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14 mai 1998 ![]() |
Jusqu'au 31 mai, les finissantes et finissants en arts plastiques de l'École des arts visuels donnent l'heure juste en présentant les oeuvres les plus significatives de leur production artistique.
En 1862, au Salon des Refusés, à Paris, le peintre Édouard Manet avait fait un scandale avec Le déjeuner sur l'herbe, toile qui se distinguait par son non-conformisme et son audace par rapport à l'académisme de rigueur à l'époque. En fait, ce n'est pas du tout un hasard si les organisatrices de l'exposition des finissants et finissantes en arts plastiques ont choisi le célèbre tableau de Manet pour afficher les couleurs de cet événement artistique placé sous le thème "Quel art est-il?" Mais attention: en y regardant de plus près, on s'aperçoit que la toile de Manet est un "faux", ayant été trafiqué de main de maître par Sheila Couture, elle-même finissante, qui a intégré dans cette scène bucolique des éléments "modernes" relatifs à la création comme, par exemple, le casque de soudeur qui coiffe l'un des jeunes hommes et la scie mécanique utilisée par l'une des deux figurantes.
Stalactites et tornades
" Regroupant plus de 160 oeuvres réalisées par une quarantaine
de finissants, cette exposition d'art actuel célèbre de façon
éclatante les artistes de la relève, explique Sheila Couture.
Pour le public, c'est l'occasion par excellence de venir voir ce qui se
fait de nouveau dans le domaine de l'art. Pour les artistes, l'événement
concrétise de façon professionnelle plusieurs années
d'apprentissage et de travail." Dans cette exposition peésentée
dans 11 salles de l'Édifice La Fabrique, Sheila Couture propose elle-même
une installation des plus déroutantes, intitulée Stalactites.
Du plafond pendent ainsi de longues poches de plastique cousues dont les
extrémités sont remplies de ciment. Balançant entre
le lourd et le léger, ces curieux stalactites laissent passer la
transparence du jour. "J'ai voulu recréer l'atmosphère
des cavernes", explique l'artiste.
Dans un autre registre, Johanne Huot présente 52 sculptures de papier journal, qui prennent des allures de tapis tressés sur lesquels on a envie de marcher. Feuille par feuille, l'artiste a tordu et enroulé le papier, avant de le huiler et d'en faire des "soleils". Le résultat est étonnant et odorant: en effet, cette oeuvre originale laisse échapper des effluves d'imprimerie qui chatouillent les narines. Johanne Huot présente également un saisissante sculpture de papier journal qui évoque à la fois une véritable tornade croquée sur le vif en même temps que la silhouette d'une momie morte-vivante. Manon Patry, elle, propose de magnifiques sculptures représentant des "états de femme": femme-loup, femme-caméléon, femme-serpent, femme aux ailes brisées, etc. Juste à côté, on peut voir L'Ébauche, une magnifique sculpture en bois illustrant de manière dramatique la mise au monde et la déchirure. Signée Céline Blouin.
Commandes spéciales
Il y a aussi les tableaux transparents et aériens de Marcia Maria
Lorenzato, les fabuleux portraits plus vrais que nature de Chantal Lajoie
(ne manquez pas L'étrangère) et les émouvantes sculptures
"ouvertes aux signes" de Carmen Lambert. Bien sûr, il serait
fastidieux d'énumérer tous les travaux faits par ces finissantes
et finissants qui ont choisi la voie royale de l'art pour s'exprimer. Chose
certaine, le talent et l'audace hantent les salles de cette exposition qui
sort sans contredit des sentiers battus. Nouveauté au programme:
cette année, chaque finissant avait à répondre à
une commande: créer un "standing bar" s'inscrivant dans
la ligne de leurs travaux et qui serait à la mesure de leur imagination
fertile. Sous la contrainte, les artistes ont ainsi réalisé
des objets originaux, sur lesquels il vaut certainement la peine de s'accouder,
ne serait-ce que pour le geste lui-même.
Directrice du programme de baccalauréat en arts plastiques à l'École des arts visuels et professeur en arts plastiques, Henriette Cyr précise que l'année 1998 des finissantes et finissants se distingue par la qualité et la diversité du travail accompli. "Les étudiants ont rivalisé d'audace pour faire de l'exposition un événement en soi, affirme-t-elle. Ce qui frappe, c'est l'énergie, la ferveur et l'enthousiasme qui se dégagent de leur production artistique. Ces jeunes ont la foi: cela augure bien pour la nouvelle génération d'artistes."
L'exposition "Quel art est-il" a lieu jusqu'au 31 mai, à l'Édifice La Fabrique, 255, boulevard Charest Est. Les heures d'ouverture sont du lundi au vendredi, de 11 h à 17 h et le samedi et dimanche, de 13 h à 16 h. Stationenment à l'arrière par la rue Sainte-Hélène.