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2 avril 1998 ![]() |
"CESSER DE PARLER, C'EST CESSER DE PENSER"
En tant que jeune étudiant en sociologie, je me considère
chanceux d'avoir eu la chance, il y a trois semaines, d'interviewer Michel
Chartrand, ce syndicaliste dévoué qui a malheureusement encore
besoin de présentations puisque plusieurs étudiants que je
côtoie régulièrement ne le connaissent pas. Voilà
un exemple du problème qui me tient à coeur: le sous-développement
(voire l'absence) de conscience sociale au Québec, c'est-à-dire
de la capacité de porter un regard critique sur la société
et de proposer des solutions. Cette dernière, sans se le cacher,
avance et même court à reculons. Il faudrait inventer un marathon
à l'envers et les participants du Québec en sortiraient probablement
grands gagnants.
"Cesser de parler, c'est cesser de penser.". C'est une phrase que Monsieur Chartrand m'a lancée amicalement au cours de l'entrevue. Et si on s'y arrêtait quelques instants afin d'y réfléchir, nous constaterions peut-être que cet homme n'a pas tort. Nous, Québécois, où voulons-nous en arriver? Le conformisme est-il devenu notre devise? Nous pourrions peut-être songer à remplacer le désormais célèbre "Je me souviens" par "Je me conforme". Nous légitimerions ainsi toute forme de néolibéralisme.
Comme je vous l'ai dit, je crois que la conscience sociale des Québecois fait défaut. Et la parole se retrouve malgré elle impliquée dans cette problématique plutôt honteuse.
La parole, véritable outil de la pensée, se voit, plus souvent qu'à son tour, remerciée de ses services. La société est-elle parfaite? Est-elle une cause désespérée? Est-elle autonome ? Quelles peuvent bien être les raisons qui font que les Québécois sont hypnotisés devant la publicité, les discours politiques, l'éducation? À titre d'exemple, comment pouvons-nous accepter les déréglementations environnementales permettant à des grands capitalistes d'imposer leur loi? La planète en est-elle rendue à un point tel qu'il vaut mieux ne plus s'en occuper? De plus, en ce qui concerne la diffusion de l'information, que faut-il penser? L'émission télévisée "La fin du monde est à sept heures" n'est-elle pas un des seuls signes encourageants à l'idée de l'existence d'une véritable opinion publique? J'ai bien peur que oui... C'est cependant une très belle lueur d'espoir que le réseau TQS nous offre. À nous de bien saisir le message... Et que dire d'une manifestation collégiale qui se fait guider par un corps policier presque entier? Il y a là des questions à se poser sur la confiance que l'on accorde aux jeunes. Et pourtant, c'est la norme et elle passe. Par dessus tout, que penser de l'accord multilatéral sur l'investissement (AMI)?
Peu de gens en connaissent la véritable signification et j'ai bien peur que cet accord potentiellement très dangereux règle le sort économique de plusieurs sociétés et ce, en catimini.
Dans un autre ordre d'idées, les divertissements sont nombreux à la télévision. Je n'ai rien contre le hockey; j'ai d'ailleurs le "CH"de la flanelle tatoué sur le coeur. Cependant, je trouve inacceptable la disproportion qui existe entre le nombre de programmes plutôt divertissants et le nombre de programmes véritablement informatifs. Les publicités conditionnent, les émissions amusent et pendant ce temps, une culture s'efface. Quant à nous, c'est le mutisme total. Et je vous avouerais même que nous sommes particulièrement bons en la matière. Bref, pour reprendre Pôpa, nous sommes devenus les adeptes d'un "respirateur artificiel" à qui nous vouons beaucoup de respect. L'instant d'une parole, Claude Meunier révéla le rôle de ces téléviseurs, véritables avorteurs de la pensée.
La radio, la télévision, les journaux et l'apparition récente d'Internet demeurent sans aucun doute des outils relativement ingénieux. Cependant, aux dires de Michel Chartrand, il suffit de bien savoir s'en servir. Selon moi, il a parfaitement raison. Cessons de croire que nous devons être passifs devant ces outils et impliquons nous. Soyons critiques, soyons rigoureux, soyons conscients, bref, soyons intègres. Cessons d'avoir peur. Pensons, proposons et mettons sur pied de véritables médiums d'information. À mon sens, il ne s'agit pas d'être révolutionnaire et de brandir les armes sans trop savoir pourquoi l'on se bat. Le Québec possède d'excellentes instances déjà en place. À mon avis, il suffirait peut-être de voir, au nom de la démocratie, ce qui va, ce qui ne va pas et ce qui peut être amélioré. À titre de citoyen, je crois que ce serait la moindre des choses. Bref, ne laissons pas mourir ce qui reste de nos droits. Et vous verrez, la conscience sociale ne mange personne... Donc, de ma faculté universitaire à la société toute entière, je souhaite bonne chance à tous les individus qui veulent, tout comme moi et quelques copains, s'embarquer dans ce véritable projet de société qu'est la conscience sociale. Et qui sait où cela nous mènera?
Avec le recul du temps, ce qui permet d'analyser avec plus de rigueur les événements politiques, plusieurs Québécois s'aperçoivent que le "vrai" débat n'a pas eu lieu. Le vrai débat étant: "Comment" peut-on faire unilatéralement la Sécession du Québec? Le "vouloir" est bien présent pour 30 % de la population québécoise.
Ceux (celles) qui veulent avec leurs fibres nationalistes faire la brisure du Canada, ont très peu d'arguments rationnels et concrets. Ils ne fonctionnent qu'avec des sentiments: humiliation, frustration, fierté, etc. Si vous abordez avec eux le sujet du "pain et du beurre" vous serez traité de "terre-à-terre", de vil matérialiste dénué de fierté et de ferveur nationaliste. Pour eux, parler d'argent, de sécurité financière, de niveau de vie, c'est parler de choses qu'il ne faut pas discuter, car c'est très bas et indigne. C'est considéré comme honteux...
Tandis que ceux qui veulent discuter du "comment", (sans être dénués de patriotisme) sont très réalistes. Ils veulent savoir comment nous vivrons après. Que fera-t-on avec l'argent récupéré du Fédéral? Servira-t-il à établir des ambassades dans le monde entier, à former une marine marchande, une police des frontières, un nouveau passeport québécois? Qu'arrivera-t-il aux pensions de vieillesse, à l'assurance-emploi? Quel sera notre position aux Nations Unies et notre impact économique dans ce monde de concurrence féroce? Le nationalisme n'est pas une valeur supérieure qui impose sa loi aux marchés internationaux. Les petits ensembles ne peuvent lutter efficacement contre les géants de la finance.
Quelle sera la forme de gouvernement? Un parti unique qui imposera ses vues au peuple sous tutelle. Quel sera le genre de liberté accordé aux citoyens? Y aura-t-il une opposition officielle ?
Actuellement, les péquistes critiquent beaucoup le gouvernement fédéral pour ses dépenses et son ingérence dans le domaine des provinces. Le Québec n'est pas la seule province où le fédéral veut exercer son mandat. Une confédération où le gouvernement fédéral serait absent de tout ne serait plus une confédération. Mais je trouve ça indécent de critiquer le moindre geste du fédéral quand le gouvernement du Parti Québécois ne cesse lui aussi de dépenser follement les argents du peuple. Exemple: M. Bouchard a donné 300 000 $ au Mouvement Pro-Démocratie afin de faire les louanges de son parti, pour contrer les décisions de la Cour Suprême. Les péquistes en ont peur, car le vrai débat commence à faire son chemin.
Ça fait trop longtemps que plusieurs québécois se font ennuyer par les mêmes radotages, la balle est maintenant dans le camp des séparatistes. Lorsque j'essaie d'éclaircir le débat, de le porter au niveau rationnel, j'ai toujours essuyé un refus total et obstiné de la part des séparatistes. J'étais bien intentionnée, décidée à écouter attentivement leurs explications, à combler mon besoin d'informations. Mais je n'ai rien obtenu. Serait-ce qu'ils n'ont aucune explication plausible à nous donner, que tout simplement ils ne savent pas?
Il se drapent dans le fleur-de-lysé (comme un bébé dans ses langes) de même que dans leurs sentiments de frustrations, d'humiliation, d'infériorité. Ils vivent dans le passé et refusent de discuter franchement de notre avenir. Ils ont toujours ce mot à la bouche mais ils restent accrochés au passé.
À quand des réponses à nos questions "terre-à-terre"? J'avoue ne pas avoir honte de les poser, car la vraie vie n'est pas faite uniquement de sentiments. Surtout que ceux-ci ne concordent pas avec le temps actuel où le Québec a pris sa place dans l'ère moderne. Je suis fière d'être québécoise et canadienne. Les deux sentiments ne sont pas incompatibles.