal Brisson (Médecine), et leurs collègues Romaine Malenfant, Denis Laliberté et Michel Vézina de la Direction de la santé publique de Québec.
À l'automne 1997, 41 % des infirmières interrogées montraient des signes de détresse psychologique élevée, une hausse par rapport à la situation rapportée chez un groupe comparable d'infirmières étudiées en 1994 (28 %) et en 1995 (32 %), soit avant la réforme. Un peu plus du tiers des infirmières estimaient que leur état de santé était moins bon que l'année précédente. Par ailleurs, 35 % d'entre elles déclaraient avoir consulté un professionnel de la santé au cours des deux dernières semaines, soit 10 % de plus que la population en général. "Un tel degré de détresse désigne un groupe à risque d'avoir, à court ou à moyen terme, des problèmes de santé, estiment les auteures de l'étude. Toutefois, comme aucune autre recherche n'a mesuré la détresse psychologique auprès d'une population de travailleuses vivant des changements structurels aussi importants, il reste difficile de statuer sur le caractère de normalité, dans une situation de grande turbulence, d'une telle fréquence de détresse psychologique."
Tâches accrues, tâches nouvelles
Les infirmières rapportent, dans une proportion de 85 %, une très
nette augmentation de leur charge de travail; trois infirmières sur
quatre disent ne plus avoir suffisamment de temps pour faire leur travail.
Un pourcentage appréciable des infirmières estiment bénéficier
de moins de soutien social qu'auparavant de la part de leur supérieure
immédiate (59 %) et de leurs collègues (27 %).
Par ailleurs, les infirmières estiment que leurs nouvelles tâches favorisent l'acquisition de nouvelles compétences (78 %), une utilisation adéquate de leurs habiletés (80%), la liberté de décider comment faire leur travail (62 %) et la prise de décisions de façon autonome (81 %), soit autant de revendications traditionnelles du monde infirmier.
Les auteures de l'étude rapportent que "la détresse psychologique était plus fréquente chez les infirmières qui déclaraient une combinaison de demande psychologique élevée et de faible latitude décisionnelle, un faible soutien social au travail, le conflit de rôle et, au cours de la dernière année ainsi que depuis le début de la transformation du réseau, une augmentation de la charge de travail, une diminution de la latitude décisionnelle et du soutien social au travail."
Il n'est pas possible d'établir un lien de cause à effet entre la transformation du réseau de la santé et la santé des infirmières, préviennent les chercheures. Une autre étude, reposant sur les absences pour cause de maladie au cours des cinq dernières années, devrait permettre de mieux cerner les incidences de la réforme sur l'évolution de la santé des infirmières.