30 avril 1998 |
Depuis quelques mois, Jean-Philippe Therrien est devenu un habitué du Sud. À la fin mars, il s'est offert un séjour à la Nouvelle Orléans et en juillet, il passera quelques jours à Snowbird au Utah. Pourtant, l'étudiant-chercheur n'a lui-même rien d'un snowbird. Son teint pâle, typique des gens à chevelure rousse, le prédispose peu aux longues heures sous le soleil. «Effectivement, les gens qui, comme moi, ont moins de mélanocytes (les cellules de la peau qui produisent la mélanine, un pigment qui protège contre les UV), ont moins de protection naturelle. Malgré tout, j'aime aller au soleil mais je sais que je suis très à risque. Mes travaux de recherche m'en font prendre davantage conscience.» Ce ne sont pas les plages, la chaleur et le soleil qui entraînent Jean-Philippe Therrien vers le Sud cette année mais bien les congrès scientifiques. Grâce à ses travaux originaux sur les dommages causés à l'ADN par les rayons ultraviolets, l'étudiant-chercheur au doctorat à la Faculté de médecine a mérité, coup sur coup, deux bourses pour participer à d'importants congrès présentés aux États-Unis.
La première, la bourse Glaxo Wellcome Oncology, lui a été attribuée par l'American Association for Cancer Research. C'était la première année que cette bourse était remise à un étudiant de nationalité autre qu'américaine. «Il y avait 3 000 étudiants-chercheurs éligibles et l'Association a distribué 20 bourses», précise-t-il. La cérémonie à l'intention des récipiendaires restera à jamais gravé dans sa mémoire. Dans le cadre de ce congrès monstre, auquel participent 9000 personnes, les organisateurs avaient préparé une soirée spéciale, au sommet du Hilton de la Nouvelle Orléans, à laquelle étaient conviés les 20 récipiendaires, la Nobel de médecine Gertrude Elionn et la haute gomme de Glaxo Wellcome. «Il y avait là des gens très importants», résume Jean-Philippe Therrien, encore quelque peu intimidé par tout ce faste. L'autre bourse, qui lui permettra de s'envoler vers Snowbird, l'amènera au Congrès annuel de l'American Association for Photobiology. Là encore, les organisateurs ont jugé que l'étudiant, qui appose son nom sur trois communications, avaient des choses suffisamment intéressantes à raconter pour qu'on lui donne un coup de pouce.
Originaire de Charlesbourg, Jean-Philippe Therrien a d'abord étudié la biochimie à Sherbrooke. À la dernière année du bac, un stage en laboratoire le convainc qu'il possède les aptitudes et l'intérêt pour poursuivre en recherche. «J'aime le défi qui est associé à la recherche. En plus, apporter de nouvelles connaissances en sciences est très gratifiant. Si tu sens que tu as le potentiel et l'intérêt pour aller plus loin, il faut foncer.» Une annonce trouvée sur le babillard de son département lui apprend qu'un chercheur de l'Université Laval, Regen Drouin du Centre de recherche du CHUQ (pavillon Saint-François d'Assise), recrute des étudiants pour ses travaux sur le cancer et les rayons UV. «Tout ce que je savais est que je voulais étudier la génétique moléculaire et le domaine de recherche de M. Drouin me permettait de le faire. Le fait qu'il travaillait sur le cancer de la peau était secondaire même si, à cause de mon teint, je me sentais concerné. Disons que c'était une source supplémentaire de motivation. Jusqu'à maintenant je suis heureux d'avoir pris la décision de continuer en recherche. Ça me passionne et il n'y a pas un seul jour où je viens à reculons au travail.»
Inscrit à la maîtrise à l'automne 1995, l'étudiant-chercheur fait rapidement montre de prédispositions pour la recherche. Ses premiers résultats sont encourageants au point qu'on lui propose le passage direct au doctorat. «Je n'ai pas eu à rédiger de mémoire de maîtrise, ce qui m'a fait économiser beaucoup de temps. C'est une formule de plus en plus populaire en médecine.» Ses recherches visent à cartographier les dommages particuliers causés à l'ADN par l'exposition aux rayons UV. Ce qui semble particulièrement frapper les organismes qui lui ont offert des bourses est le modèle expérimental qu'il a mis au point. «Pour des raisons éthiques évidentes, il n'est pas question d'exposer des personnes aux rayons UV et de constater ensuite les dommages à leur ADN.» L'étudiant-chercheur utilise des échantillons de peau cultivés en laboratoire qu'il expose aux rayons d'un simulateur solaire laissant filtrer les mêmes quantités d'UV que l'atmosphère terrestre. «Il s'agit du modèle qui se rapproche le plus de la réalité.»
Le modèle risque d'être très utile au cours des années qui viennent. En effet, au Canada, l'incidence du cancer de la peau a augmenté annuellement de plus de 5% entre 1970 et 1985. «Il semblait y avoir un plafonnement mais on observe maintenant une augmentation de 2% par année, dit Jean-Philippe Therrien. Même si les gens sont maintenant plus sensibilisés, il faudra un certain temps avant que les statistiques n'en témoignent parce que la période de latence entre l'exposition aux UV et l'apparition d'un cancer peut durer de 20 et 30 ans.»