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2 avril 1998 ![]() |
Concours "L'image des mots 1998"
Catégorie "Poésie"
par Swann Paradis
"Que le jour te maintienne
sur l'enclume de sa fureur blanche" - René Char
une langue à la place des hanches
je cherche
tes éclats de beurre frais
tes cuisses de champagne
tes chevilles en ventre de cygne
tes mots de vin poignardés
et tes projectiles déchirants
en sautoir sur les mystères concentriques
je ne pensais pas que ce soir
était si proche
ce soir
entre la lune et deux oreillers
je t'ai toujours fait de la peine
***
un cygne transpercé par une femme courbe
les mains cachées sous le silence des pommes
s'enfonce comme des ongles dans une étoile
et la guerre d'ongles s'amplifie
simplement
parce que le vent le permet
***
il s'ouvre une orange aux initiales confondues
une plaine de prunes et de poisons d'enfant
ton corps chuchote la morsure
dilapide la semence
la sécheresse descend talons hauts dans la boue
tout cela n'est pas pour moi
je trouverai ailleurs comment survivre
entre l'ombre de l'ombre
***
quand je risque un rapprochement avec l'éphémère
quand je m'informe de la courbe qu'ont pris tes genoux
quand se défont tes nattes encore la première fois
en pensant que la nuit s'exagère
je ne sais plus quoi dénoncer
l'émiettement des paumes
ou la rousseur de ton souffle
***
j'ai peine à juguler l'éternité
que m'offrait ta nuque
alors que tes jambes se dépliaient
comme les racines jouissent de la terre
le travail de tes embruns
sur ma mémoire
redessine tes ovaires
au creux d'une fossette lunaire
je me nourris des neiges les plus graves
je cache des salves de feuilles
pour infuser ma croix de cendre
à l'orée de tes iris
sous l'hélice de ton buste
et l'écarlate me râpe les entrailles
la fumée d'aube scintille sur les papilles rêches
une larme grince les pores
je tambourine l'intaille des confidences
sur les rafales solitude
j'imagine les pointes de blés
comme l'ictère se débattant pour vivre sans foie
***
au cinquième étage d'une vie ronde comme une maison
je pense toujours
à la stupéfaction des astronomes
qui dérapent dans la courbe de tes hanches
au cinquième étage d'une autre maison
que la nuit te consume sur l'obole de sa folie blanche
et les aiguilles transparentes
gonfleront mes paupières
que la coloquinte expulse
tes cheveux roux hors de la blondeur
et tes griffes aux encoches de la puissance
se dissolveront sous ma langue
***
Quand mes paupières retaillaient le vendredi
dans tes yeux ensanglantés aux tessons de septembre
quand tes ongles étranglés
quand tes cygnes de sang
fatiguaient le magique de mon naufrage
la pluie âgée de couleur d'épices
souriait à tes cierges minces
au delà des secondes de porcelaines
et j'imaginais ce qui manquait aux icônes
pour te ressembler
petit Poucet des sentiers de l'enfance
je suivais la lune hérissée de tunnels
bordée à double tour
incontinente des ténèbres
dans le jaune épuisé du désordre
et cette bride de sourire ivre
de toi et moi
ce pirate que nos îles ont séquestré
dans le replis d'un songe
le temps de lancer deux dés
dans un champ de fraises
***
tu m'attendais
à cent quatre-vingts degrés du mystère
tes pièges d'encens
tes collets de tendresse
ton langage d'écorce
ont surpris les cendres de mon fantôme
l'échec flagellé de mailles trop étroites
tu as humé les miettes de mon sang-d'encre
et mon pouls chétif de cratère qui sommeille
et dans cette ombre je fus seul à t'aimer davantage
il est dommage que tu ne l'aies pas su
***
tout cela
pour un lieu fatidique
une avenue plantée de seins bleus
où faute libellule
l'angle fusant d'une rencontre
n'eut pas lieu
***
j'aspire à la rotondité de la terre
dans un mot cravaté de sang
je prie pour qu'une inconnue
remue du doigt l'eau d'une cellule
il faut qu'il arrive quelque chose
je veux modifier la disparition de mon corps
je pars à la recherche d'une épaule
qui n'éclôt qu'à l'époque des femmes parfaites
quand l'eau ne s'écoule plus entre les doigts
***
lorsque j'arriverai
en soirée ou ailleurs
pour voir le bruit que font les tournesols en mourant
seule la neige se doutera de quelque chose
je me rappellerai les saisons qui débutent
en tenant le silence
qui sanglait tes lettres d'écorce
j'oublierai comment bat un coeur
une faille d'espoir entre les doigts
je brandirai au hasard en sueur
le regard d'une figurine fondu dans un cercueil
le verre soufflera le sablier
en attendant que le corps tombe
plus tard
les épines de dentelles
soudoieront l'enfance
jusqu'à la chute des corps
l'assèchement d'une berceuse amniotique
la naissance à perte de vue