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14 mai 1998 ![]() |
"Bien que plusieurs efforts soient déployés pour rétablir les conditions de travail enviables qui ont prévalu durant les dernières décennies, nous devons constater qu'ils sont de plus en plus infertiles. Le travail, tel que nous l'avons connu, est en crise. En dépit du fait que les jeunes sont particulièrement affectés par la désorganisation du marché du travail et le rétrécissement des possibilités d'embauche, d'autres tranches de la population sont maintenant touchées par le problème; un problème qui progresse et qui sème le désarroi et l'incertitude. Ce phénomène, très inquiétant, nous semble toutefois souhaitable pour réinventer, en partie du moins, ce système en perte d'efficience."
Geneviève Fournier et Bruno Bourassa, du Département d'orientation, d'administration et d'orientation en éducation de la Faculté des sciences de l'éducation ont livré le fond de leur pensée sur les 18-30 ans et le marché du travail, à l'occasion d'un colloque qui se tenait sur le sujet, le mardi 12 mai, dans le cadre du 66e Congrès de l'ACFAS.
La réflexion de ces deux professeurs, qui s'inscrit à l'intérieur des activités du Centre de recherche sur le développement de carrière (CERDEC) de l'Université Laval, les a fait se pencher d'abord sur le contexte économique et l'évolution du marché du travail: "Trois transformations du marché du travail ont particulièrement affecté les jeunes adultes de 18-30 ans et leur rapport au travail. Il s'agit de l'apparition des formes d'emploi atypiques, du développement exceptionnel des technologies et du déplacement massif de la main-d'oeuvre vers le secteur tertiaire", ont-ils remarqué avant d'élaborer sur chacune desdites mutations.
Entre la marge et la norme
Selon Fournier et Bourassa, les jeunes de 18-30 ans semblent par ailleurs
les plus durement touchés par la montée du chômage dans
la quasi-totalité des sociétés industrialisées
où l'emploi salarié typique est inexorablement en déclin.
"En plus d'assister à une baisse du nombre d'emplois disponibles,
on constate également une détérioration inquiétante
des conditions dans lesquelles sont exercés ces emplois. En fait,
la structure du marché du travail et, du même souffle, la place
faite à ces jeunes, amènent un nombre grandissant d'entre
eux, travailleurs ou non, à s'inscrire dans un processus de marginalisation
apparent ou déguisé c'est selon et, dans le pire
des cas, d'exclusion professionnelle et sociale", ont-ils commenté.
Dépouillé de ses balises habituelles, le rapport au marché du travail des 18-30 ans soulève alors nombre d'interrogations "existentielles" qui ont servi de toile de fond aux discussions entre les participants du colloque: qui se situe dans la norme, qui se retrouve dans la marge par rapport au marché du travail? Qu'advient-il lorsqu'il se trouve plus d'individus dans la marge que dans la norme prescrite, lorsque la majorité devient déviante?
Du neuf avec du vieux?
Il est important, aux dires de Geneviève Fournier et de Bruno
Bourassa, que la crise du travail actuelle soit vécue assez intensément
pour susciter la ferme intention d'un changement., car celle-ci ne peut
être résolue par le rétablissement des conditions antérieures...
une stratégie utilisée jusqu'à maintenant par les Québécois
et les Canadiens pour "rétablir" la situation. "Dans
le présent contexte, il nous apparaît essentiel que des solidarités
s'établissent entre ceux et celles, jeunes et moins jeunes, qui vivent
cette crise, de manière à travailler ensemble à l'élaboration
de nouvelles formes de rapport à l'emploi et à la société
en général", ont-ils souhaité.
"Devant l'ampleur du débat entourant la place et les significations tant personnelles que sociales du travail, il est étonnant de constater le peu de recherches québécoises récentes traitant de la signification que prend le travail spécifiquement pour les jeunes", ont d'autre part déploré les deux chercheurs de l'Université Laval.