28 mai 1998 |
LE CÉLAT PERD SON FONDATEUR
Le fondateur du Centre d'études sur la langue, les arts et les traditions populaires des francophones en Amérique du Nord (CÉLAT), Jean Hamelin, est décédé le vendredi 15 mai, à l'âge de 66 ans. La nouvelle de sa mort a ébranlé tous les membres du CÉLAT. Les plus âgés ont eu l'occasion de travailler avec lui, d'autres ont profité de ses enseignements et les plus jeunes ont lu ses livres, dont plusieurs sont devenus des classiques de l'histoire du Québec. Parmi les plus connus, nous pouvons citer l'Histoire économique du Québec, 1851-1891, rédigé avec Yves Roby (1971), son Histoire du Québec (1976), vendu à plus de 20 000 exemplaires, l'Histoire du catholicisme québécois (1984) et le magistral Dictionnaire biographique du Canada (14 volumes parus) dont il a été le directeur général adjoint depuis 1973. Son plus récent ouvrage était consacré à l'Histoire de l'Université Laval: les péripéties d'une idée (1995).
Profondément attaché à la mission de recherche de l'Université Laval, Jean Hamelin a créé en 1976 le Centre d'études sur la langue, les arts et les traditions populaires des francophones en Amérique du Nord (CÉLAT) qui réunissait autour des Archives de folklore, trois groupes de chercheurs: les ethnologues du programme des Arts et traditions populaires, les linguistes du Trésor de la langue française du Québec, et les linguistes de l'Atlas linguistique de l'Est du Canada. Destiné à promouvoir la recherche multidisciplinaire sur la culture d'expression française en Amérique du Nord, le CÉLAT a été le premier centre de recherche en sciences humaines et sociales à voir le jour à l'Université Laval avec l'Institut supérieur des sciences humaines (ISSH), le Centre international de recherche sur le bilinguisme (CIRB) et le Centre de recherche en sociologie religieuse (CRSR), tous créés la même année.
Le CÉLAT a beaucoup changé depuis sa création. Il a grandi et il est devenu davantage multidisciplinaire: composé de huit membres et de deux disciplines au début, il compte maintenant seize membres représentant une dizaine de disciplines. De la francophonie nord-américaine, le CÉLAT a élargi ses horizons à la francophonie mondiale. Sa problématique de recherche a évolué de l'étude des faits identitaires vers celle des constructions identitaires. Après son départ, Jean Hamelin ne s'est jamais immiscé dans les affaires du CÉLAT, mais on pouvait toujours faire appel à lui pour solliciter aide et conseil.
Jean Hamelin réunissait un ensemble de qualités scientifiques et humaines rares. Homme d'équipe et d'innovation, il n'hésitait pas à se risquer sur de nouveaux terrains et à expérimenter de nouvelles méthodes de recherche. Son honnêteté à toute épreuve, sa modestie, sa générosité sans bornes et sa bienveillance toujours discrète nous serviront d'exemple et d'inspiration.
Nous avons tous perdu un savant et un grand humaniste. Il a été pour nous un fondateur et un phare. Nous voulons lui rendre hommage et exprimer nos condoléances à ses proches. Sa mémoire vivra encore longtemps parmi nous.
HOMMAGES À JEAN HAMELIN
Un autre géant qui s'en va
Un homme exceptionnel vient de disparaître. L'historien Jean Hamelin
est décédé à Québec, vendredi dernier.
Il avait été professeur à la Faculté des lettres
de 1957 à 1993 et, à l'instar de quelques autres géants
de sa génération, on peut dire de lui qu'il a marqué
son époque.
Jean Hamelin fut en effet un historien influent et un professeur unanimement loué, un chercheur de haut calibre et un animateur de recherche à la générosité proverbiale. Universitaire engagé, il n'a cessé durant toute sa carrière de défendre l'université dans ce qu'elle a de plus essentiel.
Historien qui rêvait de faire l'histoire sociale et économique du Canada et du Québec, il fut amené, comme bien des hommes et des femmes de son époque, à ouvrir plus large le champ de son enseignement et de ses recherches. Très tôt, son intérêt pour la formation des étudiants, notamment ceux de la maîtrise et du doctorat, lui fait prendre conscience du besoin de développer des instruments de travail à l'intention des historiens; ce sera pour lui l'une des façons de renouveler sa discipline. Qui ne connaît le Dictionnaire biographique du Canada, dont il aura été le maître d'oeuvre, et où se formeront des dizaines et des dizaines de futurs historiens?
Jean Hamelin fut aussi un professeur inoubliable, un éveilleur passionné qui pendant 34 ans a marqué des générations d'étudiants et n'a jamais cessé de les inviter au dépassement. S'il savait piquer leur curiosité, il avait l'art de leur inspirer le goût d'aller plus loin, de leur faire prendre conscience qu'ils pouvaient envisager une vocation de chercheurs dans un monde où une telle audace n'était pas courante. Et il le faisait avec une simplicité désarmante: les rapports avec cet homme étaient toujours agréables.
Pour faciliter la tâche des étudiants et les aider, combien de fois n'a-t-il pas créé lui-même des équipes de recherche, lancé des projets de publication, accepté de diriger des entreprises de recherche. C'est ainsi que ce semeur d'idées prend le relais d'un Luc Lacourcière et qu'il s'appuie sur les très riches Archives de folklore pour en faire, avec d'autres, le Centre d'études sur les lettres, les arts et les traditions populaires (CELAT). Ou qu'il réunit les sommes substantielles qui mèneront à la création de la Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d'expression française en Amérique du Nord (CEFAN).
À lui seul, Jean Hamelin aura conduit à la maîtrise 42 étudiants, et 34 au doctorat. Quand on sait aussi à quel point, à travers toutes ses entreprises, il tenait à garder le contact avec les étudiants du premier cycle, on comprend qu'à l'occasion du 50e anniversaire de la Faculté des lettres, en 1987, ses collègues l'aient désigné comme LE professeur par excellence.
L'université dans laquelle Jean Hamelin fut engagé en 1957 devait connaître des bouleversements profonds. Conscient comme peu le sont de la fonction du professeur, de son rôle et de l'immense responsabilité qu'il partage collégialement avec ses pairs, Jean Hamelin fut aussi un universitaire engagé. Avec quelques collègues, il devait fonder l'Association des professeurs de l'Université Laval, créer la revue Forum universitaire et inspirer de multiples façons la réflexion de son milieu sur l'idée d'université et sur la place qu'y détiennent - ou qu'y devraient détenir - ceux et celles qui y font métier de professeur. Lui-même l'exerçait, ce métier, dans un esprit de collégialité qu'il a su faire partager avec son milieu, et avec un sens de la responsabilité dont il voulait qu'il devienne le signe distinctif de la communauté universitaire.
Mais son engagement ne s'arrêtait pas aux portes de l'université. Les avis de Jean Hamelin étaient recherchés; là aussi il ne ménageait pas sa peine s'il croyait pouvoir rendre service aux personnes et aux organismes qui le sollicitaient. Chacun était toutefois avisé, s'il ne les connaissait pas déjà, des crédos personnels de Jean Hamelin et de ses exigences éthiques. Et, trait qui décrit bien l'homme, il arrivait souvent que la consultation se termine par l'engagement d'un étudiant pour prendre le relais!
Une des dernières grandes oeuvres de Jean Hamelin aura été l'Histoire de l'Université Laval. Les péripéties d'une idée (PUL, 1995). Conscient des risques d'une telle commande, il l'avait acceptée non sans modestie, en ayant à l'esprit les lecteurs que nous sommes. Il faut relire son avant-propos: l'historien humaniste s'y manifeste totalement, avec son respect de la vérité et son esprit tout en nuance. "Le narrateur que je suis, ajoute-t-il, s'en tient à planter un décor, dresser des cartes et fournir l'information susceptible d'amener le lecteur à se faire une idée personnelle sur les acteurs et les enjeux. En d'autres termes, de construire dans son imaginaire ce qui pourrait bien être une tout autre histoire" (p. XII).
Un bâtisseur vient de nous quitter, qui ne laisse que des amis. Jean Hamelin en effet était un être attachant, un homme de coeur unanimement respecté, un intellectuel chez qui rien n'était surfait. Sa présence si marquante, son engagement et son exemple continueront longtemps de nous rappeler sa mémoire.
POUR UN NATIONALISME CIVIQUE
L'avez-vous lue? Il paraît que 99 % des Québécois n'ont pas lu la Déclaration de Calgary. Je suis dans le 1 % qui en a pris connaissance. Ce texte devrait être distribué à tous les Québécois, quelle que soit leur allégeance politique. Ils pourraient se faire une idée sans attendre que certains politiciens interprètent le document à leur façon, c'est-à-dire pour le détruire. Car nous sommes capables de penser, nous aussi, les gens ordinaires.
En la lisant, j'ai remarqué la brièveté de la déclaration, de même que sa concision. Voici l'énoncé de l'article 5: "Dans ce régime fédéral, où le respect pour la diversité et l'égalité est un fondement de l'unité, le caractère unique de la société québécoise, constitué notamment de sa majorité francophone, de sa culture et de sa tradition de droit civil, est fondamental pour le bien-être du Canada. Par conséquent, l'Assemblée législative et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger le caractère unique de la société québécoise au sein du Canada et d'en favoriser l'épanouissement."
Quelle ne fut pas ma surprise de constater que nos gouvernements ont toujours eu ce souci constant! Bien avant cette déclaration, nous, les Québécois, étions préoccupés de notre culture. La Loi 101 en est un exemple flagrant. Nous avons réussi à maintenir notre langue française au milieu d'une mer anglophone. De sorte que maintenant, il faut s'attacher à la qualité de la langue française, sa survie étant assurée par nos structures linguistiques et politiques. Bien parler le français est une décision personnelle et non politique. Bannir le joual et les anglicismes devrait être notre priorité quotidienne.
Le snobisme qui fait l'apologie d'une "parlure québécoise" est une offense à notre capacité de faire nôtres les raffinements de la langue de Molière. La fierté de sa langue n'est pas la marque d'un esprit colonisé, mais reflète la conviction d'appartenir à la grande famille francophone de la planète. C'est aussi le besoin d'être compris par nos auditeurs, qu'ils soient d'Afrique, de Belgique ou de Monaco.
La Déclaration de Calgary, entérinée ou pas, ne nous empêche nullement de poursuivre notre chemin dans le Canada. On ne devrait pas en faire tout un plat. Seuls les séparatistes veulent en faire l'objet d'éternelles discussions qui ne finiront jamais. Cela fait par partie de leur stratégie qui consiste à mettre la faute sur les autres pour tout ce qui ne va pas au Québec. La majorité des Québécois se fichent de la déclaration, pour ne pas dire plus.
Les subtilités de la langue française ne réussiront jamais à se traduire avec exactitude dans la langue de Shakespeare. De sorte qu'on trouvera toujours à redire sur tous les énoncés (déclarations) et sur toutes les traductions. Cela ne finira jamais. Je regarde nos voisins américains où se pratique le "nationalisme civique", et je constate qu'ils ont beaucoup à nous apprendre. De quel oeil verraient-ils un État comme la Californie qui voudrait faire sécession parce qu'il compte beaucoup d'hispanophones? Ce qui fait la grande force des États-Unis, c'est l'union indéfectible des 51 États. Plusieurs États pratiquent encore la peine de mort - que je trouve très barbare - et d'autres États l'ont abolie. Il y a des diversités d'applications des lois dans plusieurs états et le tout fonctionne très bien. Car les Américains pratiquent un nationalisme d'inclusion contrairement à certains (pas tous) Québécois qui vivent un nationalisme ethnique.
J'espère qu'on ne perdra pas encore un temps précieux à ergoter sur les mots, les virgules et le "caractère unique". Nous n'avons pas besoin de faire l'exégèse du texte et de vouloir embrigader tout le monde à notre suite. Vouloir piéger les autres m'apparaît une tactique astucieuse, malhonnête et tordue. Cela n'amuse que les séparatistes déconnectés des vrais problèmes actuels qui sont: l'emploi, la santé, les B.S., les pauvres, les analphabètes, etc. Quand donc aurons-nous la paix et quand cesseront les discussions sur les prétendues persécutions et affronts des autres provinces du Canada? Plusieurs Québécois, dont je suis, en ont ras le bol de se faire ennuyer par quelques séparatistes obsédés par le Constitution canadienne. Et puis, s'ils n'aiment pas vivre dans le Canada, personne ne les oblige à y vivre et à y rester jusqu'à leur mort.
Mon souhait le plus cher, et celui de plusieurs Québécois, c'est qu'on en finisse avec les référendums, avec les sempertinelles discussions sur les questions de foyer culturel, société distincte, caractère unique. Toutes ces choses, dont nous n'avons pas besoin pour vivre... notre identité québécoise. Que le Québec devienne enfin libre.
RÉPLIQUE À MARC BOUTIN
À M. Marc Boutin, étudiant du 3e cycle en géographie:
Dans la section "Courrier" du Fil du 14 mai dernier, vous parlez de problèmes d'image au Département de géographie pour ses fêtes de 50e anniversaire. Je trouve cependant que votre critique est un peu dure envers les professeurs. Vous harponnez l'ensemble du Département, ce qui me semble injuste pour plusieurs professeurs. Vous auriez dû cibler un peu mieux le problème car là, vous nuisez à l'ensemble d'une organisation qui, à mon avis, fait des efforts pour offrir un enseignement de qualité.
Moi, je reste avec une fierté d'y avoir fait mon baccalauréat. Plusieurs des professeurs que j'ai connus sont encore là et je ne renie, ni ne regrette, les connaissances qu'ils m'ont procurées. Lorsque j'ai fait ma maîtrise en administration, j'ai eu affaire avec quelques-uns de ces professeurs, dont des nouveaux. Ils m'ont toujours bien accueilli et bien renseigné. De plus, je crois qu'ils oeuvrent pour garder l'intégrité de la discipline. Ils continuent à faire fonctionner la Société de géographie et ils s'impliquent aussi ailleurs dans la communauté environnante avec des positions valables et honorables. Lorsqu'on circule dans les corridors où la Direction est logée, au pavillon Charles - De Koninck, on voit un tableau où sont affichées les photographies des diplômés du baccalauréat. Il me semble que les visages des étudiants affichent un air de fierté. Je regrette, mais je ne pouvais pas laisser passer votre article sans réagir.
HEUREUX SPORTIFS!
Lorsque quelqu'un va au PEPS, il peut s'attendre à un très bon service de la part des employés qui sont au comptoir de service. Il y a quelques années, les comptoirs de service étaient situés à l'intérieur des vestiaires masculin et féminin. Depuis 1995, il n'y a plus qu'un seul comptoir situé dans le corridor de l'entrée principale. Plus de service à moindre coût puisque le client sportif peut obtenir une multitude de services et que l'employeur a coupé de moitié le personnel.
Pourtant, même si les tâches du préposé au comptoir de services se sont multipliées par dix et que ses responsabilités ont elles aussi augmenté, il n'en reste pas moins que les mêmes salariés, comme bien d'autres à l'Université, ont été rétrogradés dans les soi-disant négociations sur l'équité salariale. En plus de voir leur salaire gelé, ils ont eux aussi perdu le surplus actuariel de leur fonds de pension.
Bien sûr, diront les sportifs, ce sont nous les consommateurs, nous payons pour un service et nous sommes en droit d'avoir et d'exiger un bon service. N'ayez crainte, les sportifs continuent d'être bien servis puisque l'employeur sait très bien que ses employés font et continueront de faire les tâches pour lesquelles ils ne sont pas payés ainsi que les tâches pour lesquelles ils sont sous-payés. L'engrenage fait que nous sommes tous prisonniers de notre travail. Il faut manger, se loger, etc. Syndiqué ou non, un travail reste un travail.
Nous croyons que notre poste comporte beaucoup plus de responsabilités qu'un poste d'employé d'entretien ménager et autant de responsabilités qu'un poste de réceptionniste. Pourtant, nous avons le même classement que les employés d'entretien ménager et de la buanderie. Nous gérons les clés de locaux où est entreposé du matériel de valeur, nous avons la responsabilité d'équipement audiovisuel et de la caisse enregistreuse, sans parler de la gestion des paniers sur ordinateur, du paiement direct, des demandes de renseignements téléphoniques des clients et l'acheminement des différents équipements sportifs qui viennent du gros magasin où un poste de magasinier a été aboli. C'est gratifiant de servir le public, mais à quel prix?
Ceci n'est pas une comparaison mais plutôt des faits réels car nous ne sommes pas cons par raison. Quand récupérerons-nous notre manque à gagner et le sentiment de fierté que nous avions de travailler à l'Université Laval?