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2 avril 1998 ![]() |
Les médecins pourraient prescrire des comportements, plutôt que des médicaments, pour traiter l'insomnie.
Bien souvent, les personnes qui entrent dans le cabinet d'un médecin avec un problème d'insomnie en ressortent presque aussitôt avec une prescription de médicaments en poche. "Bien que les traitements cognitifs et comportementaux de l'insomnie donnent de bons résultats, les médecins de famille les prescrivent peu parce qu'ils ne les ont pas appris pendant leur formation médicale", dit Lucie Baillargeon, de la Faculté de médecine. Heureusement, cette situation n'est pas irrémédiable. Dans un article qu'elle publie avec Marie Demers (Santé et Services sociaux) et Robert Ladouceur (École de psychologie) dans le numéro de janvier de la revue Le médecin de famille canadien, la chercheure démontre que ces techniques peuvent être enseignées aux médecins et que ceux-ci peuvent les transmettre efficacement à leurs patients insomniaques.
Les chercheurs ont choisi d'évaluer la méthode du contrôle des stimuli en l'enseignant à six médecins de famille. Ceux-ci devaient ensuite prescrire cette méthode à des insomniaques chroniques. Les médecins transmettaient les directives suivantes à leurs patients: aller au lit uniquement lorsque vous vous sentez fatigués, cesser toute activité physique ou intellectuelle une heure avant d'aller dormir, aller au lit uniquement pour dormir (ne pas lire, regarder la télé, manger ou paresser - faire l'amour est la seule exception autorisée! ), sortir de la chambre à coucher si le sommeil ne vient pas après 20 minutes, se lever à la même heure chaque matin peu importe le nombre d'heures de sommeil et ne pas faire de sieste pendant la journée.
Treize des quinze patients qui ont complété l'étude ont réduit le temps requis pour s'endormir. En moyenne, les participants ont réduit de 67 % leur temps d'endormissement. Six des sept patients qui prenaient des médicaments pour dormir ont réduit ou cessé leur médication. Trois mois et six mois après le traitement, toutes les améliorations obtenues s'étaient maintenues. "Les médecins ont confirmé l'applicabilité de la technique du contrôle des stimuli en pratique médicale tout en spécifiant son maximum d'utilité chez les patients fortement motivés", concluent les trois chercheurs.
Comme les médicaments pour dormir provoquent des effets secondaires indésirables et créent une dépendance, il est recommandé de ne pas en consommer pendant plus de quelques semaines. L'approche comportementale constitue une porte de sortie plus qu'intéressante pour réduire ou cesser la consommation de ce type de médicaments. Elle exige de plus grands investissements initiaux de la part du médecin mais, parce que ses effets bénéfiques sont persistants, elle pourrait bien se révéler la plus rentable à long terme.
Le médecin piétine-t-il les plates-bandes des psychologues en prescrivant des traitements comportementaux? "Les problèmes d'insomnie touchent environ 30 % de la population adulte et c'est chez le médecin que se présentent les insomniaques, dit Lucie Baillargeon. Si le médecin ne leur enseigne pas cette méthode, seuls les gens qui sont capables de payer des consultations chez le psychologue vont pouvoir en profiter. Je crois que l'on va voir de plus en plus de ce type d'intervention dans le cabinet des médecins au cours des prochaines années."