14 mai 1998 |
Une étude démontre que la soi-disant expertise des habitués des pistes de course ne serait que de la poudre au museau.
"Indian Charlie" est-il bien remis de sa dernière sinusite? Comment les chevilles fragiles de son compagnon d'écurie, "Real Quiet", se comporteront-elles sur la piste détrempée? "Victory Gallop" parviendra-t-il à chasser la guigne qui l'accable depuis deux mois? "Silver Charm" verra-t-il sa séquence victorieuse prendre fin ce soir alors qu'il affrontera "Golden Carrot", dont le grand-père, "Spectacular Bid", a remporté le Derby du Kentucky en 1979?
Voilà le genre de questions qui trottent chaque jour dans la tête des parieurs "professionnels" qui fréquentent les hippodromes. "Ces personnes peuvent passer des heures à étudier un programme de course et, grâce à leurs connaissances sur les performances antérieures des chevaux et grâce à leur "système", ils croient être en mesure de choisir les chevaux qui leur rapporteront des gains importants, explique Robert Ladouceur de l'École de psychologie. Or, l'étude que nous venons de compléter montre que, dans les faits, leurs gains ne dépassent pas ceux obtenus par quelqu'un qui s'en remet au hasard pour choisir les chevaux sur lesquels il mise."
Le pif vaut l'"expertise"
Robert Ladouceur raconte que les parieurs à qui il présente
ces conclusions "ne le prennent pas". En effet, ceux-ci sont convaincus
que leur science leur confère un atout sur les néophytes
qui se pointent occasionnellement aux courses et qui choisissent au pif
les canassons sur lesquels ils parient. Pourtant, les résultats de
l'expérience qu'il a réalisée avec Isabelle Giroux
et Christian Jacques prouvent le contraire.
Les trois chercheurs ont comparé, pour plusieurs centaines de courses, les gains obtenus par des parieurs "professionnels" avec ceux obtenus par une personne qui misait au hasard. Or, même si les experts parviennent à choisir le cheval gagnant plus souvent que ceux qui misent au hasard, ils ne gagnent pas plus d'argent pour autant, rapportent les chercheurs dans la dernière édition de The Journal of Psychology . "Ceci s'explique par le fait que la bourse de chaque course (montant fixe) est partagée entre tous les parieurs qui ont choisi le cheval gagnant, dit Robert Ladouceur. Le système utilisé par un "expert" ne peut pas être un choix au hasard, ni le choix du cheval favori, publié dans les quotidiens, parce que miser sur le favori n'est pas payant. Ce qui rapporte beaucoup, c'est d'y aller pour un cheval que personne ne voit vainqueur. Mais, ces long shots ne surviennent pas souvent."
Chaque cheval a une probabilité différente de l'emporter parce qu'il y a des meilleurs chevaux et de moins bons chevaux, concède le chercheur. Mais, malgré le fait que la connaissance des chevaux donne aux parieurs l'impression de savoir comment miser pour obtenir des gains importants, les courses de chevaux sont un jeu de hasard, insiste-t-il. "L'information dont une personne dispose sur les chevaux n'a pas d'influence sur ses gains. D'ailleurs, si le contraire était vrai, les experts pourraient améliorer leurs choix et éventuellement faire beaucoup d'argent. À ma connaissance, il y a bien peu de personnes qui sont devenues millionnaires en pariant sur des chevaux."